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Destroyer, Ken affaire à la Rotonde

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Malgré des conditions climatiques dantesques qui en auraient rebuté plus d’un, la Rotonde du Botanique était généreusement garnie ce dimanche 10 décembre pour la venue de Destroyer. Le groupe emmené par le Canadien Dan Bejar y terminait sa tournée européenne en support de “Ken”, un onzième album à la séduisante vision colorée.

À l’instar des autres dates, il avait confié à son compatriote Nicholas Krgovich le soin d’amorcer délicatement la soirée. Seul sur scène derrière un piano qui a manifestement déjà pas mal bourlingué, il va de sa voix feutrée installer un univers mélancolique via des compositions tristounettes sans pour autant tomber dans la déprime (“Country Boy”). Pourtant, son speech sans queue ni tête à la fin du set sera à deux doigts de nous déstabiliser. Jusqu’à ce qu’il invite trois musiciens sur scène (basse, saxo et batterie) pour un excellent dernier titre jazzy aux paroles sombres (“Somebody already broke my heart”…) mais à placer musicalement dans la catégorie de l’espoir.

Si au fil des ans Dan Bejar a prêté sa voix à de nombreuses formations parmi lesquelles on pointera les renommés The New Pornographers, le supergroupe canadien Swan Lake et même Hello, Blue Roses avec son épouse, il est toujours resté fidèle à Destroyer, le projet avec lequel tout a débuté pour lui au milieu des années 90. Son motto : se renouveler à chaque album. Mission accomplie une fois encore puisqu’au méticuleusement travaillé “Poison Season” a succédé en octobre dernier l’électro-pop indie “Ken”, sorti sur le renommé label Dead Oceans.

À ce propos, “Sky’s Grey”, l’intro du concert et dudit album, fait office de parfaite transition entre les deux plaques avec ses accords planants auxquels vont succéder des nappes électro qui s’épanouiront durant “Tinseltown Swimming In Blood”. Entre les deux, la riche orchestration d’“In The Morning” et la caractéristique voix nasillarde à la Lou Reed du leader renverront ni plus ni moins à Bowie. “Looter’s Follies”, un peu plus tard, nous donnera la même impression.

Il faut dire que le bonhomme se donne les moyens de ses ambitions. En effet, pas moins de sept musiciens l’accompagnent et quadrillent la scène de la Rotonde. Parmi ceux-ci, le saxophoniste dont on parle plus haut et le trompettiste (impressionnant lorsqu’il agrippe son instrument d’une main et bidouille un clavier de l’autre) vont apporter des sonorités music-hall qui sublimeront des titres comme “Kaputt” et “Times Square”.

De son côté, Dan Bejar ne passe pas inaperçu avec son abondante tignasse bouclée, sa barbe généreuse et sa chemise ouverte jusqu’au nombril. Lorsqu’il ne confond pas son minuscule pied de micro avec une canne en s’y abandonnant de tout son poids, il s’agenouille pour choisir son breuvage parmi trois verres disposés à même le sol. Le reste du temps, il chante les yeux mi-clos et la tête penchée vers l’avant comme s’il utilisait un prompteur en guise de support. Farceur jusqu’au bout, il ira même jusqu’à modifier l’orthographe de certains titres couchés sur la set-list (“Chinatown” deviendra notamment Chinaclown).

Reconnaissons tout de même que l’ensemble tient admirablement la route. Du troublant “Saw You At The Hospital” au puissant “Cover From The Sun” en passant par un “A Light Travels Down The Catwalk” dicté par une boite à rythme, chacun apporte sa pièce à un édifice qui atteindra son paroxysme sur le presque prog “Bay Of Pigs” agrémenté notamment d’une flûte traversière. Quant au rappel, il nous renverra dans les seventies via “European Oils” au piano inspiré des vieux Elton John. Et si l’ami Dan se concentrait désormais exclusivement sur Destroyer ?

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