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Dour Festival 2017 (Jour 5) : Justice est rendue

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Il semble que le temps au Dour Festival passe plus vite qu’ailleurs et la dernière journée de cette vingt-neuvième édition n’a pas dérogé à la règle. Il est vrai que la programmation laissait peu de place à une balade touristique. Une dernière journée que l’on a principalement passée sous la Caverne. Les organisateurs avaient donc raison lorsqu’ils assuraient qu’il s’agirait du nouveau point névralgique des guitares. Une nouvelle preuve en a été donnée à 13h20 avec A Supernaut, introduits comme il se doit par un Jacques de Pierpont en grande forme (il a fait le coup du Capitaine Caverne) et enfin vêtu de son célèbre short en jeans. Au terme d’une intro kilométrique, le trio Bruxellois a fait parler les guitares flairant bon le début des seventies et le blues rock musclé que l’on n’appelait pas encore heavy metal à l’époque. On pense ainsi beaucoup à Led Zeppelin et à Black Sabbath même si on pourrait leur reprocher d’abuser d’inutiles longueurs et de poses qui le sont tout autant.

L’occasion d’aller jeter un œil furtif à Nicolas Michaux sous la Petite Maison dans la Prairie et se laisser surprendre par le bonhomme qui utilise autant la langue de Shakespeare que celle de Molière, accompagné de ce petit tremblement de voix caractéristique. Imaginez un Dominique A qu’un environnement coloré aurait rendu moins dépressif. Mention à la basse omniprésente de Theo Clark (aperçu à l’époque dans The Tellers et The Big Hat Band) qui apporte un plus aux compositions de l’ex-leader d’Été 67.

La Jupiler Boombox allait ensuite nous offrir une curiosité comme on ne peut en voir qu’à Dour. Zwangere Guy, c’est du hip-hop déclamé en néerlandais (avec quelques mots en français et des jurons en anglais tout de même). Mais cela fonctionne plutôt bien, et pas seulement grâce aux nombreux visiteurs venus du nord du pays. Malin, le rappeur qui s’est fait connaître au sein de Stikstof s’est entouré de quelques invités, dont Peet du 77.

Sous la Caverne, les Californiens de Meatbodies avaient pris le relais, quatuor emmené par le pince-sans-rire Chad Ubovich, qui n’est autre que le bassiste de Fuzz (un des nombreux projets de Ty Segall). Vu son pedigree, on ne s’attendait pas à assister à un thé dansant mais plutôt à une destruction en règle. Le résultat sera à nuancer car la longueur des titres grungy à la Drenge (en moins direct toutefois) partent dans des directions psyché stoner qu’il est parfois compliqué de cerner. En revanche, sa voix nasillarde à la Bowie complémente parfaitement la puissance maîtrisée de ceux-ci.

On passera sur l’atroce slot de Big Freedia qui ressemblait davantage à un concours destiné à chercher la nouvelle star du twerking parmi les festivaliers invités sur scène qu’à un concert digne de ce nom pour se concentrer sur la prestation de Deap Vally. Les deux nanas originaires de L.A. (Lindsey la guitariste et Julie la batteuse) étaient de retour en Belgique après leur visite au
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l’an dernier avec, coïncidence, le groupe qui a justement ouvert la Caverne ce dimanche. Au programme, du rock couillu et crasseux dont les textes à connotation féministe que jalonnent leur deuxième album (“Femejism”) montrent qu’elles n’ont pas peur d’aller au turbin malgré leur maquillage prononcé et leurs crinières colorées.

Parmi les retours inattendus qui ont émaillé la première moitié de l’année se trouve en bonne position Millionaire, le groupe que Tim Vanhamel avait formé au lendemain de sa courte aventure au sein de dEUS et plus ou moins abandonné pour se concentrer sur une carrière solo. Leur concert à la Rotonde en juin s’est retrouvé sold out en moins de temps qu’il ne faut pour écrire “Sciencing”, le titre de leur très réussie troisième plaque.

Qu’on aime ou pas l’ami Vanhamel, reconnaissons qu’outre ses talents de musicien hors pair, il s’agit d’un showman (quelque peu habité tout de même…). Il porte ce soir une chemise Hawaï à mille lieues des compositions nerveuses que sont notamment les nouveaux “Busy Man” et “Love Has Eyes” avec trois guitares en action et une voix légèrement trafiquée. Il invitera même sur scène la Canadienne à la voix langoureuse Clara Klein, histoire de recréer en live les moments passés en studio à enregistrer “Silent River”. Une respiration salutaire avant d’emballer la sauce pour une fin de set épique. La tournée des salles belges à l’automne sera un must absolu.

