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Alcatraz 2017 – Jour 3 : Surpopulation carcérale

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Troisième et dernière journée d’emprisonnement ! En début d’après midi, les guichets de l’Alcatraz afficheront “Complet” ! Un véritable bonheur pour nos geôliers qui espéraient nous faire goûter aux joies de la surpopulation carcérale depuis déjà dix ans ! Note préliminaire : garanti Metal 100% pur jus, ce compte rendu peut contenir des traces d’intolérance au Néo, au Metalcore, à la New Wave et aux excentricités vestimentaires.

Le bonheur de nos matons ne fait pas forcément le nôtre, puisque nous devons aujourd’hui partager l’espace restreint de la cour de notre pénitencier avec les petits malfrats du Metal Mainstream. Qu’il est loin le temps où les fans de Korn purgeaient leur peine dans les centres fermés réservés aux ados de leur âge. Aujourd’hui, ces gamins qui avaient cru qu’il était possible de révolutionner notre glorieuse institution musicale avec un kilt, des dreadlocks, un phrasé hip-hop et des textes déprimants ont atteint la majorité légale et les portes de notre prison leur sont grandes ouvertes !

Mais nous ne sommes pas encore là. Il n’est pas encore midi et les hordes d’adolescents trentenaires n’ont pas encore envahi la place. Dommage, une petite leçon de Metal véritable en compagnie Raven leur aurait sans doute fait du bien. Quelle inspiration pour notre jeunesse que de voir les frères Mark (guitare – 57 ans) et John (chant, basse – 58 ans) Gallagher sautiller d’un bout à l’autre de la scène comme en ’83, et ce en dépit d’une impressionnante surcharge pondérale. De l’humour, de la sueur et des classiques tels que “Hell Patrol”, “All For One”, “Rock Until You Drop” ou encore “Faster Than The Speed Of Light” : rien de tel pour nous mettre de bonne humeur en ce dimanche matin ensoleillé !

11h30. À l’heure où de juteux hamburgers commencent à griller dans les stands de restauration, nos compatriotes Death Métallurgistes anversois de Carnation convertissent la Swamp Stage en une véritable boucherie. Malabar furibard à la face ensanglantée, Simon Duson racle au plus profond de sa gorge pour régurgiter ses jolies histoires de cadavres, de cimetières et de rituels sanglants tandis que ses quatre acolytes déversent dans nos esgourdes un enfer jouissif de Death Metal à l’ancienne. C’est presque à regret que je quitte le chapiteau avant la fin du set, mais, l’Alcatraz est devenu une course permanente et je dois me dépêcher si je ne veux pas manquer le début de la prestation d’UFO.

Quel scandale ! Faire monter le plus vénérable des combos du jour sur les planches alors que l’horloge de la tour de garde n’a pas encore sonné les douze coup de midi ! Cela frise le manque de respect. Bien qu’il ne semble pas tout à fait heureux, lui non plus, de cette programmation matinale, Phil Mogg (chant) ne voit pas tout à fait les choses de la même manière : ‘Ce n’est pas une bonne idée de me faire jouer si tôt dans la journée ! Je vais encore passer toute l’après midi à boire ! La foule qui fait face au vétéran du Hard Rock britannique est on-ne-peut plus respectueuse. Comment ne pas l’être devant les légendes que sont Phil Mogg, et Andy Parker ? Le vocaliste (69 bougies au gâteau) et le batteur (de trois ans son cadet) ont fondé UFO il y a 48 ans ! Comment ne pas se pâmer d’admiration devant la légendaire coupe de cheveux du claviériste/guitariste Paul Raymond (71 ans) ou devant le talent du guitar-hero légendaire qu’est Vinnie Moore (53 ans seulement, un gamin !).

D’autant qu’ils sont toujours en forme les patriarches ! Et ils le prouvent en balançant quelques uns des nombreux classiques qui ont illustré leur longue carrière : “Mother Mary”, “Too Hot To Handle”, “Only You Can Rock Me”, “Rock Bottom” et, pour terminer en beauté, le classique des classiques : “Doctor Doctor” repris en cœur par tous les détenus du jour ! Envoûté par la voix et l’humour britannique de Phil Mogg, je n’ai pas vu le temps passer. Cinquante minutes à peine pour un groupe tel qu’UFO, c’est une véritable honte ! Tant pis ! Nous nous rattraperons le 10 septembre, chez nos amis du
Raismes Fest
qui, eux, ont eu la décence de faire jouer UFO en tête d’affiche !

