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MOTORHEAD + Skew Siskin, Ancienne Belgique, Bruxelles, 27.11.2006

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Lemmy et ses hommes font parler la poudre à l’Ancienne Belgique. Si les diamants sont éternels, alors Motörhead doit sans doute l’être aussi. Plus le temps passe et plus cette légende du Rock lourd et méchant devient incontournable dans le paysage. Il y a bien longtemps, à la fin des années 70, Motörhead était le groupe de hard-rock le plus rude, le plus sale, le plus impitoyable. Il venait de la base, du fin fond de l’East End londonien et il ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans la poigne de fer et la détermination de son leader historique, Monsieur Lemmy Kilmister, la plus attachante des brutes et le plus solide bassiste du monde. De la solidité, parlons-en. Lemmy a survécu à tout. Il a engouffré dans son organisme ce qui doit bien être l’équivalent de trois wagons de marchandises de came en tous genres, englouti des kilolitres de Jack Daniel’s et doit être responsable d’une partie non négligeable de l’effet de serre avec toute la fumée de cigarette qu’il a rejetée dans l’atmosphère.

Aujourd’hui, Lemmy, c’est un jeune homme de 61 ans qui en a passé 40 au service du Rock ‘n’ Roll, du vrai, débutant dans les années 60 au sein des Rockin’ Vicars, continuant ses années de lutte dans les Seventies avec les spationautes de Hawkwind et prenant sa revanche à partir de 1975 lorsqu’il monte son propre groupe Motörhead. Saviez-vous que ce nom signifie “consommateur d’amphétamines” en argot américain? Maintenant vous le savez et vous devinez aussi que le sulfate d’amphétamines (le speed, pour vulgariser) a toujours été la came préférée de ce bon Lemmy.

Le bonhomme est indissociable de Motörhead qui est tout comme lui un groupe qui a résisté à tout. Recordman du monde du groupe le plus bruyant sur scène, Motörhead atteint la première place des charts anglais en 1981 avec l’album live “No sleep till Hammersmith”, un modèle du genre. C’est d’ailleurs à cette époque que le groupe vit son âge d’or avec le line-up classique Lemmy (basse), Fast Eddie Clarke (guitare) et “Philthy” Animal Taylor (batterie, un ancien chauffeur de taxi devenu un temps dealer de drogues). Mais on a toujours tendance à s’en tenir aux années 1977-82 et s’apitoyer sur cette ère glorieuse à jamais déchue. Ce qu’on oublie souvent, c’est que Motörhead a continué le combat en première ligne malgré les défections de personnel, les ventes modestes et les problèmes de maisons de disques. Et depuis 14 ans, l’équipe s’est stabilisée autour de Lemmy et de ses deux tueurs de prédilection, Phil Campbell (guitare, ex-Persian Risk) et Mikkey Dee (batterie, ex-Mercyful Fate). Mieux, Motörhead sort maintenant des albums de plus en plus fantastiques, oubliés des ravages du temps et d’une puissance aussi farouche qu’aux premiers jours. Les années 2000 n’arrêtent pas de sourire à ces vieux briscards qui fusillent toujours les tympans avec leurs dernières productions en date, “Inferno” (2004) et “Kiss of death” (2006).

Aujourd’hui, Motörhead est devenu une véritable institution qui attire à ses concerts les vieux bikers graisseux toujours fidèles, les jeunes métallos admiratifs ainsi qu’une faune de curieux qui veulent voir le phénomène à l’œuvre avant sa disparition, événement qui n’est pas encore près d’arriver. Avec un album tous les deux ans et une tournée européenne annuelle, Motörhead occupe le terrain avec une constance qui devrait servir d’exemple à tous les groupes débutants qui s’estiment arrivés quand ils ont un petit hit dans les charts. Et bien entendu, la Belgique profite encore du passage de ces bûcherons à l’occasion de leur tournée qui vient de ravager la Grande-Bretagne et qui s’apprête à régler ses comptes avec l’Allemagne. La France, quant à elle, peut s’estimer heureuse que, pour une fois depuis bien longtemps, le gang de Lemmy ait une opportunité de jouer une date au Zénith de Paris ce 7 décembre.

Cela n’empêche pas les Français d’être nombreux ce soir devant la porte de l’Ancienne Belgique, pour ce qui s’annonce être encore un grand moment de rock chaud et sans concessions. Attention, les portes s’ouvrent, précipitons-nous à l’assaut de la barrière!

Les premières parties de Motörhead sont bien souvent des groupes de rock bien énervé avec une ou plusieurs petites nanas bien agréables à regarder. On ne déroge pas à la tradition avec la chanteuse de Skew Siskin, un groupe allemand qui ouvre le show de ce soir. La différence avec les années précédentes réside dans le fait que les groupes précédents étaient excitants aussi du point de vue musical. Ici, on n’a qu’une prestation de Heavy Metal foncièrement années 80, manquant d’originalité et surtout de charisme. Fortement influencé par AC/DC (un de leurs titres appelé “Spend the night with me” démarre exactement comme le “Dog eat dog” des Australiens), Skew Siskin s’insinue aussi sur les traces de Warlock (la chanteuse n’est pas sans rappeler Doro, chanteuse qui officiait dans ce groupe allemand durant les années 80) et d’Accept, un autre fabriquant de métal teuton des Eighties. Je pense aussi en le voyant à d’autres groupes à présence féminine, comme Viva ou Lita Ford. Bref, du déjà vu qui aurait pu être intéressant si les musiciens de Skew Siskin s’étaient vraiment défoncés sur scène et avaient privilégié le jeu de scène sur la musique. Or ici, aucun des deux n’étaient au rendez-vous. Dommage.

