Jean-Louis Aubert – Grand Place Bxl – 22 mars 2003
12 octobre 2002. 23h00. Je sors de l’Ancienne Belgique. Des étoiles plein les yeux. Concert exceptionnel. Un Jean-Louis Aubert éblouissant. D’une perfection rare. Une faille dans l’espace temps sans doute. Un coup de pouce venu d’ailleurs. Souvenir magique. 22 mars 2003. 21h15. Je me dirige vers la Grand Place. Sur les ultimes accords de piano jouées par An Pierle. Qui visiblement est déchaînée sur ces derniers morceaux. Mais hélas, plus le temps
d’en profiter, c’est déjà fini. Promis An, je reviendrai te voir en salle un de ces jours.
Aubert commence dans une demi-heure environ. Juste le temps de retrouver mes complices. “Où on se retrouve ?” me demande-t-elle. “euh, devant la statuette qui porte chance quand on la caresse, ok ? … oui, le t’Serclaes, c’est ça !” … Oops, ma culture bruxelloise a pris un coup, là. Par contre, on m’aurait dit devant la statuette qui fait pipi, j’aurais crié fièrement “ah, devant le Manneken Pis !”.
Le concert de ce soir est gratuit. Trois groupes à l’affiche : Studio Pagol, An Pierle et Jean-Louis Aubert. Dans le cadre des ‘journées européennes de lutte contre les discriminations’. Evidemment, dans le contexte actuel, toute manifestation prend une dimension supplémentaire. Anti-guerre. Pro-paix. Surtout que l’après-midi même, c’est encore par dizaines de milliers, qu’ils ont défilé au centre ville.
Le public est donc clairsemé. Les restes des troupes manifestantes du jour, les curieux, les clochards, les touristes, les punks, et puis les fans d’Aubert aux premiers rangs. Tout ce beau monde réuni pour la bonne cause sur ‘la plus belle place au monde’.
Parce que j’ai beau connaître le quartier par coeur, c’est pourtant avec délectation que je m’y aventure très régulièrement. Rat des villes, à coup sûr. On y voit la vie telle qu’elle est. Sous ses multiples facettes. Si belle parfois. Et tellement injuste et cruelle en même temps.
“Dzing !”… Ouf, sauvé par le gong. Les roadies terminent leur boulot. Les guitares s’accordent. Les applaudissements se font entendre. Les va-et-viens continus se calment. Chacun a trouvé sa place. Les aiguilles aussi. Bien calées sur 22H10. C’est parti, mon kiki.
Seconde partie du tour ’02/’03, délicatement nommé “JLA fait tournée”… Avec toujours le même line-up. Aubert, entouré d’une basse, d’une guitare et de l’infatigable batterie de Richard Kolinka.
Oublions les conditions sonores optimales de l’Ancienne Belgique. Ici, nous avons à faire à un concert de rock, gratos, et en plein air. Faut pas non plus s’attendre à des miracles. Mais après quelques minutes, nous sommes rassurés quant à la qualité du son. Divers réglages bien ajustés, et la vitesse de croisière est atteinte. Sans temps morts.
La setlist est allégée de plusieurs morceaux, par rapport à celle des concerts en salle. Environ une bonne demi-heure de musique en moins. Mais les spectateurs du jour n’auront pas été déçus pour autant. Jugez-en plutôt : “les plages”, “temps à nouveau”, “juste une illusion”, “entends-moi”, “locataire”. Plusieurs hits de sa carrière solo donc.
Et le dernier Comme Un Accord n’est pas oublié. Et à juste titre d’ailleurs. Parce que ni vu ni connu, ce disque est très solide. Sous ses apparences gentillettes, il renferme certains morceaux d’enfer. Qui, live, sonnent aussi bien que ceux écrits il y a 15 ans. Vraiment un des tout tout bons disques de 2001.
