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A propos du SWING FESTIVAL 2002

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Le SWING FESTIVAL 2002, c’est pour ces 23, 24 et 25 août. HOWARD AND THE WHITE BOYS y seront. Voici ce que j’écrivais de ce groupe après l’avoir vu deux fois au Spirit of 66.

HOWARD AND THE WHITE BOYS

Le 12 septembre 2000 j’ai eu le plaisir de voir pour la première fois ce groupe (et le mot a tout son sens) merveilleux qu’est Howard and The White Boys au Sixty Six of course. Je dis que le mot « groupe » est révélateur parce que la cohésion des quatre membres est immédiate, intense et totale. Je répète souvent que c’est la plus étonnante mise en place que je connaisse. Démarrage au quart de tour, assemblage au doigt et à l’oeil, construction rythmique instantanée, tout y est pour faire vraiment plaisir à l’amateur de son léché mais musclé, de couleurs harmoniques discrètes mais travaillées, de phrases musicales emphatiques mais sensées et de beat d’impro géniaux mais maîtrisés.

Les groupes avec bassiste-chanteur m’ont toujours paru mieux rodés que les autres dans le tempo. Ce n’est sans doute qu’une impression personnelle mais ici en l’occurrence c’est le cas. La nouvelle tournée de HWB a démarré le 12 avril 2001 à Amsterdam avec une petite surprise puisque Steve ASMA (ancien guitariste fondateur du groupe) est venu en guest accompagner ses potes.

L’histoire du groupe n’est d’ailleurs pas des plus anciennes, en tout cas médiatiquement. Ils existent en tant que tels depuis 1988 mais c’est surtout en 1995 qu’ils décollent puisque Buddy GUY (THE BUDDY !!!) les prend en tournée dans dix villes du Midwest, pour ouvrir ses propres concerts. C’est d’ailleurs resté pratiquement une bonne habitude car le groupe occupe toujours activement la scène du Buddy Guy’s Legends, véritable temple du blues, une Mecque en Illinois. Lors de leurs passages au BGL, le Maître lui-même monte sur scène pour jammer régulièrement avec eux. C’est un hommage formidable à leur talent non ?

On notera aussi la cover « You’ve been gone too long » sur le deuxième album (1997) et la participation directe de BG sur le titre « I thank you » (compo de Hayes/Porter) du troisième CD (1999). Cette bande de petits lascars formidables s’est rencontrée à la Nothern Illinois University à Delkab, Dan BELLINI (lead g. + harmonica), Howard MCCULLUM (basse et chant) et Steve ASMA ( guitares) ont fondé le groupe auquel s’est ajouté rapidement le batteur Jim « Bucka » CHRISTOPULOS.

Après quelques mois de galère, ils ont eu la chance de pouvoir ouvrir pour B.B. King, ce qui évidemment ne se refuse pas. C’est le moment que choisit BELLINI (qui manage aussi le groupe) pour faire carrément (pouvez mettre « rondement » aussi c’est pas mal) émigrer le Band à Chicago. Parce que c’est là que se trouve la vraie vie musicale et les plus grands bluesmen de tous les temps. En effet, très vite, ils n’auront de cesse de se frotter aux monstres sacrés du genre : Koko Taylor, Albert King, Lonnie Brooks, le regretté Luther Allison (papa de Bernard donc récemment passé par Verviers), Junior Wells et Bo Diddley. J’imagine d’ici les duels d’harmonica fabuleux entre Wells et Bellini. Quant à Bo Diddley, il en est resté une sublime page d’anthologie de 12 minutes portant ce nom illustre que l’on doit à Ellas McDaniel et que la « bande à Howard » réussit à sublimer (sur l’album Live at Chord on Blues 2000).

Leur premier album « Strung out on the blues » fut réalisé en 1994 (Chase Music/Mighty Tiger). On y trouve, entre autres, la superbe compo de Dan Bellini « Having a good time is a full-time job » dont rien déjà que le titre vaut le détour… ainsi que onze autres titres originaux. Ils ont conservé sur scène, en plus de ce formidable morceau d’ouverture, leurs deux premières covers (fétiches) : « I’ve got my mojo workin’ » qu’on ne présente plus et « Turn on your lovelight » composé par le duo Malone/Scott.

