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AC/DC – Power up

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Autant le dire tout de suite avant d’aborder cette chronique du nouvel AC/DC : je suis un scottiste rabique. Pour moi, point de salut pour AC/DC en dehors de la période Bon Scott. Je fais partie de ceux qui considèrent que Brian Johnson sera pour l’éternité le remplaçant de Bon Scott et donc le remplaçant du remplaçant de Dave Evans, le premier chanteur d’AC/DC entre novembre 1973 et la fin 1974. Certes, il y a eu ʺBack in blackʺ, le premier album avec Brian Johnson en 1980, qui inaugurait en fait la méthode AC/DC 2.0, avec ses riffs carrés, ses tempos puissants, une façon métronomique d’envisager le binaire du rock ‘n’ roll et le toucher toujours magique d’Angus Young sur son éternelle Gibson SG. Et cela fait quarante ans que ça dure, avec une succession d’albums que les détracteurs d’AC/DC rejettent parce que rien ne change et que les adorateurs vénèrent parce que rien ne change. Et le fait est qu’AC/DC a continué à vendre des supertankers entiers d’albums depuis 1980, même si ceux qui possèdent des vinyles originaux de ʺFlick of the Switchʺ (1983) ou ʺFly on the wallʺ (1985) hésitent à le révéler même à leur propre mère, de peur qu’elle ne les dénonce aux milices défendant la mémoire de Bon Scott, ou tout simplement aux tenants du bon goût en termes de hard rock électrifié. AC/DC, en fait, c’est un peu comme le Morgon : c’est toujours bon mais ce n’est plus du grand cru classé.

Donc pour résumer, cela fait un sacré paquet d’années qu’on attend un digne successeur à ʺHighway to hellʺ ou ʺBack in blackʺ ou encore ʺThe razor’s edgeʺ (1990), surtout pour son célèbre hit ʺThunderstruckʺ. Au fait, celui qui me cite au débotté sans consultation Internet préalable un autre titre connu de cet album gagne un kilo de champignons hallucinogènes mexicains, offert par la maison. Oui, on va avancer les derniers ʺBlack iceʺ (2009, encore assez sympathique, notamment grâce à la spectaculaire tournée mondiale qu’il engendra) et ʺRock or bustʺ (2014, doté d’une énergie agréable mais rapidement digérée sans avoir entraîné d’émeutes de par le monde). Et donc, ce dernier ʺPower upʺ serait-il l’album de la résurrection, celui capable de ramener des musiciens âgés entre 63 et 73 ans au rang des sauvages écoliers à peine pubères et des rockers en denim qui incendièrent le monde entier en 1976-79 ?

La réponse tient dans les sillons de ce dernier album d’AC/DC, dix-septième de la dynastie et onzième de la période post-Bon Scott. D’abord, quand on étudie les circonstances de l’écriture de cet album, on se rend vite compte que ʺPower upʺ est arrivé sur terre dans des conditions quasiment miraculeuses. Souvenons-nous : en 2016-2017, AC/DC est en perdition. Le batteur Phil Rudd a un casier judiciaire aussi chargé que celui du maréchal Goering à Nuremberg et risque de passer quelques décennies au trou. Le bassiste Cliff Williams en profite pour faire valoir ses droits à la retraite à son patron Angus Young, qui ne va pas tarder à perdre son frère Malcolm Young, mort de démence en décembre 2017. Là-dessus, on apprend que le chanteur Brian Johnson risque la surdité totale et que même le bruit d’une cuiller à café tombant sur un morceau de carrelage pourrait le rendre sourd comme un pot pour le restant de ses jours. Pour compenser les effets de cette déroute généralisée, Angus Young dépêche son neveu Stevie Young (ex-Starfighters) et Axl Rose, chanteur de Guns ‘n Roses, pour assurer la fin de la tournée de promotion de l’album ʺRock or bustʺ. Et la tournée se termine avec un Axl Rose à la jambe plâtrée dans un fauteuil roulant. En termes de poisse, on a rarement fait pire… Et pourtant, avec un mort, un sourd, un taulard et un retraité (quand même revenu sur sa décision), Angus Young défie la fatalité et lance la confection de ce nouvel album, sans doute annoncé comme le dernier, comme les quatre derniers en date, jusqu’au prochain (un vieux truc appris des Rolling Stones). Bref, l’espoir revient, le groupe se reforme, on va chercher le producteur Brendan O’Brien (Pearl Jam, Stone Temple Pilots, Bob Dylan, Bruce Springsteen et les deux derniers albums d’AC/DC) à défaut de mettre la main sur les producteurs Mutt Lange et George Young (le grand frère), excusés pour cause de décès et on repart à l’assaut comme en 1980.