Après le “Doctor Doctor” d’UFO, les détenus de l’Alcatraz poursuivent leur visite médicale sous le chapiteau où Dr. Living Dead! a installé son cabinet de consultation. Le spécialiste suédois de la décharge d’adrénaline distribue déjà son vaccin antimorosité en assénant une dose Crossover/Thrash hystérique à une foule atteinte d’un accès de crowd surfing.

Quelque minutes plus tard, sur la Prison Stage, Sacred Reich tente de mener un combat similaire à celui que vient de gagner Dr. Living Dead ! Malheureusement, le Thrash Metal de la formation culte américaine semble avoir pris un léger coup de vieux. Mollasson et pas charismatique pour un sou, Phil Rind et son gang n’arrivent pas à générer le moindre circle pit ! Seul le désormais classique “Surf Nicaragua” de 1988 parvient à faire sortir l’Alcatraz de sa la léthargie.

Endormi l’Alcatraz ? Pas grave. Asphyx se charge de nous réveiller ! Le super hero du Doom/Death batave déboule sur les planches de la Swamp Stage avec la rage au ventre (et une furieuse envie de ne communiquer qu’en Néerlandais). Martin van Duren (chant) nous crache tout ce qu’il a de plus noir dans les veines (ce qui contraste fortement avec le joli bleu délavé de ses iris) tandis que ses brutaux acolytes nous balancent la plus écrasante collection de riffs de la journée. Tantôt ultra plombé, tantôt intense et furibard, le Death Metal des Hollandais fait trembler la terre courtraisienne, et par la même occasion, mousser la bière dans nos gobelets. L’un de mes concerts préférés du jour !

Life Of Agony m’a toujours laissé indifférent. Si, dans le genre, les compositions du groupe sont plutôt bien ficelées, la voix de Keith Kaputo me laisse de marbre. Cette opinion personnelle n’enlève rien au talent de l’artiste. Les goûts et les couleurs…tout simplement. Comme tout le monde, cependant, j’avais été impressionné par la détermination du mec et j’avais applaudi le courage de sa transformation en Mina Kaputo. Le concert donné aujourd’hui, sur les planches de la Main Stage, me confirme que je ne suis pas fan de Life Of Agony et que j’aime encore moins Mina Kaputo que son Alter Ego masculin. L’attitude de diva hautaine et les poses exagérément lascives y sont sans doute pour beaucoup !

J’attendais beaucoup de la prestation d’Enslaved et je suis en peu déçu. Pas vraiment par le groupe en lui même, mais plutot par le son approximatif qui fuse des hauts parleurs de la Swamp Stage. La musique des Norvégiens n’est pas ce qu’il y a de plus accessible et les conditions ne sont pas optimales pour en apprécier la richesse. Les vocaux sont décevants : quasiment inaudibles en ce qui concerne le chant extrême de Grutle Kjellson, ils sonnent carrément faux pour Hakon Vinje, le nouveau claviériste en charge du chant clair depuis le départ d’Herbrand Larsen au début de l’année. À revoir dans de meilleures conditions.

Allergique à tout ce qui touche de près ou de loin au Metalcore, je me fais un devoir de ne prêter aucune attention au show de Trivium. C’était probablement un bon concert. Je ne le saurai jamais. Perdu dans mes pensées, je me ballade sur le site en observant les excentricités vestimentaires de mes codétenus. Si le jaune Pikachu semble avoir la cote cette année, il ne détrône pas encore le tartan écossais. Je me suis souvent demandé ce qui se passait dans l’esprit de ces mecs qui, le matin, avant de prendre la route pour se rendre dans un festival, décident soudainement de tomber le pantalon pour enfiler une jupe à carreaux. Car il ne faut pas se leurrer les mecs : si vous ne roulez pas les ‘R’ à l’écossaise et que vous n’avez pas la carrure de Mel Gibson, c’est une jupe à carreaux, pas un kilt ! La seule réponse valable à cette question existentielle se trouve probablement dans l’une des répliques cultes de l’un des autres films auquel a participé Mel Gibson : “I’m gettin too old for this shit “ !

