Cloud Nothings, life with sound
Qui a dit que les guitares ne faisaient plus recette ? La Rotonde du Botanique affichait en effet complet depuis un bon bout de temps pour la venue de Cloud Nothings, les natifs de Cleveland, Ohio qui venaient y présenter leur nouvel album ce dimanche 12 mars. Une soirée qui allait plutôt bien commencer puisqu’en moins de cinq minutes, la frustration accumulée par le manque de conviction affiché par Jagwar Ma lors de leur prestation à l’Orangerie quelques jours plus tôt s’est envolée comme par magie. La raison ? Michael Kasparis alias Apostille, un type complètement à la masse qui parvient à faire cohabiter The Cure, Suicide, LCD Soundsystem et Fischerspooner via une voix caverneuse, des beats infernaux et des hurlements bestiaux.
Friand d’improvisation (son ode au Botanique valait le détour), l’Ecossais soigne également le côté visuel. Il quitte ainsi très régulièrement son immense console pour se coucher devant la scène, se dépenser parmi les spectateurs ou adopter des positions abracadabrantes, le tout avec le câble du micro doublement enroulé autour du cou, à la limite de l’étranglement. Les retardataires s’en mordent encore les doigts…
Au fil des albums, le son de Cloud Nothings s’est quelque peu adouci, sans toutefois perdre de sa rugosité. Ainsi, “Life Without Sound”, leur cinquième livraison, présente sans doute leurs compositions les plus accessibles, en partie grâce au coup de patte du producteur John Goodmanson. À moins que ce ne soit l’influence de Wavves avec qui ils ont enregistré “No Life For Me”, un album commun en 2015.
Toujours est-il qu’ils croient dur comme fer à cette nouvelle plaque dont ils vont d’emblée interpréter la plage d’intro, “Up To The Surface” suivi d’un de ses meilleurs moments, “Sight Unseen”. Lorgnant davantage du côté de Weezer que de Metz, ces deux titres vont ensuite se faire balayer par un “Psychic Trauma” particulièrement enlevé sur lequel l’impressionnant batteur Jayson Gerycz va se démarquer. Derrière son instrument somme toute rudimentaire, il balance une rythmique hyperactive en mouillant littéralement sa chemise à carreaux (qu’il ne gardera d’ailleurs pas longtemps).
Le leader Dylan Baldi, lui, la portera fièrement jusqu’au bout, mais déboutonnée. Positionné à l’extrême droite de la scène, sa longue chevelure rebelle lui cache la moitié du visage. Il peut ainsi se concentrer sur sa voix rauque que sublime son jeu de guitare nerveux. On peut sans conteste affirmer que ces deux-là forment l’ossature du groupe, le bassiste et le second guitariste passant clairement au second plan.
Si “Modern Act” et “Things Are Right With You” sont sans doute les nouveaux titres les plus atypiques (car un peu trop poppy), “Darkened Rings” et le très Nirvana “Strange Year” rivalisent avec les classiques du groupe que sont “Fall In” et “I’m Not Part Of Me”. Le souci, c’est que tout semble linéaire et les nuances peu perceptibles parmi les pédales à effets. Exception faite peut-être du hit “Stay Useless” (du Strokes dark) coincé entre les bruts et sinueux “Pattern Walks” et “Realize My Fate”, objets d’une fin de set démentielle dont la violence engendrera quelques pogos musclés parmi les premiers rangs.
Ceux-ci ne faibliront pas pendant un rappel lors duquel seul “Wasted Days” sera joué. Un épilogue idéal vu le labyrinthe sonore extensible qui le compose et qui résume à lui seul le génie créatif du leader. It was a noisy Sunday…