Hanni El Khatib s’est ensuite appliqué à défendre “Savage Times”, son quatrième album qui est en fait une compilation de cinq EPs sortis sur les plateformes digitales durant l’année 2016. Son rock garage puisant son inspiration dans les sixties et mis en valeur par sa voix rauque, aussi efficace soit-il, a tendance à se révéler assez linéaire sur la longueur. Et comme le natif de San Francisco n’est ni loquace ni expansif et qu’il se produit dans un environnement assez sombre, cela n’arrange évidemment rien. À moins que ce ne soit notre position au fond du chapiteau qui soit en partie responsable de tous ces maux. On se rattrapera le 5 octobre au Bota.

En même temps, il s’agissait de ne pas louper le concert de Metronomy sur la Last Arena. On n’avait plus vu le groupe de Joe Mount en action sur une scène depuis les Ardentes en 2015. Ils n’ont en effet pas tourné “Summer 08”, l’album enregistré en solitaire par le leader et publié l’an dernier. Avec six extraits (dont un symbolique “Back Together” d’entrée de jeu), il s’agira de leur plaque la plus représentée ce soir.

Moins Alice au Pays des Merveilles que précédemment, le décor semble même un peu trop sobre que pour être honnête, les musiciens jouant derrière des plaques transparentes sauf le toujours impressionnant bassiste black. Mentionnons également la batteuse Anna Prior qui s’occupe élégamment de son kit et échangera même sa place avec le leader pour un “Everything Goes My Way” très réussi. Toujours aussi colorées, leurs compositions constituaient la BO parfaite pour ce début de soirée placé sous le signe de l’amour, comme le rappelle le slogan du festival en plusieurs langues sur les écrans entre les concerts. Ainsi, “Love Letters” pourrait même faire office d’hymne officiel. On préfèrera toutefois “The Bay” et une excellente version de “The Look” en fin de set.

L’amour c’est bien, mais la rage, cela a du bon aussi. Demandez aux deux quadras de Sleaford Mods ce qu’ils en pensent, ces voyous au cœur tendre qui dépeignent la société actuelle de façon plus que terre à terre. Lorsque Jason Williamson hurle à renfort de postillons ses textes énervés d’un accent à couper au couteau sur les beats savants d’Andrew Fearn, on sent que cela vient de loin. Bon, d’accord, ce dernier prépare surtout le travail en amont, ce qui lui permet de se dandiner allègrement une canette de bière à la main pendant le concert. Mis à part cela, son rôle se limite à lancer la musique au bon moment d’un clic sur son laptop.

Cela a l’air brut expliqué ainsi, mais cela fonctionne tant l’association des beats lancinants et des textes explosifs provoque une alchimie à laquelle il est impossible de résister, au point que des pogos spontanés vont se déclencher devant la scène (“Just Like We Do”, “Jolly Fucker”). Bien entendu, les oreilles sifflent à chaque juron (et il y en a un paquet…) mais l’humour caustique de l’ami Jason finit par rééquilibrer le tout. Le bien nommé “Tweet Tweet Tweet”, mettra un point final au concert mais également à la tournée du duo, visiblement satisfait du travail accompli.

Afin de ne pas rentrer idiots, un petit détour par l’immense Red Bull Elektropedia Balzaal s’imposait, histoire de s’imprégner d’une ambiance complètement dingue au milieu de projections et de décors propices à la diffusion d’une musique électronique extrême (c’était pendant le DJ set de Kölsch, pour les curieux) embrumée par des fumigènes savamment dosés. C’est donc ici que viennent se déchaîner un paquet de festivaliers depuis le milieu de l’après-midi jusqu’aux petites heures…

En parlant de petites heures, Justice, la tête d’affiche de la journée, débutait son set à 0h45. Un set tardif mais l’attente en valait vraiment la peine. Pas moins de septante-cinq personnes se sont affairées pour préparer un visuel qui allait surpasser (et de loin) ceux de Vitalic et de Phoenix. Le duo Parisien se produit en effet au centre de la scène, entourés d’impressionnants murs d’amplis qui vont changer de couleur au gré du set alors que des rampes de spot articulées vont virevolter au-dessus de leurs têtes avec des effets visuels époustouflants à la clé. Sans oublier leur célèbre croix illuminée au fond de la scène. À l’instar de Daft Punk, ils ne doivent sans doute pas beaucoup jouer en direct mais au final, ce n’est pas ce qui préoccupe les festivaliers…

C’est donc au terme d’un show étincelant que notre festival a pris fin. Une édition qui n’est pas loin de constituer la meilleure de nos années de couverture médiatique. De bon augure pour la trentième que l’on annonce exceptionnelle à plusieurs égards. Rendez-vous du 11 au 15 juillet 2018.

Photos © 2017 Olivier Bourgi

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