Quand il chante “la bombe humaine” seul à la guitare acoustique, c’est toute la Grand Place qui joue le rôle de seconde voix. Et c’est splendide. Tout simplement. Sans artifices. Un peu à la manière de la version live de “no woman no cry” de Bob Marley. Une union sans pareil. Frissons garantis. Typiquement le genre de moments, qui me confirment que la vie, finalement, malgré ses ‘ceci’, ses ‘cela’, ses ‘peut-être’, ses ‘sans doute’, ses ‘tu peux toujours rêver’, et bien, la vie donc, elle n’est pas si mal.
Et lorsqu’il entame “temps à nouveau”, il sait très bien ce qu’il fait, le bougre. L’effet attendu a donc eu lieu juste après le premier refrain : “puisque ce n’est plus qu’un système et sa police américaine”. Sifflements.
Continuons sur le mode (pseudo ?) engagé avec sa reprise de “give peace a chance”. Single de Lennon datant de 1969 et – ô combien – d’actualité ces jours-ci. Evidemment, il n’y a qu’Aubert pour tomber dans le panneau ainsi… Le message est bien joli, mais bon… Cliché, quand tu nous tiens. Mais l’effet est lui aussi assez soufflant. Tout le monde, oui tout le monde !, qui chantait en coeur “all we are saying is give peace a chance”. Bien joué. Pas mieux.
Mais bon point pour lui, il ne se prend pas au sérieux. “rendez nous Monica, et la boîte à cigares” lancera-t-il, d’un air rigolard. Ah, il me semblait bien…
Balance nous un peu de rock & roll, man ! Suffit de demander. Voici “argent trop cher” de l’ère Téléphone. Et croyez-moi, ça décoiffe. La vision que nous avons à ce moment-là est démentielle.
Du rock & roll, balancé à fond la caisse, toutes guitares dehors, avec un drummer fou, et un refrain beuglé par Aubert et ses fans, le tout sur la Grand Place de Bruxelles ! Ca laisse rêveur !
Et justement, en parlant du batteur… Richard Kolinka. Ca fait 3 fois que je le vois officier derrière Aubert. Et à nouveau, même impression. Ce mec est démoniaque. Epoustouflant. Un spectacle à lui tout seul. Un cogneur fou. Tout en restant très léger quand il faut. Jongleur aussi. Franchement, sur la scène rock française, à part lui et Christophe Deschamps, on n’en compte pas 36 de cette qualité-là.
D’ailleurs, il y est pour beaucoup dans le son qu’Aubert se paie depuis des années. Un son très carré. Très rock. Même lors des morceaux plus doux. Une énergie débordante. Un band on ne peut plus soudé, en fait. Ca va droit au but. Sans se poser trop de questions. Juste le temps de se dire “ouch !”, que le train est déjà passé.
Fallait juste sauter dedans au bon moment pour en profiter. Pour prendre son pied. On est conscient que ce n’est pas révolutionnaire. Mais tans pis. Tant mieux même. C’est juste foutrement bon.
Il quittera la scène après une petite heure et demie. Avec ces 2 mots. Bisous. Paix. Manquait plus que “la guerre c’est moche” et le summum de la ringardise aurait été atteint… Allez, Jean-Louis, t’es un rockeur, hein, ne dis pas “bisous”, stp ! Un peu de sérieux. Pourquoi pas “soupe pour tout le monde” au Restos du Coeur, tant que t’y es ?
N’empêche, même avec ses facettes cul cul la praline, on ne parvient pas à lui en vouloir. Ca fait des années qu’il livre des disques très respectables. Avec sur chacun, des titres qui sonnent directement comme de véritables classiques. Et rock, les classiques, svp. Et quand on voit ce que ça donne sur scène, on ne peut que se réjouir du chemin parcouru par le gaillard. Avec toujours le même fil conducteur. Aucun compromis, générosité, énergie, électricité.
Jean-Louis, c’est un gentil.
Jean-Louis Aubert – Bruxelles – 22 mars 2003
Yann