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DEEP PURPLE – In Rock

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Il y a 50 ans, le 3 juin 1970, sortait l’un des albums les plus essentiels de l’histoire du hard rock, et tout simplement du rock. Ceux qui réalisent ce chef d’œuvre avaient pourtant commencé leur carrière au service d’un psychédélisme assez pompeux et cherchaient en fait leur voie depuis 1968, année de leur création. Les choses ne sont pas évidentes en effet pour Deep Purple, qui débute sous la houlette du batteur Ian Paice, du claviériste Jon Lord et du guitariste Ritchie Blackmore, fondateurs du groupe. Avec une première équipe composée de Nick Simper (basse) et Rod Evans (chant), Deep Purple édite trois albums intéressants mais déjà assez datés au moment où ils sortent : “Shades of Deep Purple” (1968), “The book of Taliesyn” (1968) et “Deep Purple” (1969). Ces disques rencontrent le succès aux Etats-Unis mais sont presque totalement ignorés dans l’Angleterre natale du groupe. Il faudra un changement de personnel avec l’arrivée en juillet 1969 de Ian Gillan au chant et Roger Glover à la basse (tous deux anciens du groupe Episode Six), la commercialisation d’un single de rock chrétien un peu niais (“Hallelujah”) et la réalisation d’un album de rock psychédélique avec orchestre symphonique (“Concerto for group and orchestra”) avant que Deep Purple ne s’établisse comme fleuron incontournable du hard rock international, et cela grâce à un disque, “In rock”.

Pour réaliser ses ambitions et passer à la vitesse supérieure grâce à ses deux nouveaux membres qui veulent en découdre, Deep Purple a pour principale préoccupation de réaliser maintenant un album qui soit complètement novateur, qui forge une image toute nouvelle du groupe, comme si la première formation n’avait jamais existé. Les séances de travail vont se partager entre plusieurs studios car Deep Purple passe aussi beaucoup de temps en concert lors des trois premiers mois de 1970, se concentrant surtout sur la Grande-Bretagne mais commettant de temps en temps quelques petites incursions sur le continent, comme par exemple à Paris (pour la première fois, le 5 janvier 1970) ou à Munich. L’enregistrement proprement dit débute aux IBC Studios de Londres, vers le 14 octobre 1969. A ce moment, “Speed King” et “Living wreck” sont enregistrés. Il semble que “Living wreck” ait failli un temps passer à la trappe, le groupe n’ayant pas saisi immédiatement le potentiel de cette chanson, qui sera finalement réintégrée dans le disque. En fait, l’introduction échevelée qui démarre “Speed King” n’était pas prévue au départ et elle sera enregistrée en novembre. Son ajout à “Speed king” n’existe que sur les pressages européens du disque, la version américaine étant réduite au morceau proprement dit. C’est aussi en novembre que le groupe met sur bande son “Child in time”, avec la fameuse introduction piquée au groupe américain It’s A Beautiful Day et toute l’expérience acquise durant l’expérimentation de ce morceau en concert. Vers la fin du mois, le groupe met en boîte “Into the fire” (que l’on doit à Roger Glover) ainsi qu’un instrumental improvisé “Jam stew” (qui finira dans les tiroirs mais que Ritchie Blackmore reprendra dans son projet Green Bullfrog, avec Ian Paice, en 1970). Le 1er janvier 1970, le groupe enregistre “Hard lovin’ man” aux studios De Lane Lea. C’est à cette occasion du Deep Purple retrouve Martin Birch, un ingénieur du son qui avait déjà travaillé sur le “Concerto for group and orchestra”, en remplacement de Derek Lawrence. Birch a de la trempe et de l’expérience et son contact avec Deep purple va immédiatement être excellent. Le groupe produit le disque lui-même mais Martin Birch sait parfaitement ce que le Pourpre désire exprimer sur album. Cela tient en une phrase de Ritchie Blackmore : “Si ce n’est pas excitant ou dramatique, ça n’a rien à faire sur ce disque”. Birch va fermer les yeux sur le niveau des potentiomètres dans le studio et même conseiller au groupe de jouer aussi lourd que possible. L’apport de Martin Birch est extrêmement important pour Deep Purple. La structure du De Lane Lea n’est pas toujours idéale pour obtenir un son bien spécifique, surtout pour les batteurs. Birch va réaliser des prouesses, sachant parfaitement comment doser le son de Deep Purple. Son dévouement à sa tâche est total et il donne de sa personne pour saisir parfaitement ce que souhaite Deep Purple. Le secret du son agressif de “In rock” réside aussi dans le fait que le groupe alternait à cette époque sessions studio et concerts live, l’intensité de la scène alimentant l’inspiration en studio. Cette alchimie se retrouve bien sur un titre comme “Hard lovin’ man”. Ecrit par Roger Glover, il représente pour lui la quintessence de l’album, avec des solos qui n’ont jamais été aussi intenses, l’exubérance de l’attitude, la puissance des riffs et des rythmiques, la preuve que le groupe a trouvé sa voie. Quelques derniers titres restent à enregistrer. “Cry free” est réalisé en trente prises le 13 janvier 1970, pour finalement être mis de côté (on le retrouvera sur la compilation “Powerhouse” en 1977). “Flight of the rat” date du 11 mars et provient d’une improvisation sur le vol du bourdon. Enfin, le dernier morceau à être mis sur bande est “Bloodsucker” le 13 avril 1970 aux studios Abbey Road. Deep Purple est content de son affaire et présente le produit fini à son management, qui lui demande aussitôt où est le projet de single. Oups! Cet oubli est vite réparé par le retour du groupe au studio De Lane Lea en mai 1970. Durant cette session, tout le groupe travaille dur pour trouver un bon riff mais n’arrive à rien. Las de s’escrimer en vain contre l’inspiration, les cinq musiciens préfèrent aller se prendre une cuite au pub du coin. Blackmore et Glover reviennent au studio avant les autres et Blackmore trouve une idée en piquant une vieille mélodie du “Summertime” de Ricky Nelson (qui reprend lui-même le “Summertime” de Gershwin avec une orchestration différente). En fait cette mélodie caractéristique se retrouve aussi sur le titre “(We ain’t got) nothing yet” des Blues Maggoos sur leur premier album de 1966, “Psychedelic lollipop”. Encore un vol en bonne et due forme qui termine dans l’escarcelle de Deep Purple. Là-dessus, les autres membres de Deep Purple reviennent et Ian Gillan rédige des paroles, inspirées d’une vieille chanson d’Arthur Alexander. Le tempo est pompé sur le “On the road again” de Canned Heat et le résultat est l’immortel “Black night”.

