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SPINY NORMEN – Spiny Normen

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Des décennies après les faits, il arrive que quelques archéologues du rock parviennent à extraire du fin fond des entrailles de l’oubli telle ou telle petite merveille, le disque enregistré à l’époque mais jamais sorti, et qui plus est jamais encore redécouvert depuis. Car, en quarante ans, on en a retrouvé, des groupes rock qui avaient loupé le coche, qui n’avaient pas pris le départ au moment où le signal de la course à la gloire était lancé. Les Dark, les Possessed, les Bedemon, les Allmen Joy, Argus, Fate et j’en passe et des meilleurs, tous ces combos ayant reposé durant des années dans la glaise des groupes ignorés ont fini par être redécouverts. Mais il y en a qui sont toujours coincés dans les profondeurs et qui remontent encore. C’est le cas de Spiny Normen, groupe hard rock psychédélique de Houston ayant mis sur acétate un unique album avant de ne plus jamais faire parler de lui. C’est l’excellente maison RidingEasy, à qui on doit les compilations “Brown Acid”, spécialisées dans le plus obscur des groupes hard rock des années 1969-75, qui commercialise enfin ce petit bijou qu’est l’album éponyme de Spiny Normen.

L’histoire commence en 1976, lorsque Gerry Diaz et Steve Brudniak quittent l’école et, entre deux séances de fumette, se mettent en tête de former un groupe. Les deux lascars se débrouillent pour trouver du matériel, micro, amplis, etc, jusqu’à mettre la main sur un vieil orgue Vox Jaguar ayant appartenu à Fever Tree, mythique groupe psychédélique de la région de Houston qui avait sorti quatre albums autour de 1968-70. Deux autres complices sont engagés, en la personne de Norman Davis (batterie) et Steve Koch (basse). Le quatuor s’enferme dans un garage et usine quelques compositions inspirées par un blues lourd et bien entendu par Black Sabbath.

Alors que le combo prépare une petite démo quatre titres, le batteur Norman Davis lâche l’affaire et ne se présente pas un jour aux répétitions. La conséquence est que le groupe décide de s’appeler Spiny Normen (avec un e à la place du a), en souvenir de leur batteur évaporé.

Le temps passe et le groupe expérimente toutes sortes de sons, composant quelques titres qui incluent des influences héritées de King Crimson, Pink Floyd, Van Der Graaf Generator, le tout dans une sauce heavy psych et prog sonnant très britannique pour un groupe américain. Le personnel défile autour des deux protagonistes Gerry Diaz et Steve Brudniak. On trouve ainsi à différents moments Bruce Salmon à la basse, Bob Riley au chant, Robert Winters à la batterie. Nous sommes alors vers 1978-79 et il faut bien admettre que la mode du rock psychédélique lourd est bien passée, le ton étant maintenant au heavy metal naissant et à la suprématie de groupes comme Kiss ou Van Halen. Ceci n’empêche pas Spiny Normen de persévérer dans son coin, indifférent aux modes et tendances, toujours coincé en 1972.

L’idée d’enregistrer huit morceaux dans les locaux d’un collège communautaire à Alvin, banlieue sud de Houston, a été géniale car la découverte de ces titres permet de se faire une idée de ce que pouvait être un groupe arrivé trop tard pour hurler avec les classiques Mountain, Cactus, Alice Cooper ou Black Sabbath du début des années 1970, mais aussi arrivé trop tôt pour faire partie de l’avant-garde stoner-doom constituée par les Pentagram, The Obsessed, Witchfynder General ou Saint Vitus qui prendront le relais vers le début des années 1980.

Les raisons de la fin d’un groupe rock sont nombreuses : service militaire, décès divers, folie opiacée, mariage avec la fille du notaire du coin, repérage du petit guitariste doué par un gros groupe superstar, etc. Pour Spiny Normen, on ne sait pas ce qui a poussé le groupe à se séparer, et surtout à ne pas tenter de vendre son produit auprès d’un petit label ou à le produire à compte d’auteur. Il aura donc fallu attendre quarante ans pour découvrir ces huit titres savoureux, dégoulinant de progressif lourd et de psychédélisme hanté (“Arrowhead”, “To meet the mad hatter”) qui n’hésitent pas à expérimenter et à partir dans des délires sonores (“Wrecko wild man ride”, “The sound of younger times”). Le son est relativement brut de décoffrage mais on a connu des démos qui étaient bien pires. Ce qui frappe, c’est la fraîcheur et la spontanéité de l’interprétation des titres par ce gang de jeunes hippies qui croient à leur musique et qui en maîtrisent les arcanes, construisant du progressif mais donnant aussi dans le bon vieux rock lourd binaire (“Carry your water”, “The Bell Park loon”) ou dans l’épopée électrique échevelée (“In the darkness of night”).

Si le label RidingEasy a d’autres pépites de ce gabarit à extraire des couloirs du temps, nous sommes preneurs tout de suite. Et en attendant la sortie d’un sixième volet de leurs compilations “Brown acid” (prévu fin avril), remercions cette sympathique boutique d’avoir rouvert le lourd dossier du heavy rock psychédélique américain Seventies avec cette découverte de Spiny Normen.

Pays: US
RidingEasy EZRDR-083
Sortie: 2018/03/02

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