MY OWN PRIVATE ALASKA, interview exclusive pour Music in Belgium (1re partie)
C’est avant leur concert du 12 septembre à l’Atelier Rock de Huy que le groupe My Own Private Alaska nous a accordé une interview. Cette date est la première d’une tournée commune avec Will Haven. En tout, ils assureront une bonne quinzaine de concerts qui les feront parcourir la Belgique, la France, l’Allemagne et la Suisse. Le groupe vient de passer les mois de juillet et août à Los Angeles, avec Ross Robinson, producteur ayant à son actif des albums de Slipknot, The Cure, Sepultura ou encore Deftones.
Nous commençons cette interview avec Yohan (batterie) et Tristan (piano). Milka (chant) nous rejoindra un peu plus tard. A aucun moment, les membres du groupes ne se départiront de leur bonne humeur, ni de leur sympathie sans borne.
MiB : Tout d’abord un grand merci pour cette interview que vous nous accordez. Première question pour vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaissent peut-être pas encore : de quand datent les débuts de My Own Private Alaska ?
Yohan : En fait, la véritable genèse du groupe date d’il y a 5 ans : Tristan et Milka ont eu l’idée de faire un projet un peu à contre-courant avec un piano classique et un chant hurlé. Cette idée a fait son chemin doucement pendant quelques années, Milka avait d’autres projets en parallèle, et ils cherchaient un batteur. Ils en avaient plusieurs en tête, mais j’ai rejoint le groupe il y a un an et demi. Depuis, tout a été très vite : en 9 répètes, on a enregistré l’EP et on a commencé à tourner de suite.
MiB : Comment dès le départ avez-vous eu cette idée d’associer piano classique et chant hurlé ?
Tristan : Milka, avec Psykup, tournait beaucoup avec des groupes que nous considérions comme tous les mêmes, avec toujours le même line-up basse-batterie-guitare. J’accompagnais Psykup parce que j’apprenais le métier de sonorisateur ; Milka savait que j’ai une formation de piano classique, et on en avait tellement marre de ces groupes qui se ressemblent tant qu’on s’est décidé à agir :
« – Tu joues du piano ?
– Oui. Tu hurles ?
– Oui. On y va ?
– OK, trouvons un batteur ».
C’est ça qui a pris plusieurs années, en raison des emplois du temps de chacun. On connaissait Yohan depuis plusieurs années, mais comme d’habitude, on cherche toujours plus loin que ce qu’on a sous les yeux et ce mec, finalement c’était le meilleur batteur du monde et on s’est rendu compte qu’on avait été aveugles. C’est mon batteur préféré…
MiB : En règle générale, comment construisez-vous vos morceaux ?
Yohan : A la base, on part toujours d’une pièce de piano de Tristan à laquelle on apporte une patte au travers de nos parties. On se concerte de plus en plus en termes de structure, d’arrangements, pour savoir dans quelle direction on veut aller pour parler d’une même voix.
Tristan : La base vient du piano classique, dont la musique s’articule autour de thèmes, pas toujours dans la lignée de ce qu’on avait défini avec Matthieu (ndr Milka). En fait, c’est très intellectualisé dès le départ, il y a avant tout un concept, une esthétique autour desquels on construit la musique : au piano, je n’ai pas de couplets ni de refrain, j’ai parfois une intro, parfois une outro, ce qui peut donner quelque chose de perturbant, de même que la longueur des morceaux.
Yohan : Ensuite viennent les arrangements qui peuvent donner un côté plus rock à certains morceaux, ce qui les rend plus efficaces. C’est ça qui est intéressant, en fait, c’est faire du hardcore sur du Chopin…
MiB : Comment alors s’inscrit le morceau « First Steps » qui se trouve en fermeture de l’EP ? Est-ce le morceau qui a été à la base du travail de MOPA ?
Tristan : Pas vraiment. Pour la petite histoire, ce morceau, c’est le thème de « Kill Me Twice ». C’est simplement une impro, un soir, chez moi. Je l’ai enregistrée et on ne l’a jamais retouchée, en ce sens qu’il n’y a jamais eu d’intervention des deux autres. C’est une des vieilles compos que j’avais, qu’on a voulu garder, et qu’on a mise à la fin de l’EP parce que ça fait du bien après 40 minutes de hurlements.