Lemmy et ses sbires arrivent tranquillement sur scène vers 21 heures, le bassiste sexagénaire éructe de sa voix éraillée de bûcheron “We’re Motörhead, and we play rock ‘n’ roll”, et c’est parti pour 90 minutes de tornade électrique vrombissante aplatissant tout sur son passage. Le trio exécute son petit exercice de boucherie chevaline comme à la parade. Ceux qui fréquentent l’Ancienne Belgique lors des concerts de Motörhead connaissent maintenant très bien le modus operandi des Anglais : ici, on travaille à la bombe incendiaire, rien de moins. Phil Campbell déambule le long de la scène pour rejoindre le bord où une pédale d’effets est toujours bien placée pour recevoir ses solos efficaces comme des lance-grenades. Lemmy se tient droit, Rickenbacker en main, bottes de cuir noir décorées de croix de Malte (pour ne pas les appeler des croix de fer…) et harponne des riffs puissants et monolithiques. Et l’ami Mikkey Dee, caché derrière sa forteresse de fûts rutilants, entretient un feu rythmique colossal. Imparables, massifs, olympiens, les hommes de Motörhead impressionnent. Aucun verre de bière vide lancé de la fosse ne parvient à les approcher. Tous se fracassent sur les moniteurs de retour, glissant au loin.

Comparée à l’an dernier, la set list reste la même dans les trois quarts des cas. Quelques éléments mobiles qui se trouvaient entre les piliers incontournables se retrouvent remplacés par les morceaux récents de “Kiss of death”. Motörhead ne touche pas aux deux premiers titres de son show (“Dr. Rock” et “Stay clean”, maintient la trilogie “Killers”“Metropolis”“Over the top” qui était déjà dans le premier tiers du répertoire, et termine comme de coutume avec la suite “Sacrifice”, “Just ‘cos you got the power”, “Going to Brazil”, “Killed by death”, “Iron fist”, avant de revenir sur scène et achever le public sur le rappel “Whorehouse blues”, “Ace of spades”, “Overkill”. Entre ces blocs de béton, le groupe a ajouté les titres de son nouvel album (“Be my baby”, “One night stand”, “Sword of glory”) et a enjolivé le tout avec un classique dépoussiéré, le brutal “Snaggletooth” extrait de l’album “No remorse” de 1984.

Motörhead est un groupe qui n’oublie pas de rendre hommage à tous ses potes musiciens qui sont tombés au champ d’honneur. Le public a longtemps eu droit à la reprise “R.A.M.O.N.E.S.” tirant sa révérence à Joey, Dee Dee et Johnny Ramone. Cette année, c’est Phil Lynott de Thin Lizzy qui est rappelé à notre bon souvenir avec “Rosalie”, une chanson de l’album “Fighting” de 1975 et qui était elle-même une reprise de Bob Seger. N’empêche, c’est un sacré beau moment de nostalgie et un superbe clin d’œil à ce qui reste un des plus fabuleux groupes de hard-rock de l’histoire. Précipitez-vous sur les albums “Jailbreak”, “Bad reputation” ou “Black Rose” si vous avez des lacunes à combler en matière de Thin Lizzy.

Les shows de Motörhead ont beau se ressembler, ceux qui les connaissent bien prennent cependant toujours leur pied et ceux qui les découvrent ne peuvent qu’être emportés comme des fétus de paille face à la majestueuse solidité de ce groupe qui figure parmi les plus anciens et les plus fidèles propagateurs de l’esprit Rock ‘n’ Roll. C’est bien sur ce “Going to Brazil” à la Chuck Berry que le public se déchaîne le plus. Cette année, heureusement, il n’y a pas d’incidents regrettables comme en 2005, où une bande de loubards installés à la barrière s’amusaient à cogner les slammeurs qui leur passaient dessus. Ici, tout le monde s’amuse comme il l’entend en respectant les autres. On s’en prend non seulement plein les oreilles mais aussi pleins les yeux avec un dispositif comprenant pas moins de 250 spots qui virevoltent dans un tourbillon de lumières multicolores. Une autre grande sensation sont les deux guitares que Phil et Lemmy revêtent pour interpréter “Sacrifice”, qui lance toujours le solo de batterie de Mikkey Dee, performance de pilonneur endiablé qui fait toujours son petit effet.

Et bien sûr, un show de Motörhead ne serait pas ce qu’il est sans les ultra-classiques “Ace of spades” et “Overkill”, qui figurent au rappel et qui signent l’au-revoir du groupe à son public. Pour ceux qui n’ont pas encore eu toute leur dose, il reste le show de Paris ou l’Allemagne, en attendant la tournée de l’année prochaine.

Set list : Dr. Rock / Stay clean / Be my baby / Killers / Metropolis / Over the top / One night stand / I got mine / In the name of tragedy / Sword of glory / Snaggletooth / Rosalie / Sacrifice / Just ‘cos you got the power / Going to Brazil / Killed by death / Iron fist / Whorehouse blues (rappel) / Ace of spades (rappel) / Overkill (rappel)

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