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Alcatraz 2017 – Jour 1 : Metal is the new black

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Nous sommes de retour à l’Alcatraz afin de payer notre dette annuelle à la société. Pour fêter en fanfare les dix années d’existence de leur institution pénitentiaire, nos geôliers nous ont sanctionné d’une journée d’incarcération supplémentaire. Vendredi 11 août 2017. Comme chaque année, le parcours qui mène du parking au pénitencier est parsemé d’embuches et bien qu’arrivé sur place une bonne heure avant la première prestation, je peine à atteindre le portail d’entrée. L’attente, cependant, n’est pas tout à fait désagréable puisque le soleil brille et que mon statut envié de ‘rat de la presse digitale’ me permet de côtoyer des hordes rutilantes de VIPs (avec qui la presse partage un guichet d’entrée) et donc, de me frotter, une heure durant, à des gens beaucoup plus fortunés que moi !

17h50. Je pénètre enfin dans l’enceinte de l’Alcatraz. le pénitencier a subi de nombreuses transformations depuis l’année dernière. Au nombre de celles-ci, l’adjonction d’un chapiteau servant à abriter une scène supplémentaire appelée ‘Swamp Stage’. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Nous verrons cela plus tard !

Dyscordia est déjà en action les planches de la scène principale (Prison Stage) depuis vingt bonnes minutes. Sans être un inconditionnel du groupe, je suis heureux de pouvoir assister à la fin de sa prestation, puisque celle-ci va me permettre de faire d’une pierre deux coup et de liquider, en une seule phrase, deux des clichés incontournables du ‘Live Report’ : …le régional de l’étape a …l’honneur d’inaugurer les planches de cette édition 2017. Voilà qui est fait ! Doté d’un excellent vocaliste et de musiciens techniquement irréprochables, le sextette Metal Progressif courtraisien sait qu’il joue ici en terrain conquis et n’en fait pas plus qu’il en faut. Le côté statique de la prestation ne semble pas vraiment déranger les fans qui, visiblement, se sont déplacés en masse.

18h10. Trahison ! Des notes familières s’échappent déjà du chapiteau. Dans leurs communiqués de presse, nos geôliers avaient pourtant promis que, malgré l’addition de cette seconde scène, nous pourrions assister à toutes les prestations. Ils nous ont menti. Manifestement, Evil Invaders a envahi la Swamp stage bien avant la fin du set de Dyscordia, nous privant ainsi de dix bonnes minutes d’émeute métallique ! Cette pratique douteuse perdurera d’ailleurs durant toute la journée de vendredi et il sera impossible de voir la fin d’un show sans manquer le début du suivant (et inversement).

Contrairement à ceux qui les ont précédés, les Evil Invaders se donnent à fond en toute circonstance et ce, même si on ne leur offre pas le privilège jouer sur la grande scène. Leur succès – que ce soit ici, sur les planches de la Swamp Stage ou les scènes du monde entier – est amplement mérité. Comme toujours, les Limbourgeois se démènent comme des damnés sans prendre le temps de souffler. Pour celles et ceux qui les ont déjà vus sur scène, c’est un show Evil Invaders pur jus. Pour les autres, à coup sur, l’une des grosses claques de la journée. Petite ombre au tableau : le son est médiocre. Difficile dans ces circonstances, d’apprécier à sa juste valeur le nouveau titre hyper-speedé qui nous est présenté. Vivement le nouvel album !

Sur la Prison Stage, Pretty Maids commet la grossière erreur d’entamer son set avec “Mother Of All Lies” et “Kingmaker”. Après la décharge d’adrénaline que fut le show des Evil Invaders, ces deux titres AOR tirés de leur discographie récente sont franchement trop mollassons pour convaincre la foule. Le groupe tente bien de ramener l’Alcatraz à de meilleurs sentiments en envoyant quelques brûlots du passé tels que “Back To Back” ou “Red, Hot And Heavy”, mais, en ce qui me concerne en tout cas, il est déjà trop tard. Le mal est fait et ce n’est pas l’overdose de covers (NDR : Ronnie Atkins et ses sbires s’essaieront tour à tour à des reprises de Queen, The White Stripes et Pink Floyd) qui me fera changer d’avis. Un concert plus que moyen. En fan de la première heure, je suis franchement déçu. Plutôt que de continuer à souffrir, je préfère aller me placer devant la Swamp Stage pour assister au début du show de Hell.