Et au vu de ces circonstances quand même assez dramatiques, il faudra bien reconnaître que ce nouvel album d’AC/DC… sonne comme du AC/DC, bien sûr. Et donc, sans être une merveille de renouvellement artistique, ce disque constitue le chaînon manquant entre ʺBack in blackʺ et ʺThe razor’s edgeʺ, un truc qui vient coller de près à la qualité de ʺBlack iceʺ et qui pourrait trouver une petite place dans le top 5 de la discographie de l’AC/DC post-Scott. Les frères Young (oui, je dis bien les frères car les chansons sont officiellement créditées à Angus et Malcolm Young, qui avait sans doute composé des ébauches de morceaux avant sa mort et à qui cet album rend hommage) nous ressortent les grosses ficelles habituelles, repérables à vingt kilomètres mais toujours aussi efficaces. On peut s’amuser à repérer les vieux trucs de composition sur ces nouveaux morceaux. Par exemple, le premier titre ʺRealizeʺ à des chœurs pompés sur ceux de ʺThunderstruckʺ, le titre suivant ʺRejectionʺ a un petit côté ʺShot down in flamesʺ, ʺShot in the darkʺ démarre un peu comme ʺRock ‘n’ roll ain’t noise pollutionʺ, le solo de ʺMoney shotʺ résonne comme celui de ʺBack in blackʺ. On peut prolonger ce petit jeu durant tout l’album, démontrant ainsi que ce n’est pas à de vieux chiens qu’on apprend de nouveaux tours.

Mais une fois débarrassé des attentes hypothétiques d’une quelconque nouveauté, force est de constater que ce ʺPower upʺ contient toutes les cartouches qui font mouche à chaque fois, avec les habituels effets sur la plante des pieds qui frappe le sol en cadence et les cervicales qui commencent à s’agiter en tous sens. On prendra donc plaisir à écouter cette galette, plaisir d’autant plus grand quand on pense au moment où cet album sort. Le monde est confiné dans l’attente d’un vaccin universel, on ne peut plus acheter de chaussettes dans les supermarchés, les esprits les plus échaudés nous annoncent la mainmise de l’oligarchie ultralibérale et sataniste sur le monde avec un contrôle des pensées qui s’étendrait de New-York jusqu’à la dernière vallée tibétaine ou la plus petite île du Pacifique sud. Tout le monde voit la fin du monde à sa porte et pendant ce temps-là, une bande de vieux briscards nous sort un album de rock ‘n’ roll qui célèbre le boucan, la fête, la bière et les motos, comme si on était toujours en 1980, sans se préoccuper le moins du monde des problèmes de l’heure. Voilà un joli pied de nez à notre monde timoré et souffreteux. Ecoutons donc ces septuagénaires hilares qui nous disent de nous marrer, de peloter les serveuses de bar et de faire rugir les Harley-Davidson dans les banlieues résidentielles tranquilles. Car même si ʺPower upʺ n’est pas l’album qui va renvoyer ʺLet there be rockʺ ou ʺHighway to hellʺ aux oubliettes, il marque quand même le désir de vivre de ces vieux bougres d’AC/DC qui auraient eu maintes occasions de raccrocher les gants après tous les malheurs les ayant frappés. Eh bien non, on continue, on ne lâche rien, on garde espoir et on vibre toujours.

Donc, finalement, cette année 2020 n’aura pas été aussi terrible que ça, il y a quand même eu le dernier album d’AC/DC pour nous botter les fesses et ramener un peu d’esprit rock ‘n’ roll et du bon sens musclé dans ce monde en proie au doute et à l’imbécilité.

Le groupe :

Angus Young (guitare)
Brian Johnson (chant)
Stevie Young (guitare)
Cliff Williams (basse)
Phil Rudd (batterie)

L’album :

ʺRealizeʺ (3:37)
ʺRejectionʺ (4:06)
ʺShot in the Darkʺ (3:06)
ʺThrough the Mists of Timeʺ (3:32)
ʺKick You When You’re Downʺ (3:10)
ʺWitch’s Spellʺ (3:42)
ʺDemon Fireʺ (3:30)
ʺWild Reputationʺ (2:54)
ʺNo Man’s Landʺ (3:39)
ʺSystems Downʺ (3:12)
ʺMoney Shotʺ (3:05)
ʺCode Redʺ (3:31)

http://www.ac-dc.net/
https://www.facebook.com/acdc/

Pays: AU
Columbia – Sony Music
Sortie: 2020/11/13

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