Sur la Swamp Stage, David Vincent tente de nous convaincre qu’il est Morbid Angel à lui tout seul. Et il y parvient presque le bougre ! Suite au désistement de l’iconique formation Death Metal floridienne, l’organisation de l’Alcatraz à choisi d’inviter ce qui lui ressemblait le plus : I Am Morbid, le nouveau groupe de l’ami Vincent, qui, on s’en souvient fut le growler des albums cultes que sont “Altars Of Madness”, “Blessed Are The Sick” ou encore “Covenant”. Bien sur, Morbid Angel sans la guitare emblématique de Trey Azagthoth, ce n’est pas tout à fait Morbid Angel. Cependant, David Vincent à toujours de la gueule (et de la voix) et les classiques de son ancienne formation passent plutôt bien auprès des nombreux fans de la première heure réunis sous le chapiteau !

L’increvable Doro est de retour en Belgique afin de fêter avec nous le dixième anniversaire de l’Alcatraz Hard Rock And Metal Festival. Normal, me direz vous, puisque Metal Queen teutonne avait assuré la tête d’affiche de la toute première édition le 27 juillet 2008 au Brielpoort de Deinze. Il a coulé beaucoup de bière sur les glottes depuis cet été 2008 mais Doro, elle, n’a pas changé d’un poil (blond). À 53 printemps, la belle affiche toujours une/des forme(s) exceptionnelle(s) et une voix qui nous fait oublier toutes les divas de la scène Metal actuelle. Sachant caresser les vieux chiens de guerre que nous sommes dans le sens du poil, Dorothee Pesh axe la quasi-totalité de son show du jour sur les hits Warlock. “I Rule The Ruins”, “Burning The Witches”, “Fight For Rock”, “All We Are”, “Earthshaker Rock”. Tout ici est fait pour nous rappeler les joies viriles du ‘Female-fronted Metal à l’ancienne. À titre personnel, je me serais bien passé de la pompeuse ballade “Für Immer”. Une déception, largement compensée par une reprise de l’hymnique “Breaking The Law” de Judas Priest.

Doro n’est pas la seule à revisiter son glorieux passé. Du côté de la Swamp Stage aussi on fait chauffer la machine à voyager dans le temps pour accueillir Moonspell. Plutôt que de nous présenter leur nouveau bébé (“1755”, annoncé chez Napalm pour le début novembre) les Portugais ont l’excellente idée de nous faire remonter la ligne du temps sur une bonne vingtaine d’années en nous interprétant leur sublime “Irreligious” de 1996 dans son intégralité. L’événement, on s’en doutait un peu, attire une foule de sombres nostalgiques. Par chance, j’ai écouté l’avis de Sophie et Yann qui, en fans ultimes de Fernando Ribeiro et de son gang, ont insisté pour que nous boycottions la fin du set de Doro pour pouvoir trouver une place en première ligne. Une saine folie s’empare de la foule dés les premières effluves d’“Opium”. Autours de moi, tout le monde connait les lyrics et les reprend en cœur. Coincé entre les corps remuants de mes codétenus je me laisse porter par le flux et le reflux de cette véritable marée humaine. Souvent, les surfers qui sillonnent la foule me gratifient de la caresse de leurs petits poings velus, voir même, d’un tendre coup de pied sur la face. Peu importe ! Comme les autres je pousse de petits cris de plaisir au son de “Ruin & Misery”, “Raven Claws”, “Mephisto” et de toutes les autres pépites qui constituent l’irréligieuse plaque de ’96. Avant de quitter les planches carcérales, les portugais redémarrent une dernière fois la machine afin de remonter le continuum d’une année supplémentaire et nous balancent les deux titres les plus forts de leur album “Wolfhard” de 1995. “Vampiria”, pour lequel Ribeiro a ressorti sa jolie cape de vampire déclenche une nouvelle marée humaine ; “Alma Mater” et son entêtante mélodie reprise en cœur par la foule et ce, bien longtemps encore après que le groupe ait fini de jouer. Visiblement ému par cet accueil plus que chaleureux, le groupe nous offre encore le superbe “Full Moon Madness” ! A n’en pas douter, l’un des moments les plus fort de cette édition 2017 !

