Keziah Jones – Fnac Bxl – 25 avril 2003
euh… dites, je pars 5 minutes plus tôt ce midi, okay ? Et tant qu’à faire, il se pourrait que je revienne un petit 1/4 d’heure en retard. Les voilà avertis. Pas besoin de pourquoi, comment et autres futilités. J’ai prévenu, un point c’est tout. Midi moins 5. Je sors du boulot. Un sprint jusqu’à l’arrêt de bus. L’attrape de justesse. Saute dans le métro. Une dernière correspondance. Pffiuu, c’est fatigant. Les marches de l’escalator
à toute vitesse. Me voici enfin à la Fnac. Il est midi 35. A nous deux Keziah Jones.
Enfin, à quelques choses près… Parce que, à deux, nous ne le sommes pas vraiment. C’est le moins que l’on puisse dire, tiens ! Je ne suis même pas encore entré et déjà, je vois par la vitre des gens collés au mur de la petite salle. Quel monde dis donc. La foule des grands jours !
De mémoire de Yann, jamais vu un forum de la Fnac aussi bien rempli. Et finalement, c’est assez réconfortant. Hey, c’est Keziah Jones quand même, non ? N’y a pas si souvent de tels noms invités dans ce cadre-là. A part peut-être Patrick Fiori la semaine précédente… mais je n’y étais pas. Pas fou à ce point ! L’amour de la Musique ne rend donc pas aveugle. Enfin, pas complètement, on va dire…
Bon, j’ai beau m’être grouillé comme jamais, évidemment Keziah a déjà commencé. Mais ouf, ce n’est là que le premier morceau. Un instrumental inconnu au bataillon. Joué en solo. Parce qu’il ne s’agit là qu’un d’un showcase inclus dans une petite tournée promo. Juste après le Printemps de Bourges.
Pour l’occasion, il est donc venu seul. Accompagné de sa guitare et de son ampli. Et il est tout sourire. Et vêtu comme un prince. Un costume très coloré. Et que lui seul peut se permettre de porter. Ca lui va d’ailleurs comme un gant. Plus un son petit chapeau en velours. Un Nigérian fidèle à ses racines jusqu’au bout des ongles. Et fier de l’être, svp. A raison, cela va sans dire !
Fier de lui. Sûrement. Parfois même un peu trop d’ailleurs. Sa dernière venue bruxelloise ne m’avait pas vraiment conquis. Il en rajoutait. Et que je suis beau, et que je joue bien, et que regardez mon sourire et mon torse, et que je tente une jam impromptue, et que blabla… Quand il en fait trop, il est pompant. Comme tout le monde après tout.
Et fier de son répertoire. Et ça, qui ne le serait pas ? Aujourd’hui, il débarque devant nous avec son nouvel album sous le bras. Black Orpheus, toujours chez Delabel. Il en extrait quelques…extraits (logique !). Mais qu’il nous interprète tout seul. Du haut de son tabouret. A un mètre de nous. Tel un chef scout !
Sauf qu’on ne connaît pas encore ces nouveaux morceaux. Impossible donc de chantonner avec lui l’un ou l’autre refrain. On ne peut que l’écouter. Religieusement of course ! Une véritable leçon de savoir vivre dans l’univers du blufunk.
Il a enrobé le bout du manche de la guitare, d’un ruban rouge. Comme pour l’étouffer. Pour caler une bonne fois pour toutes ces fameuses cordes. Celles avec lesquelles il nous joue 5 ou 6 titres récents. Qui sonnent d’une manière limpide à souhait. La grosse artillerie mais en version light. Adios les cuivres, la batterie, la basse. Juste sa voix (et quelle voix !) et ces 6 cordes.
Rien de plus. A quoi bon, finalement ?
Je sens qu’il faut en profiter un maximum. Dont acte ! Je ris lorsqu’il oublie les paroles. Et je tape sur ma cuisse et trépigne sur ma chaise quand Keziah met le turbo. Comme sur ce grandiose “kpafuca” tiré du nouveau cd. Un morceau digne du premier album. Une rythmique infernale. Et un refrain qui relance la sauce à chaque reprise. Enorme en version “band”. Et encore plus hypnotique en solo.
Et tout cela amené par l’agilité de ses 10 doigts. Pas d’onglet à l’horizon. Juste ses doigts qui se baladent sur le manche. D’une façon remarquable. Et il profite d’une petite accalmie pour nous donner quelques leçons. De basse, de percussions, de guitare rythmique. Mais le tout joué par son seul instrument du jour.
D’ailleurs, il est d’humeur taquine. Il a envie de parler. Et ne s’en prive pas le moins du monde. Ainsi il évoquera Fela Kuti, Jimi Hendrix, John Coltrane et George Clinton. Tous ces mecs qui ont pigé ce qu’est le “space”. Le fameux “african space craf”, comme il dit.
Et ça file à la vitesse de la lumière. Ca fait maintenant une petite demi-heure qu’il joue et déjà, il demande s’il y a un truc ou l’autre que l’on voudrait entendre. Personne ne répond. Alors
il se lance de suite dans “the wisdom behind the smile”, cuvée 1992. Un très bon millésime, s’il en est. Classique parmi les classiques. Avec ce mot, cash, repris par le public. Un régal.
Et voilà. Time. Grand sourire. Convaincu et convaincant. Un Keziah Jones, comme on ne l’avait encore jamais vu jusqu’ici. Réduit à la moelle. Et dans une relative intimité en plus. Une bonne trentaine de minutes réellement rafraîchissantes. Enrichissantes, même ! Que demander de mieux ?
Hélas, plus le temps de faire signer ma pochette, il faut déjà repartir. Sauter dans le métro. Ne pas louper la correspondance. Attraper le bus. Et sprinter vers le boulot. Pour arriver à 14h03 exactement.
On me lance un beau “alors, bien mangé, c’était bon ?”.
Délicieux, Anita, délicieux.
Keziah Jones – Bruxelles – 25 avril 2003
Yann