En 1995, Steve ASMA quitte le groupe pour se consacrer à sa carrière de Prof de Philo au Chicago’s Columbia Collège. Son successeur fut choisi parmi 38 candidats, Rocco CALIPARI accompagna donc le groupe à Los Angeles pour gagner haut la main le « National Blues Talent Search » devançant ainsi plus de cent groupes canadiens et américains. La finale eut lieu au mythique « HOUSE OF BLUES ». Ils sont revenus l’année suivante accompagner les plus grands rockers au Long Beach Blues Festival : Dr John, Booker T. and the MG’s, Charles Brown, The Fabulous Thunderbirds, Mavis Staples et… Buddy GUY !!! D’où la tournée Midwest évoquée plus haut (j’dis ça uniquement pour ceux qui suivent).

En 1997, seconde livraison : l’album « Guess who’s coming to dinner ? » (titre-maître qu’on doit à McCullum et Calipari), le non moins sensationnel ‘Bad attitude’ de Bellini et la désormais célébrissime cover de Buddy GUY « You’ve been gone too long ». A noter également sur cet album « Call Muddy Waters » titre qui se passe de commentaires.

Cette progression les amène naturellement à une autorité incontestable dans le milieu Blues/Rock et attire l’attention du label « Evidence Music » de Philadelphie qui édite « The BIG SCORE », troisième album, avec promesse d’un quatrième. Il se fait que le travail harassant « on the road » les empêcha de faire une juste promotion pour ce nouvel opus comprenant les incontournables « Leave the lights on » de McCallum et « You’ll come back » de Bellini (repris tous deux live). Je rappelle pour les inattentifs que Buddy Guy lui-même s’est donné à fond sur la cinquième plage « I Thank You » de Isaac Hayes.

C’est en juin 1999 que Rocco Calipari jette le gant, fatigué par la vie de tournée et soucieux de se consacrer à sa famille. Giles COREY (24 ans à l’époque) le remplace après avoir accompagné Billy BRANCH (ouh ! la pointure !!!) et Syl JOHNSON (by jove !!!). Il semble qu’il ait trouvé immédiatement la bonne carburation et qu?il apporte une contribution non négligeable au groupe. Eh oui, ce mot « groupe » reste une véritable constante dans la marque de fabrique du HWB. Mettez-vous seulement trente secondes de l’album live à l’oreille. Vous ne pourrez pas l’arrêter… vraiment, le temps d’arriver à cet homérique « Bo Diddley » colossal hommage implicite aux grands du rock dont le principal intéressé BD forcément mais aussi Jimi HENDRIX et Stevie WONDER. Je ne connais que deux autres gars au monde capables de centrer aussi intelligemment les références : Chris Spedding et Richie Sambora. A voir ou à écouter absolument les « potes à Howard ».

Petite parenthèse ( ) récemment on a pu découvrir les talents de joueur d’harmonica de Big George JACKSON chez Francis, mais dans le genre HARD-MONICA (non ce n’est pas Levinsky) le BELLINI a des poumons d’acier (oui je sais les jeux de mots sont ringards, je promets que je ne le ferai plus… trop). L’intro de « Got my Mojo working » c’est trois-cents locomotives à la charge dans le soufflet de la musique à bouche du garçon. Comment déjà ? Mais oui Dan, Dan BELLINI. Chapeau mon gars. Extraordinaire force de frappe cet engin si petit !!! Et tu en joues au-delà de l’entendement (ça reste audible pas de panique). On dirait que t’es monté sur trois bonbonnes raccordées dans les coulisses. Le MacKinley Morganfield (papa de l’autre Big Bill qui va venir le 25 avril à Verviers) doit s’en retourner de bonheur (et de bonne heure d’ailleurs) dans sa tombe. ICI JE FAIS UN ARRET POUR LES CANCRES ! C’est qui déjà MacKinley Morganfield hein ? C’est qui !!!??? Ben c’est MUDDY WATERS tas de glands, qu’on vénère à Chicago vu que c’est malheureusement là qu’il est décédé en 1983. Et pourquoi est-ce qu’il est-il important le Môssieur hein ? Pourquoi ? Why ? Perché ? Waarom ? Warum ? Parce que c’est un bluesman de référence et qu’il a donné le nom d’une de ses chansons au plus grand groupe de rock du monde encore au turbin, les… ???, les ??? RO… allez, ça vient, les ROL… mais non pas les ROLLMOPS banane, les ROLLING STONES !!!!!!!!!!

