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Slash et compagnie font parler la poudre à l’Ancienne Belgique

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Le passage des Guns ‘n’ Roses dans le paysage de millions de rockers a laissé une odeur de poudre brûlée, de pétrole fumant et de bière rance qui a rendu accro pour le compte bon nombre de gens. En 87, ces kids de Los Angeles ont remis de l’ordre à coups de bottes à éperons dans un univers musical corrompu par la New Wave molle, le hard rock FM permanenté et le hip-hop analphabète, ouvrant la voie à une redéfinition de la donne stratégique en matière de bruit mondial. Turbulents et incontrôlables, ils ont vite fini dans le mur, mais le mal était fait. De nos jours, tout le monde attend une résurrection en bonne et due forme des Guns mais il y a un problème : ce groupe qui fut génial a souffert d’une tare peu commune, posséder en son sein le chanteur le plus con du monde, incapable de reconnaitre ses erreurs pour faire amende honorable et repartir du meilleur pied. D’où l’éternelle attente de “Chinese democracy”, le plus célèbre non-disque de l’histoire de la musique, sensé faire revenir les Guns ‘n’ Roses animé par un Axl Rose qui n’en finit pas de se faire désirer. Alors, faute de retrouver le vrais Guns ‘n’ Roses de l’ancien temps, il vaut mieux se tourner vers son avatar le plus crédible : les desperados de Velvet Revolver.

C’est vrai que Velvet Revolver porte sur le visage la cicatrice indélébile des Guns ‘n’ Roses. On y retrouve en effet Slash et Duff McKagan, les membres historiques des Guns, associés à l’impitoyable Scott Weiland, fugitif chanteur d’un des groupes grunge les plus prometteurs et les plus sous-estimés des années 90, Stone Temple Pilots. N’oublions pas non plus Matt Sorum qui tient la batterie et qui est aussi un ancien des Guns ‘n’ Roses, également acolyte de Slash lors de la carrière solo de celui-ci. Tout ce petit monde crée le Velvet Revolver une fois sorti de cure de désintoxication, de prison ou de studios enfumés afin de retrouver la sensation originelle du rock ‘n’ roll le plus dru. Nous sommes en 2003 et le premier album de Velvet Revolver, Contraband, voit le jour l’année suivante. Le passage du groupe dans les festivals d’Europe lors de l’été 2005 a attiré des foules qui ont pu apprécier toutes les capacités électriques du Revolver de Velours. L’esprit Guns était encore bien présent, entre sous-vêtements lacérés et Jack Daniel’s frelaté. Alors, quand Velvet Revolver remet le couvert en 2007 avec son deuxième album “Libertad”, il ne fait aucun doute que ça va bouger dans les fosses. Dès le début de cette année, Velvet Revolver est parti sur les routes d’Amérique défendre son nouveau rejeton. Ce mois-ci, c’est au tour de l’Europe d’y passer, enfin en petite partie.

En effet, au milieu d’une tournée d’une quinzaine de jours qui se concentre essentiellement sur la Grande-Bretagne, le choix de Bruxelles (avant-dernière étape avant Amsterdam) apparaît comme une véritable bénédiction. Même les Allemands n’ont droit qu’à une seule date à Cologne, précisément la veille de Bruxelles. Autrement dit, il risque d’y avoir de la concurrence en provenance de France où, entre les matchs de foot idiots et les dernières nouvelles de Carla Bruni, les kids hexagonaux n’ont d’autre choix que de combattre l’ennui en se précipitant à Bruxelles voir le Velvet Revolver. Mon pressentiment de départ allait s’avérer juste, au-delà de toutes les prévisions. Effectivement, il suffit que l’ombre de Guns n’ Roses plane quelque part pour que les foules rappliquent en meute compacte. Si l’ancien chef éclairagiste des Guns montait un groupe, il attirerait immanquablement des hordes infinies à ses concerts.

