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Dour Festival 2017 : le grand retour des guitares

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Dour Festival, J-35. Coup d’œil sur les coulisses de l’événement en compagnie des programmateurs en chef que sont Alex Stevens et Mathieu Fonsny qui nous ont reçus dans les salons cosy de l’hôtel Bloom, à deux pas du Botanique… MiB: Cette année sera synonyme de jubilé pour Music in Belgium puisqu’il s’agira de la dixième année consécutive que mon ami photographe Olivier Bourgi et moi-même couvrons le festival. À votre niveau, qu’est-ce qui a changé en une décennie ?

Alex Stevens: 2007, c’est justement une édition charnière, la première année où l’on a rencontré une grosse affluence et où le festival a commencé à très bien fonctionner. Parallèlement, on a eu des problèmes au montage, l’accueil des festivaliers n’a pas été optimal. En revanche, on a beaucoup appris de cette édition. Avec le recul, on se rend compte qu’en dix ans, l’événement s’est sans cesse amélioré, notamment par rapport au confort du public. On est passés d’un festival de taille moyenne (si l’on se base sur les catégories des Festival Awards) à un de grande taille. Cela impressionne chaque fois les agents de se rendre compte que le Dour Festival fait désormais partie des grands d’Europe. On est même dans le top 10 et cela fait deux ans que l’on reçoit le prix du meilleur festival belge. On a réussi à faire de Dour un événement incontournable pour tout le monde : le public, les agents et les artistes.

MiB: Je me souviens très bien de cette édition 2007. C’était ma dernière année en tant que festivalier avant de le couvrir en qualité de journaliste.

AS: C’est paradoxal car on n’avait jamais aussi bien réussi. L’affiche était incroyable, il y avait Justice, Autechre et Vitalic qui jouaient au même moment le samedi soir. Il y avait tellement de gros noms que l’on n’avait pas su faire autrement au niveau des horaires. Mais en même temps, il y avait ces ratés parce qu’on n’avait pas eu de chance avec la météo, avec les préparatifs. Ceci dit, c’est le moment déclencheur de ce que le festival est devenu aujourd’hui.

MiB: Comment faites-vous pour sélectionner les 250 groupes qui fouleront la plaine de la machine à feu ? Vous devez recevoir des paquets de démos, d’albums,…

AS: Même s’il nous est plus facile de programmer en 2017 qu’en 2007, c’est encore beaucoup de travail. En fait, les groupes qu’on veut faire, c’est simple, on leur fait une offre et le deal est assez vite réglé. Ceux qu’on ne veut pas faire, c’est facile aussi. Ce qui prend du temps, ce sont les trucs qu’on connaît un peu moins bien, qui sont nouveaux. Le boulot de défrichage, en d’autres termes. Et là, on fait confiance à notre instinct…

MiB: Via les artistes qui proposent spontanément leur candidature ?

AS: Aujourd’hui, c’est très facile de taper “festival” et “contact” dans Google puis de faire un copier-coller et d’envoyer le même mail à tout le monde. C’est ce que font beaucoup de gens. Malheureusement pour eux, ce n’est pas du tout comme ça que l’on fonctionne. Il s’agit plutôt de coups de cœur personnels, de concerts qu’on a vus, de recommandations via des copains ou d’échanges avec d’autres programmateurs. Attention, cela arrive encore, on a notamment reçu une demande de Demian Licht, une artiste mexicaine qui va jouer cet été. J’étais en vacances, j’avais un peu de temps, j’ai cliqué sur son lien et j’ai eu un coup de cœur sur ses vidéos alors que personne ne m’en avait parlé.

Mathieu Fonsny: Il y a aussi une part de chance. Par exemple, on est très fiers d’avoir Solange mais on a du bol qu’elle soit dans la zone pendant notre week-end. Cela aurait très bien pu être en août et elle se serait sans doute retrouvée à l’affiche du Pukkelpop ou en juin à Werchter. Etre programmateur de festival, encore plus à Dour, ce n’est certainement pas un vase clos ou une tour d’ivoire. Au contraire c’est pouvoir se laisser surprendre par des choses que l’on ne connaît pas, s’exciter sur un truc dont on nous a parlé. C’est une combinaison de tout cela, du reggae jusqu’à la drum ‘n’ bass, du hip hop à la techno. Etre ouvert un maximum.

MiB: Justement, on a remarqué au fur et à mesure des éditions qu’il y avait de plus en plus de place pour les musiques électroniques au sens large du terme, le hip-hop ou le dub. Si l’on écoute autour de nous, on a l’impression que cela étouffe celle consacrée au rock à guitares. Signe des temps ou action délibérée ?

AS: On met le doigt sur la modification majeure dans le programme de cette année. Il y avait du rock au festival, éparpillé dans le Labo, la Petite Maison dans la Prairie et la Cannibal Stage. Et comme il était de plus en plus difficile de renouveler les noms qui jouaient sous cette Cannibal Stage, on a décidé de la rebaptiser Cavern pour y programmer toute la scène rock. On va donc avoir quatre jours de rock non-stop dans un chapiteau qui a la même taille que celui consacré au hip-hop. Il y aura The Kills, AmenRa, Sleaford Mods (pas de guitare mais l’énergie du punk), Meatbodies, Twin Peaks, The Moonlandingz, All Them Witches, Circa Waves, Temples, Hanni El Khatib,… Bref, on a vraiment décidé de remettre le rock et les guitares au cœur du festival car c’est une des composantes qui restent fortes en son sein.