Pour le reste, moi, il y a des coincidences qui me font craquer, le final : « SEX MACHINE » de nos gaillards (sur l’album live) me rappelle inévitablement celui de Tommy CASTRO (comme quoi il y a des fils invisibles qui relient les bons coups). Quoi encore ??? Ben dans le Sex Machine de Howard, il y a un hommage à Deep Purple, appuyé, costaud et sidérant, et à Elmore James, Francis, ouais : « Shake your money maker » dis donc (coeurdidon) !!! GENIAL, non ??? Et dire que je n’ai pas encore parlé du concert les p’tits loups… Dire que j’ai encore vécu une de ces soirées haute-tension-mais-c-est-si-bon-même-si-on-a-les-représailles-de-bobonne-pendant-trois-semaines !!!

Parlons donc de cette sidérale soirée. A tout seigneur, tout honneur : HOWARD ! Que voilà un grand bassiste devant l’Eternel, Super Beau Black à faire craquer les 3 Destiny’s Child ensemble, un coup de patte salvateur, dominant manifestement son sujet, c’est lui qui cimente réellement le groupe, sans faille et sans tergiversations. Mister McCALLUM apporte une force tranquille, constructive et rassurante pour le jeu collectif du band. Qu’on ne s’y trompe pas, ses enchaînements de lignes tour à tour frappantes et veloutées, jamais prédominantes mais toujours indispensables sont un vrai régal. Il y a chez le bonhomme une façon d’habiller chaque morceau d’une empreinte indélébile qui colle (je change de genre après le ciment) à la perfection à ce type de musique. Au fond l’ami HOWARD est capable d’alterner tous les styles en gardant la même profondeur de jeu intelligente dans ce toucher chirurgical prodigieux…

J’ai parlé déjà de Dan BELLINI, le poumon du groupe qui mérite des applaudissements infinis. Un feeling quasi-surnaturel et une présence instinctive dans tous les bons coups. J’appelle cela un « guitariste à livre ouvert ». Chaque solo est une page de road movie, un trait de génie imagé et coloré, les premières lignes d’un chef-d’oeuvre pictural. C’est pas compliqué, son jeu te rend capable de lire dans l’air et dans le noir le son des notes qui virevoltent. Explosif et nuancé en même temps, BELLINI c’est un tout grand. Ses passes d’armes à l’harmonica sont dignes d’entrer dans la légende, le paroxysme est atteint dans l’intro de « I’ve got my mojo working » (je l’ai déjà dit plus haut). Jamais, vous m’entendez, jamais je n’ai vu un gars capable de tenir aussi fort et aussi longtemps un mouvement in and out aussi long et aussi saccadé. Comment n’éclate-t-il pas littéralement ??? Tout son être se tord à un point tel qu’on dirait que c’est l’harmonica qui l’aspire. J’ai l’impression qu’il pratique deux heures d’apnée tous les jours le gaillard. Petite remarque anecdotique : il n’en abuse pas d’ailleurs, ces effets intenses sont évidemment dosés, on risque la rupture pas plus de trois ou quatre fois par soirée sinon c’est la mort assurée. Il faut dire aussi que ces parties d’engin à vent s’intègrent totalement dans le set global et donnent une pêche d’enfer à l’ensemble.

Le père CHRISTOPULOS aux drums, lui, c’est le genre à pas se retourner. Tu mets le contact et il nous fait la Road 66 aller-retour à fond de balle, ventre à terre, sans même cligner de l’oeil, frais comme un gardon. Faut croire qu’il s’entraîne dans une salle de fitness et qu’il a dû s’attacher des manchons de vingt kilos à chaque poignet et aux mollets pendant l’entraînement. Il a à peu près quatre jambes et six bras le gars dis donc (gadidon). C’est le marathonien du gros tom et de la caisse claire Jimmy. Le dérange pas trop quand il bosse, il s’rait cap’ de t’sodomiser avec les deux baguettes en même temps. Mais la qualité principal du brave « Bucka » c’est son omniprésence ESSENTIELLE, c’est-à-dire qu’il arrive à jouer sans qu’on le remarque et sans qu’on puisse se passer d’un seul de ses coups de cymbales. Rien d’inutile dans ce jeu, l’efficacité suprême !!! Grand bonhomme aussi çui-là !