Il n’y a plus qu’à vendre et le single “Black night/Speed king” est disponible chez les revendeurs le 5 juin 1970. Et là, bingo, les ventes partent sur les chapeaux de roue. Le 45 tours grimpe à la deuxième place des charts et ouvre la voie à l’album “In rock”, qui sort également en juin et atteint la 4ème place du hit-parade. Deep Purple vient d’entrer dans la cour des grands. Les rockers se précipitent sur cet album à la pochette immédiatement reconnaissable, représentant les cinq musiciens du Pourpre en lieu et place des présidents américains qui figurent sur le mont Rushmore aux Etats-Unis. Ils sont taillés dans la pierre, inamovibles, prêts à faire trembler la terre. La presse reçoit ce disque comme le Messie, parlant d’album “monstrueusement excitant”. Richard Green mentionne : “Toutes les tripes et la force du groupe entrent en ébullition et explosent dans une frénésie assourdissante”. Il n’y a aucun doute là-dessus : “In rock” est sans doute un des meilleurs, si ce n’est le meilleur album de hard rock des années 70. L’année 1970 sera d’ailleurs une véritable bénédiction pour les hard rockers, avec la sortie des deux premiers albums de Black Sabbath, le “Led Zeppelin III”, le premier Uriah Heep, l’album “Fire and water” de Free, sans compter les petites merveilles venues des Etats-Unis : Grand Funk, Mountain, Cactus, les Stooges… “In rock” est également un album qui brise les frontières musicales. Il n’est pas un album de blues, il n’est pas un album de rock ‘n’ roll, c’est un album qui fracasse le concept de rock progressif et accouche de ce qualificatif bientôt universellement employé, le hard rock. Jusqu’à présent, on parlait de heavy rock pour y inclure les créations proto-métalliques de Cream, Jimi Hendrix ou Iron Butterfly. En 1970, Deep Purple vient poser un jalon crucial dans la définition et l’évolution du rock lourd.

Première édition : 3 juin 1970 (vinyle, Harvest SHVL 777)
Dernière édition : 2019 (vinyle coloré 180 grammes, pochette dépliante, édition limitée remastérisée, Warner Bros. RR1 1877)

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