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Joe Jackson – Ancienne Belgique – 30 avril 2003

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Et mercredi, Joe Jackson ! Ah ça, ils commencent à le savoir. Ca doit bien faire une semaine que je le répète à qui veut encore l’entendre. Et mercredi… oui, Joe Jackson, on sait ! s…sorry, hein… mais je suis tellement excité, si vous saviez. Encore plus que les autres fois, tiens ! Et puis rassurez-vous, à force d’en parler, nous y sommes à ce fameux jour J. Enfin ! Depuis le temps que j’ai mon ticket en plus. Acheté dès les premières heures de sa mise en vente. Bleu foncé, avec la tête à Joe et ses acolytes. Et ô divine surprise de dernière minute,
la chance me sourit. Qui a dit “une fois n’est pas coutume” ? Vieux fou, va. Bref, et bien, oui, 2 invitations gagnées à Radio 21 tombent du ciel. Les cloches de Pâques avec un petit retard. Vous serez toujours les bienvenues, mes petites !

Me voici donc depuis quelques jours avec 3 places en main. Valérie est partante pour l’une. Quelle bonne idée. Quant à l’autre, je la revends pour rembourser la mienne. Me dirige directement vers la bande habituelle du marché noir. Des têtes que l’on commence à connaître par coeur. “Vous cherchez des places ? J’en ai une au prix normal, 27 euros”… “je t’en donne 20” qu’il me dit. Putain, il a du toupet, le gars. Lui qui la revendra ensuite au double du prix. Pfffiuu, je parviens à en ravoir 25. C’est déjà ça de repris ! Puis de toute façon, je compte pas non plus y passer la nuit. Let’s go. To the vestiaire, to the bar et to the premiers rangs.

Et ne nous réjouissons pas trop vite. Voici la première partie. Parce qu’il faut bien l’avouer, les avants-programmes sont rarement transcendants. C’est d’ailleurs souvent une tâche assez ingrate. Aussi bien pour l’artiste que pour le spectateur. A quelques exceptions près, bien entendu. Parfois, on tombe sur la perle rare. Celle qui, sans que l’on s’y attende, nous séduit plus que de raison. Mais bon, c’est plutôt rare.

Et ces chers Allemands qui verront à 3 reprises dans les semaines à venir AC/DC ouvrir pour les Stones. Ou nos amis les Finlandais qui eux, applaudiront ZZ Top avant ces mêmes Rolling. Ca alors, je n’ose même pas imaginer ce que cela
donnerait. Le genre de soirée démentielle à souhait. Que même en rêve, je ne pourrais espérer.

Bon, ce soir, évidemment, on en est loin. Très loin. Support act du jour : Mary Lee’s Corvette. Une singersongwriter américaine. Avec sa guitare acoustique en bandoulière. Et son bassiste à sa
gauche. Pour une tripotée de titres ambiance folk. Joués dans une indifférence générale et un brouhaha continu.

Allez, ne disons pas que c’est mérité, mais… ce n’est pas étonnant. Ca sonne bien, de jolies petites chansons bien ficelées, mais ça s’arrête là. On attend la suite. Parce qu’on commence déjà à bailler. On dirait une Shania Twain sans maquillage, sans marketing, sans MTV, sans production en or massif. Et sans string. Une artiste de sinistre bar américain. Mais qui, envers et contre tout, parcourt des kilomètres pour chanter. Ses textes. Et c’est d’ailleurs tout à son honneur. Hélas, la magic touch du singersongwriting n’est pas là. Sorry, Miss.

Et cela saute d’autant plus aux yeux lors d’un des derniers morceaux. “Any Bob Dylan fans out there ?”. Pas beaucoup de réponses. Tanpis. Mais voici quand même la reprise de “shelter from the storm” de l’album Blood On The Tracks. Quelle bonne idée, tout d’un coup. Et elle sort même son harmonica pour l’occasion, dis donc. Le Zim, il n’y a que ça de vrai.

Et elle l’a bien compris. Parce qu’elle est là pour défendre son nouveau disque 700 Miles, mais le précédent n’était rien moins que ce fameux Blood On The Tracks de ’75 repris à la note près.
Titre après titre. Dans le même ordre. Un peu à la manière du lillois Red qui reprenait Leonard Cohen. Typiquement le genre de mission périlleuse, mais qui lorsqu’elle est réussie, fait un tabac. Et ce fut apparemment le cas avec Madame Mary Lee Kortes. Un tabac underground, cela va de soi. Mais c’est déjà ça.