C’est carrément lessivé que je tente de reprendre la direction de la Main Stage où les Viking d’Amon Amarth sont déjà occupés à conquérir la foule. Une foule qui, semble t’il, n’a encore jamais été aussi dense sur la site de l’Alcatraz (l’effet Korn, sans doute). Impossible d’avancer (ni de reculer d’ailleurs). Je me résigne donc à regarder le show de loin. Le son est pourri, mais personne ne semble s’en inquiéter. J’avoue être un peu réfractaire à la musique des Suédois. J’ai l’impression qu’ils rejouent le même titre en permanence, mais le show est superbe : des décors somptueux, embrasés par de jolis effets pyrotechniques accueillent de superbes figurants en costumes d’époque ! Les vikings ont dépensé sans compter pour en mettre plein la vue des fans de Korn. Mission accomplie donc !

Moonspell a placé la barre un peu haut ce soir et Paradise Lost va devoir mettre les bouchées doubles s’il veut me convaincre. Les choses commencent plutôt bien avec “No Hope In Sight”, le titre qui ouvrait l’excellent album
The Plague Within
en 2015. “Pity The Sadness”, pourtant extrait du classique “Shades Of God” de 1992 est interprété de manière un peu trop fade à mon goût, ce qui ne laisse rien présager de bon pour la suite. Impression confirmée par le retour (peu attendu en ce qui me concerne) de “One Second” enchainé à “Blood & Chaos”, un extrait du nouvel album “Medusa” qui sortira en septembre chez Nuclear Blast) et qui, malgré un titre prometteur, me semble encore plus mollasson que la fantaisie quasi-New Wave qui l’a précédé. À force d’assouvir ses véritables passions métalliques au sein de Vallenfyre, Gregor Mackintosh semble vouloir faire retomber Paradise Lost des ses mauvaises habitudes Depeche Modeiennes de la fin des années 90. Je suis franchement déçu. À cette déception, j’ajoute désormais une douleur permanente causée par la pression d’un surpoids non négligeable sur une paire de talons cinquantenaires. C’en est trop, je décide d’abréger mes souffrances et de trouver un coin tranquille pour m’assoir.

Consultant le programme, je constate que le Festival touche presque à sa fin. Seul Korn doit encore passer sur les planches de la scène principale. Je ne vais pas vous mentir : je n’ai jamais eu l’intention d’assister au concert du groupe Californien. La simple association des mots Nu et Metal m’horripile. Impossible, selon les préceptes de ma religion (NDR : Le Heavy Metal) d’assister à la prestation de celui qui fut l’un des instigateurs de ce genre abhorré. Dans ma tête, les excuses fusent : je suis fatigué. J’ai mal aux pieds. La route est longue. C’est décidé, je m’évade avant la libération générale sans aucun regret. Enfin si ! Un seul : je n’aurai jamais l’occasion de demander à Jonathan Davis ce qui le pousse, le matin, à tomber le pantalon pour enfiler une jupe !

Conclusion :
Cette édition spéciale dixième anniversaire de l’Alcatraz Hard Rock & Metal Festival fut une fantastique réussite. Du Hard’n’Heavy au Nu en passant par le Power, Doom, le Stoner, le Black et le Death et j’en passe, le programmateur à couvert la plupart des genres qui font la diversité de ce Metal que nous défendons corps et âme !

Comme toujours, l’organisation a été sans faille : la nourriture fut grasse et délicieuse à souhait, les sanitaires affichèrent une propreté à faire frémir de plaisir le plus délicat des Monsieur Propre suisse et, comme toujours, l’accueil (celui de la presse en particulier) fut à la hauteur de toutes les attentes. Malgré les prévisions pessimistes, la météo fut généralement clémente !

Au rayon des points négatifs je citerai seulement la qualité inégale du son. Nous avons eu droit au meilleur comme au pire. À titre personnel, je regrette un peu le choix du retour à la double scène. L’Alcatraz a toujours été pour moi synonyme de “Fiesta plus cool de l’année”. Un festival durant lequel, je pouvais, entre deux prestations, refaire le monde avec Sophie, parler musique avec Yann et revivre le passé avec Claude, Jean-Marc et Jean-Christophe. En revenant à cette configuration à deux scènes et en faisant jouer les groupes sans interruption, l’Alcatraz m’a un peu privé de ce petit plaisir. Dommage pour cela… mais merci pour tout le reste !

Merci à l’ami Alain Boucly pour ses superbes images ainsi qu’à l’organisation de l’Alcatraz pour son aimable invitation.

Photos © 2017 Alain Boucly

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