Obligé de me réfugier au balcon pour cause d’accès impossible à la barrière (arriver une heure vingt avant l’ouverture des portes n’était pas suffisant, il y avait déjà 150 personnes devant moi!), je ne regrette pas ma décision. Avec une vue imprenable sur la scène, je me retrouve bien placé. Tout le confort de l’homme moderne…

La bataille va pouvoir commencer dans de bonnes conditions. Je vois la salle se remplir peu à peu, jusqu’aux limites de l’asphyxie quand la première partie arrive sur scène à 19h45. Les Anglais de Sons Of Albion offrent un petit show d’une demi-heure, honnête mais souffrant foncièrement d’un manque d’imagination (du sous-Cult) et de certaines défaillances au niveau du chant. Un petit bassiste avec un bonnet sur le crâne, un guitariste longiligne et chevelu, un batteur qui aplatit ses fûts comme un chasseur d’ours ayant perdu son fusil et un grand chanteur aux allures christiques et mexicaines, voilà le tableau. Le slammeur qui part déjà à l’assaut de la barrière dès le second morceau est grandement immérité pour un groupe qui en est encore au stade de stagiaire dans le grand cirque rock ‘n’ roll. Après un slow pénible où 15 personnes tapent dans leurs mains, les Sons Of Albion terminent avec un morceau un peu plus tonique. Enfin, avec la recette du concert, j’espère que le chanteur se paiera des cours de chant…

Tout le monde retient son souffle en attendant Velvet Revolver. Enfin, c’est une image car si quelqu’un avait réellement retenu son souffle en les attendant, il serait mort depuis longtemps. Les princes du hard rock ‘n’ roll se pointeront à 21h05, soit près de 50 minutes après la fin de la première partie. On a le temps d’écouter l’intégrale de Kiss et d’Aerosmith qui défile sur les haut-parleurs de la sono. Mais dès que le Revolver tire ses premiers coups, on se rend compte que ça valait la peine d’attendre. Scott Weiland, Slash, Duff McKagan et consorts entrent directement dans le vif du sujet, sans fioritures, et tronçonnent les tympans d’autorité avec une salve en provenance du dernier album. “Let it roll” et “She mine” déboulent dans les brancards et viennent appliquer une salvatrice paire de taloches. Le public est déjà emporté en de grandes vagues tsunamiques, complètement conquis par cette première décharge électrique. Le roulis et le tangage continuent de plus belle sur les impeccables “Train sucker blues” et “Do it for the kids”, des brulots du premier album. Slash et Duff arpentent la scène en un chassé-croisé sidérurgique, tandis que Scott Weiland se débarrasse peu à peu de ses fringues. Le chanteur a l’air détendu, bien installé dans ses pompes blanches. Et c’est très bien comme ça, surtout pour continuer à battre le fer comme un forgeron en rut au rythme de titres nouveaux et anciens du groupe.

On en arrive alors à la séquence nostalgie, avec deux titres des Stone Temple Pilots, extraits de l’indispensable “Purple” de 1994. Slash a troqué sa Gibson Les Paul pour une rutilante gratte rouge qui fusille les yeux et les oreilles. Bien entendu, la réciproque Guns ‘n’ Roses ne tarde pas à se manifester avec “Patience”, extrait du “G N’ R lies” de 1988, joué en quasi acoustique avec Duff McKagan derrière une guitare. Slash, lui, fait grande sensation avec sa guitare double manche. Ce morceau cool permet de ralentir un peu l’effort et se prolonge avec “She builds quick machines”. Après ce ralentissement notable, le Revolver a remis des cartouches dans le barillet et retourne au charbon avec “Get out the door” et un impressionnant “Fall to pieces”, prélude au monstrueux “It’s so easy” des Guns, que le public reprend en chœur De ma tribune, je peux voir l’étendue du chaos qui règne dans les premiers rangs, chose que je ne vois jamais quand je suis à la barrière (mais que mon dos ressent…). Tout cela arrive à point pour amorcer le solo de guitare de Slash, moment d’anthologie s’il en est. Voilà le chevelu, coiffé de son inévitable haut-de-forme, penché sur sa guitare, clope au bec avec les cendres qui tombent peu à peu, parti dans près de quatre minutes de triturage de cordes façon blues démoniaque. Il faut en profiter maintenant car le concert est presque fini. Il reste un petit “Set me free” avant que le groupe ne retourne dans les coulisses.

Mais ce n’est que partie remise car revoilà nos gaillards pour un rappel sanglant, qui brille notamment par des versions monumentales du “Sex type thing” des Stone Temple Pilots et un impérial “Slither”, extrait de “Contraband”, qui achève ce concert dans une explosion d’énergie et de feeling. Par la moustache de Lemmy, que tout cela fait du bien!

Tout pour le son,

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