De toute façon, grand bien lui fasse. But who cares ? Sûrement pas les amateurs de Joe Jackson. Qui voient d’un bon oeil la fin de ce set mi-figue mi-raisin.

A cet instant, nous nous trouvons à la pause. Le bar se vide. Et la salle se remplit. Bourrée à craquer. Un sold-out explosif. Ca commence à sérieusement se serrer devant. Et l’ambiance est
électrique. En témoigne ce type a côté de moi qui demande au mec derrière lui d’arrêter de le pousser dans le dos. Et vas-y qu’il lui répond du tac au tac que c’est lui qui ne fait que reculer.
Et qu’il lui avait d’ailleurs déjà dit. En flamand. Mais qu’il n’avait pas compris. Et que c’est bien dommage, parce qu’en Belgique, blablabla. Bande de cons, va. Restez chez vous la
prochaine fois. Ou allez au théâtre.

Ambiance… mais justement, c’est électrique à souhait. Le court circuit est proche. C’est le jour, le bon. On sent déjà qu’il va se passer quelque chose. Il y a un je ne sais quoi d’irréel qui flotte dans l’air. Une sorte de folie. Pas encore furieuse, mais en voie de le devenir. On est sur les dents et on adore ça. Une attente
assez proche de celle ressentie lors du dernier passage d’Iggy Pop au même endroit

Mais on ne va pas refaire l’histoire. De la fumée envahit la scène. Et les lumières s’éteignent. Les voilà qui déboulent. Les 3 musiciens suivis de Joe Jackson. Pantalon mauve. Et veston. Classe, le mec. Et tout sourire en plus. Miam, ça va être chaud. Que dis-je, brûlant !

Et tout de suite, direction le micro. Pour présenter son band. Gary Sanford à la guitare, Graham Maby à la basse et Dave Houghton à la batterie. And my name is Joe Jackson !

Et blam ! “one more time” en guise d’ouverture. Mince alors. Et je suis poli, bordel de merde. Retour 24 ans en arrière. Album Look Sharp. Les bottes blanches. Meilleur premier album de tous les temps ? Ca se discute. Mais pas ici, merci.
Pour moi, il n’y a pas de doutes. Et donc, ce “one more time”, balancé en tant qu’apéritif. Joe au micro entouré de son band.

Et ce refrain repris par la salle entière. Qui exulte. Et qui n’attendait que ça.

Baby, baby, tell me that you never wanted my loving
Baby, baby, tell me that you never, tell me, tell me,
One more time, one more time, say you’re leaving, say goodbye
One more time, one more time, say you’re leaving, say goodbye

Quelle joie, bon sang. Excitation totale. Hey, on a quand même devant nous le Joe Jackson Band. Celui des 3 premiers disques. Avec le même esprit et le même répertoire. Adios les envolées jazzy ou classiques de l’ami Joe. Back to the roots. To the real (punk) rock.

D’ailleurs, cette foutue tournée s’appelle “the reunion tour”. Avec un nouvel album la clef. Volume 4. Comme si c’était la suite logique de Beat Crazy. Et ça l’est en fait. L’aurait très bien pu l’enregistrer il y a 20 ans. Aucune différence. Un must have de 2003, ce cd !

Si bien que les nouveaux morceaux passent à la perfection. On en redemanderait presque. Enfin, non, pas presque. On en redemande, tout court. Parce que c’est rudement bon. Foutrement bon même. C’est quasi inespéré. “take it like a man”,
“awkward age”, et autres tirés de ce dernier Volume 4. Quel rêve dis donc ! Je me croirais presque au paradis. Tel que je l’aurais imaginé.

Et ça continue sur les chapeaux de roue. Avec un best of digne de ce nom. Et dire que pendant des années, il avait laissé tombé le rock, qui le répugnait. Je me disais bien qu’un jour où l’autre, il craquerait. Le contraire aurait été impossible. Et il prend un plaisir monstre, le con ! Comme s’il revivait. Mais il revit et il le sait !!

Comme par exemple lors de “look sharp”. Interprété avec l’excitation d’alors. Et la même ironie. Et c’est fantastique. La basse comme toujours mixée hyper en avant. La batterie qui cogne. La guitare qui brille par ses riffs accrocheurs. Et puis, le bon vieux Joe qui y croit dur comme fer. Et nous aussi. J’ai une des ces envies de sauter dans tous les sens, t’imagines pas, mon gars !