En 2012, la prestation des anglais infernaux au PPM Fest m’avait carrément emballé. Les décors libidineux, les costumes étranges, les chorégraphies amusantes des musiciens et, surtout, la prestation théâtrale impressionnante du frontman David Bower : tout avait laissé dans ma mémoire un souvenir impérissable. Le show donné ce vendredi sur les planches de l’Alcatraz égale sans conteste celui d’il y a cinq ans au PPM Fest. L’intensité est la même et … (c’est sans doute là où le bât blesse), les décors sont les mêmes (NDR : des vitraux d’église représentant des scènes qui feraient frémir plus d’un curé pédophile), les chorégraphies sont les mêmes, les costumes (à quelques exceptions près) sont les mêmes et la prestation de David Bower est la même (NDR : la scène de flagellation, le masque de pestiféré, le démon (faune?) perché sur des échasses, le moine aux ailes noires, etc.). Revoir un show de Hell (pour la quatrième fois en ce qui me concerne), c’est un peu comme revoir “Le Sixième Sens” de M. Night Shyamalan : le film a beau être génial, lorsque l’on sait que Bruce Willis est mort, le plaisir n’est plus vraiment le même. À défaut d’être emballé par le show, je me laisse emporter par la musique. Et là, pas de souci : Andy Sneap, Tony Speckman, Kev Bower et Tim Bowler assurent à mort !

Changement d’ambiance radical sur la Prison Stage avec l’entrée en scène de Krokus. Bien que leur album “One Vice At A Time” de 1982 soit l’un des dix albums que j’emmènerais avec moi sur une île déserte, je n’ai jamais eu l’occasion de voir les vétérans du Hard Rock suisse sur scène. C’est vous dire si j’attends leur prestation avec impatience. Et je ne suis pas déçu ! Il faut dire que le groupe me fait carrément du gringue en balançant coup sur coup “Long Stick Goes Boom” et “American Woman”, deux titres extraits de l’album en question.

Krokus est l’un de ces groupes qui rend heureux. Il semble prendre plaisir à jouer sur scène et sa joie est communicative. Après un petit passage par la plage titulaire de leur album “Hellraiser” de 2006 (moins indispensable que les autres, il faut bien l’admettre), Mark Storace, Fernando Von Arb, Mark Kohler (NDR : les trois survivants du line-up de 1982) et leurs trois nouveaux amis s’empressent de revenir aux classiques des Eighties avec la power-ballade “Screaming In The Night” (extraite du “Headhunter” de ’83, l’entrainant “Bedside Radio” et le fantastique “Fire” (NDR : dont le sublime solo de guitare est interprété par l’ex-Gotthard Mandy Meyer), tous deux extraits de l’album “Metal Rendez-vous” de ’80 et l’hymnique “Easy Rocker” tiré de l’album “Hardware” de ’81. Entre ses propres classiques, le groupe interprète encore “Rock’in’ In The Free World” de Neil Young et “Quinn the Eskimo (The Mighty Quinn)” de Bob Dylan, deux titres que l’on retrouve sur l’album de reprises “Big Rocks” sorti au tout début de cette année. Sans conteste, ma prestation préférée de la journée !

Je l’admet volontiers, j’attendais énormément de la prestation de Denner-Sherman. Imaginez le truc : les deux guitares magiques de Mercyful Fate à nouveau réunies sur les mêmes planches ! Le rêve de tout fan de Heavy Metal qui se respecte. Et j’ai été à deux doigts de ne pas être déçu ! Krokus n’a pas encore terminé sa reprise de Dylan que déjà je me précipite vers le chapiteau. La foule est dense. Elles sont là ! Je les entends déjà, les guitares de Michael Denner et Hank Shermann et leurs sonorités instantanément identifiables ! Le son est atroce. Tant pis. Le groupe joue quelques titres de son nouvel album. Je ne les connais pas. Je n’accroche pas vraiment. Viennent ensuite les classiques de Mercyful Fate que nous attendons tous : “Black Funeral”, “Curse Of The Pharaohs”, “Into the Coven”. Incroyable ! Les guitares magiques de Mercyful Fate… un petit miracle auditif….gâché par la prestation insipide d’un vocaliste qui a autant de charisme qu’une bite au repos ! De stature impressionnante, le frontman emprunte au Rob Halford actuel sa veste, son crâne rasé et sa barbichette. Pas vraiment convaincante sur les nouveaux titres, sa voix est carrément insupportable sur les lignes classiques de King Diamond. Seule solution : ne plus le regarder, essayer de ne plus l’écouter ! Me concentrer sur Denner et Shermann… magiques ces guitares, non ?