Enfin, Giles COREY, le p’tit dernier ne laisse absolument pas indifférent. Le génie de ce guitariste réside dans son placement. Toujours à l’affût, précédant le mouvement, anticipant même les envolées de son compère Bellini, et répondant au doigt (forcément) et à l’oeil à la moindre de ses sollicitations. Mais qu’est-ce que c’est beau deux leads qui s’enchaînent, qu’est-ce que c’est grand ces pages d’anthologie combinées aux dialogues de rêve des deux guitares. Franchement, le brave Corey n’a plus rien à apprendre et t’en met aussi plein la vue quand il s’exprime tout seul.

HOWARD AND THE WHITE BOYS c’est la dream team chicarocktexmexroll, j’vous dis !!! Un quatuor divin, céleste, produisant la musique la plus aérée que je connaisse, frappée d’intelligence et ne déniant pas le droit à l’ironie voire à la dérision-distanciation salutaires. Néanmoins quand il s’agit d’y aller, j’vous jure que ce ne sont pas des mâmées et que leur rentre-dedans est plutôt convaincant.

Le show fut tout tout bon, entièrement all good. Un démarrage normal sur le « Havin’ a good time » de Bellini, défilé de compos plus parfaites les unes que les autres, les désormais classiques « Leave the lights on », « Turn on your lovelight » et « Bad attitude », le tout truffé de références subtiles à tout le gratin du rockin’ roots avec la prédominance de ce gimmick infernal inspiré de « Room to move » omniprésent… Puis un pré-break fabuleux grâce à ce titre de légende « Got my Mojo working » où Bellini nous montre comment se servir d’un harmonica au-delà du possible (il l’a fait cinq fois cette démo-là pour le plus grand bonheur du public). Quel hommage à Muddy Waters, à Paul Butterfield et à Sony Boy Williamson !!! Quelle force dans le souffle, quelle maîtrise fabuleuse !!!

La deuxième partie fut lente à démarrer, mais sauvée par quelques pièces maîtresses du blues inspiré et par le pré-final « Sex Machine » hors normes… On espérait l’incroyable « Bo Diddley » quelque part dans le dernier rappel mais on a dû déchanter, pas question ce soir de faire plaisir aux fans !!! Faut dire que Giles COREY était d’une humeur massacrante (il a tout remballé après le premier rappel) et que Dave BELLINI avait envie de téléphoner chez lui pour une raison apparemment impérieuse, bref tout notre joli monde a abrégé le show à la vitesse du son (normal pour des musicos non ?, le son quoi… oh vous êtes lourds ce soir…).

Cela dit l’ensemble du set fut merveilleux, une musique inimaginable à décrire vu sa perfection. Je l’ai dit à Francis « ça c’est la musique classique du rock and roll ! ». On a même eu droit au boeuf de circonstance désormais classique avec le guest-responsable de la tournée et sa Gibson pimpante… Un peu arrangé ce gig mais sympa, faut dire ! Tout tout bon, encore une fois, ce que j’ai dit plus haut reste intégralement d’actualité à une exception près : le sucrage de « Bo Diddley ». Rien à faire, « broquette » comme on dit chez nous (essaie de traduire ça mon petit Giles, bonne chance, ingrat va !). C’est un peu comme si les Stones oubliaient « Satisfaction » au répertoire, Dire Straits « Sultans of swing » quoi et les Golliwogs « Proud Mary » (et ils l’oublient vraiment ces trous de balle !!! C’est un mauvais exemple)… Une vraie fausse note impardonnable pour des professionnels (ou alors faudra qu?on m’explique la raison cachée de l’affaire).

Faut dire que c’est une soirée à rebondissements puisque j’ai vécu cette frustration après une algarade avec un spectateur vraiment agressif qui somnolait sur sa chaise en maugréant parce qu’on lui cachait la vue. C’est la première fois en quarante concerts, n’en faisons pas un plat mais quand même… il y a vraiment des mauvais coucheurs partout ! Néanmoins, je me suis offert le deuxième CD du groupe (que je n’avais pas), tout neuf tout pimpant et je vais l’user fissa, croyez-moi, comme tous les autres.

DD, 17 avril 2001.

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