Et toujours ce public, ce fichu public qui n’en revient pas. Et qui profite du moment présent. Carpe diem, man ! “is she really going out with him ?”… hein, Joe ? Une fois de plus, grand
moment de complicité. 1.800 personnes qui lui répondent “where ?” après “look over there”. Putain d’ambiance. “there’s something going wrong around here..”. Around here, here, here, here… Mamamia, quel pied ! Joe Jackson devrait être enseigné. Et étudié. Par coeur.

En plus, musicalement, c’est parfait. Et professionnel jusqu’au bout des ongles. Chaque musiciens joue avec des oreillettes. Pour bien avoir conscience de chaque note. On le reconnaît
bien là, le Joe. L’est pointilleux.

Et magnifique aussi. “fools in love”, d’une beauté incroyable. Avec un petit clin d’oeil aux Yarbirds et leur “for your love”. Jackson sort son mélodica. Et atteint des sommets. C’est radieux à souhait. Valérie ne connaissait pas l’Artiste, mais me glisse un “j’adore”. Qui l’eut crû ! Faudrait être complètement à l’ouest pour ne pas apprécier. Nom de dieu !

Et ce qui frappe, c’est la gaîté du gaillard. Il a envie de rigoler. A propos du fabuleux temps du jour en Belgique. Une douche continue. The worst place to live ! Peut parler, l’anglais ! Taquin, va.

L’envoie d’ailleurs ses musiciens se reposer backstage. Ils en ont grandement besoin, paraît-il. Et il en profite pour rejoindre son instrument de prédilection. Le piano. Pour 3 titres. Joués en solo.

Dont une reprise des Beatles, “girl”. Interprété avec un air désabusé. Et paradoxalement, plein de conviction. La toute grande classe. Pas une mouche ne vole. Et on les comprend, les folles. Bzzz bzzz, toi même !

Et justement, à propos de reprises, Joe remarque que lui-même n’est pas souvent repris. Très rarement même. Serait-il mauvais ou inintéressant ? Sacré Joe, va ! Il y a juste Tori Amos qui s’était approprié “real men” sur son album de covers de 2001. Mais à part ça, rien à l’horizon.

Donc, il nous propose de reprendre Tori Amos qui reprend Joe Jackson. Tout en le dédiant, avec un air narquois, à Donald Rumsfeld. Et c’est immense. Ni plus ni moins. Assisterions-nous là à concert 5 étoiles ? Ca y ressemble furieusement en tout cas !

Retour du band. Que vont-ils jouer à présent ? Un gars hurle “no woman no cryyyyy!”. Rire général. “Pourquoi pas “free bird” lui répond Joe. Et puis au fait, “shut up !”. Ha ha ha ! Putain, quel pied.

Qui continue d’ailleurs de plus belle. Avec “beat crazy” de 1980, et encore 2 ou 3 morceaux du dernier opus, dont un ska. Sans oublier le tonitruant “got the time”. Cher ami, c’est incroyable. L’ambiance rock & rollesque atteint là son apogée. Je n’ai jamais trop accroché aux pogos. Mais là, j’ai envie de sauter. De rebondir. Je me sens revivre. Vite, tenter de toucher le plafond. D’ailleurs, je le touche. Et tout le monde le touche. Par télépathie. C’est l’anarchie la plus totale. Et tout va bien.
Comme sur des roulettes même.

Mais les meilleures choses ont une fin. Toujours. Voici le dernier rappel. “i’m the man”. Chanté à 100 à l’heure. Une conviction dingue. Un Joe Jackson fou à lier. Qui s’agrippe très fermement au micro et qui aligne les paroles sur un débit
haletant. Il n’en peut plus. Mais il en rajoute une dernière couche. Avec les dernières forces qui lui restent.

Et voilà. Time. Il quitte la scène fou de joie. Qui ne le serait pas après une telle victoire par ko. Victoire sur le temps et sur l’industrie du disque. Une démonstration par l’exemple. Quel
mec, ce Joe. Le vrai Jackson.

Un concert comme ça par semaine et j’arrête les anti dépresseurs.

Joe Jackson – Bruxelles – 30 avril 2003

Yann

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