Je n’attendais rien de Ghost. Je ne suis pas déçu, c’est exactement ce que j’ai obtenu ! L’album “Opus Eponymus” sorti en 2010 m’avait fait l’effet d’une bombe. L’envoutant mélange de Metal et de Rock Seventies me fait d’ailleurs toujours frissonner lorsque je pose cette première plaque sur ma platine laser. Comme celui de Hell au PPM dont je parlais plus tôt, le show donné par Ghost au Graspop après la sortie de ce premier opus m’avait laissé sur le cul. Et puis le fantôme et ses goules avaient évolué dans une direction musicale différente, trop racoleuse à mon goût. J’avais donc un peu lâché l’affaire. N’ayant rien de mieux à faire en attendant Dirkschneider, je m’installe quand même face à la scène principale. Le décor est grandiose. Les lights impressionnants. Si je n’aime plus vraiment la musique, je suis résolu à profiter du show pour ce qu’il est : un grand spectacle. Contrairement à celui de Hell, le show de Ghost a évolué. Et si, au début du set, Papa Emeritus apparait encore sous les traits du Grand Saint Nicolas de l’enfer, il abandonne très vite la mitre et la soutane au profit d’un costume plus léger qui le fait ressembler au fruits des amours coupables entre le Joker de Batman et le Mime Marceau. Changement de look, mais également d’attitude puisque l’ami Papa exécute désormais de jolis pas de danse pour accompagner les compositions rythmées au groove racoleur de son dernier opus.

Tout cela aurait pu être intéressant, si le Père Emeritus avait été en voix. Malheureusement ce n’est pas le cas. La gazouillis ridicule qui fuse de son micro au début du set en surprend plus d’un. La sono ? Probablement. Bizarre pourtant : les instruments passent plutôt bien. Il est vrai qu’Emeritus n’a jamais possédé l’organe d’un chanteur d’opéra, mais cette voix fluette qui rappelle à la fois Mickey, Donald et Axl Rose ressemble tellement peu au souvenir que j’ai du gaillard que j’en viens à me demander si on ne nous l’a pas changé. Après tout, on pourrait très bien nous avoir mis n’importe quel péquenaud aphone derrière ce maquillage ! La plupart de mes codétenus, cependant, ne semblent pas se poser de questions. Le succès est total. C’est dingue ce qu’on arrive à nous faire avaler avec quelques masques, un peu de maquillage, de la lumière et beaucoup de pyrotechnie.

Il est minuit est les fantômes ont d’autres lieux à hanter. Il temps pour nous de faire un agréable bond dans le temps. Avant le passage du marchand de sable, Tonton Udo nous rejoint sous le chapiteau afin de nous conter de jolies histoires du passé. Place donc à Dirkschneider et à son show garanti 100% Accept ! La foule est compacte face à la Swamp Stage pour accueillir la légende du Metal Teuton. Durant une heure et demie, le patriarche à la voix écorchée (65 bougies sur son dernier gâteau, quand même) nous offre le meilleur des titres qu’il a jadis coécrit avec Accept. 90 minutes de bonheur métallique au cours desquelles se succèdent les brûlots intemporels que sont (entre autres) “Starlight”, “London Leatherboys”, “Breaker”, “Princess Of The Dawn”, “Resless & Wild”, “Son Of A Bitch” ou “Screaming For A Love Bite”. Udo est très en voix et la qualité sonore est absolument phénoménale (une première pour la Swamp Stage).

L’efficacité teutonne dans toute sa splendeur. Le public est aux anges. Les titres sont repris en chœur, ce qui, manifestement, touche énormément Tonton UDO. L’atmosphère est électrique et chaque nouveau classique est salué par l’envoi d’une salve de surfers sillonnant joyeusement la foule en distribuant, sans compter, coups de poings et de pieds sur nos têtes tuméfiées mais épanouies. Mon ami et confrère Bernard Henri-Léviathan du webzine Lords Of Chaos fera les frais de ces mouvements de foule lorsque son joli crâne chauve servira, durant quelques embarrassantes secondes, de support aux fesses dénudées d’un surfer en kilt… une aventure à la fois douce et désagréable qui laissera chez lui, on s’en doute, quelques traces indélébiles. Un final grandiose constitué le l’explosive triplette “Metal Heart” / “Fast As A Shark” / “Balls To The Walls” et une ovation amplement méritée mettent fin à cette fantastique première journée d’incarcération. Il est temps d’aller prendre quelques heures de repos !

Photos © 2017 Alain Boucly

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