Yohan : C’est comme un atterrissage, un retour à la vie normale.
MiB : C’est vrai qu’à la fin d’une chanson, quand Milka a fini de hurler, on est soulagés pour lui…
Yohan : Oui, et c’est de pire en pire…
MiB : En concert, vous deux aussi, vous la vivez complètement, votre musique, c’est hallucinant !
Tristan : Cà, c’est le postulat de base, on ne fait pas une musique que tu peux jouer à moitié ou sans intention.
Yohan : MOPA est un groupe basé sur le fait de jouer ce que tu es, qui tu es, ça te met à poil, c’est très sincère, très à fleur de peau. Du coup, on ne peut pas jouer cette musique autrement que si on allait crever après.
Tristan : C’est un peu l’idée, oui. C’est tellement intense que tu ne peux pas te permettre de jouer une musique aussi extrême sans la vivre à fond.
MiB : N’est-ce pas justement cette sincérité de vos propos qui a été la base du travail effectué avec Ross Robinson ?
Yohan : ça a même été plus loin, avec Ross, tu oublies qui tu es, pourquoi ou comment tu joues : tu t’ouvres et tu joues avec tes tripes, il utilisait une métaphore qui disait qu’on sert de portail entre un truc qui nous dépasse, qui passe à travers nous et qu’on donne… Par exemple, avec lui, j’ai fait toutes mes prises dans le noir, avec 1h30 de briefing avant (qu’il appelle mental surgery) au cours duquel tu dois lui expliquer ce que tu veux faire passer, pourquoi, comment, ce que tu veux en faire pour les autres… À partir de là, c’est deux prises, voire une seule, parce que tu joues en oubliant tout, tu fais un truc que tu n’as jamais fait avant, même pas imaginé, mais c’est ça que tu gardes parce que c’est le truc le plus sincère que tu puisses faire.
MiB : Comment êtes-vous rentrés en contact avec Ross?
Yohan : Via myspace : il écoute tout ce qu’il reçoit, ce qui doit représenter des milliers de groupes. Ce qu’on lui a envoyé lui a vraiment plu, il nous a donc répondu « Salut les gars, c’est super beau, c’est génial, en quoi puis-je vous aider ? Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? ». C’était son premier mail, il y a un an de ça. On a continué à s’écrire tout en cherchant des moyens de nous faire aider, nous, à concrétiser cette idée un peu folle de bosser avec lui et qui avait fait son chemin en nous. Ensuite, c’est une histoire de concours de circonstances : il venait de passer un an sans trop de projets : il a fait le dernier Norma Jean, il devait faire le nouveau Cure, mais il s’est retrouvé libre 2, voire 4 mois avant d’enregistrer le prochain Korn en novembre. On y est donc allé, mais jusque fin juin on n’était pas certains que ça allait vraiment se faire. Tu vois, c’est tellement unique, ça arrive à 1 groupe sur 1 milliard, qu’on n’y a pas cru avant de voir s’ouvrir la porte de son garage.
MiB : l’enregistrement s’est déroulé dans ses propres studios ?
Tristan : Non, son studio, l’Indogo Ranch a brûlé en juillet 2007 dans les incendies qui ont détruit les coteaux du côté de Malibu. Du coup, il a aménagé le rez-de-chaussée de sa maison de Los Angeles en home-studio de luxe, il a transformé une des chambres, de maximum 12m2 en studio dans lequel on a tout enregistré. On était donc en immersion totale : on dormait chez lui à l’étage et on bossait chez lui au rez-de-chaussée. On a été ensemble 24 heures sur 24 pendant 2 mois.
Yohan : Il ne fonctionne que comme ça, en fait. C’est un gars à qui on présente tout, et s’il a envie de se faire 8 milliards avec le prochain Fall Out Boy, il le fait. On lui présente tout, ensuite, c’est lui qui choisit avec qui il va bosser, mais en général, il refuse tout, c’est son éthique. Genre pour nous faire nous et le dernier Norma Jean, il n’a pas fait le dernier Slipknot !
à suivre…
2e partie de l’interview
Pour les impressions quant au concert, voir l’
article qui lui est consacré par ailleurs.