MiB: On a l’impression que deux mondes se côtoient à Dour, les rockeurs et les ravers sans pour autant se mixer. Quelle est votre impression ?

MF: Je crois justement qu’ils se mixent. Si tu regardes Justice, Die Antwoord, M.I.A. ou dans les trucs les moins évidents Perturbator (de l’électro-synthpop visuelle) et Carpenter Brut (du metal version électro), tu touches les deux publics. En même temps, celui qui veut vraiment de la techno va aller dans la Balzaal, celui qui veut de la musique plus expérimentale ira dans la Petite Maison dans la Prairie la nuit. Et puis, ce sont des termes qui veulent tout et rien dire à la fois. Si tu prends Die Antwoord, c’est de la musique du monde mixée avec du hip-hop et de la musique électronique. Si tu regardes M.I.A., c’est de la musique électronique, du hip-hop et de la techno. Justice, c’est du disco, du rock et de la techno.

MiB: Dans la même veine que Ho99o9 l’année dernière ou Little Big en 2015.

MF: En quelque sorte…

MiB: Ce sera la troisième année consécutive que le festival débute officiellement le mercredi soir. Est-ce que cela pourrait potentiellement devenir une cinquième journée en tant que telle ?

AS: Oui et non. On a créé cette journée-là suite à Mons 2015, Capitale Européenne de la Culture. L’an dernier, on a décidé de la garder car il y avait 30.000 festivaliers qui étaient déjà là et c’était con de ne pas mettre un peu de musique. Mais l’idée, c’est de programmer des projets que l’on ne peut techniquement pas mettre en place les autres jours. L’année passée, on a fait La Colonie de Vacances (quatre groupes qui jouent le même titre simultanément, ndlr) qui impliquait l’installation des quatre scènes pendant une bonne partie de la journée. Cette année, on a pris un autre projet qui s’appelle Binkbeats. En fait, c’est une espèce de Rémy Bricka des temps modernes, un Hollandais qui fait des reprises de morceaux d’Aphex Twin, de Caribou, de Flying Lotus mais qui a aussi ses propres compositions. Il a un camion de matériel avec des xylophones, des batteries, et cela lui prend quatre à cinq heures de montage. Il a aussi une installation visuelle avec des miroirs notamment. C’est le genre de concert que l’on peut difficilement organiser un autre jour que le mercredi.

MiB: et la tête d’affiche ce soir-là sera M.I.A.

AS: Oui, effectivement. Et on va également ouvrir le Dub Corner. Il y aura donc trois scènes, soit une de plus que l’année passée.

MF: Le but est plutôt de faire une grande fête d’ouverture. Ce n’est donc pas (encore) tout à fait un cinquième jour.

MiB: Quid du remplacement de Grandaddy ? Un scoop à dévoiler ?

AS: On est en train de reformer Nirvana (rires).

MiB: Avec leurs enfants ?

AS: Non, sérieusement, on cherche un remplacement à Grandaddy mais ce n’est pas facile. En fait, le problème, ce sont surtout les disponibilités. On a regardé une cinquantaine de noms et ceux qui cartonnent sont en tournée et n’ont pas leur samedi soir de libre. Pour l’instant, on est en train de manœuvrer pour essayer de déplacer un groupe du vendredi vers le samedi. On se dit que ce sera plus facile de booker un groupe pour le vendredi. Voilà où l’on en est dans la réflexion pour le moment. Pas évident…

MiB: Ils ont eu le même problème au Primavera de Barcelone et ils ont pris Arab Strap.

AS: Oui, on était dessus aussi mais Arab Strap est à Chicago ce week-end-là, au Pitchfork Festival. On voulait Slowdive mais un de leurs membres est invité à un mariage, Thurston Moore est en tournée dans le Tennessee, Spoon dans l’Alabama. Je connais par cœur le programme de tous les groupes indé le samedi 15 juillet. J’ai même essayé de retenir Kurt Vile en Europe. En vain…

MiB: The War On Drugs, The National ?

AS: Ils ont des tournées prévues à la rentrée, c’est hautement improbable de les faire jouer avant. On a même été jusqu’à regarder un à un les vinyles du rayon indé d’un magasin de disques à Paris pour avoir des idées. On cherche, on cherche. On va y arriver…

MiB: Je vous fais confiance. Vous êtes contents des préventes pour cette édition ?

AS: C’est encore un peu tôt mais on est sur la bonne courbe. On a un public relativement jeune qui attend de terminer ses examens, de prendre un petit job de vacances pour se payer son ticket. Il y en a d’autres qui le reçoivent de leurs parents s’ils réussissent leurs examens. Mais bon, on a l’habitude, on ne s’inquiète pas…

Sur ces bonnes paroles, le duo s’en est allé terminer sa journée au Bota pour le concert de Mathieu Boogaerts. Un péché mignon et une récompense bien méritée mais à priori aucun lien avec le remplacement de Grandaddy…

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