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XYLOURIS WHITE – The Sisypheans

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Nous allons partir ici pour un étrange voyage dans le grand monde, dans ce que l’on pourrait en fait appeler de la musique du monde. Ce monde, c’est celui de la Grèce et de l’Australie. Les 15 000 kilomètres qui séparent ces deux pays sont réduits à rien devant l’association entre George Xylouris et Jim White. Le premier est un joueur de laouto, un luth grec ressemblant à un oud. Le second est un batteur et percussionniste, connu pour son boulot dans Dirty Three, un groupe rock expérimental formé à Melbourne en 1992. A cette époque, Jim White connaît déjà George Xylouris, passé par Melbourne lors d’une tournée en 1990 avec son père, Antonis Xylouris, joueur de lyre crétoise.

La musique traditionnelle grecque fait donc partie de l’ADN de Georges Xylouris, qui finit par s’associer avec Jim White en 2013, après quelques répétitions test en Australie en 2009, puis des enregistrements effectués en public à New York. Les deux hommes développent ce qu’ils appellent un free-jazz, avant-rock, infusé dans de la musique traditionnelle grecque. Un tel mélange semble de prime abord un peu indigeste mais, dès le premier album ʺGoatsʺ en 2014, le duo atteint les places confortables du Billboard américain. ʺBlack peakʺ suit en 2016, puis c’est ʺMotherʺ qui sort en 2018.

Aujourd’hui, Xylouris White sort son quatrième album ʺThe Sisypheansʺ, une œuvre déroutante mais profondément fascinante. Dans un décor musical réduit à sa plus simple expression (laouto, percussions, chant en grec), le duo racle le sol caillouteux d’une terre qu’on pourrait tout aussi bien situer au milieu du Péloponnèse, dans les déserts arides d’Australie ou dans les plaines du Midwest américain, quand ce n’est pas dans le désert libyen ou saoudien. Il faut avoir l’esprit un peu ouvert et un goût pervers pour la world music avant-gardiste ou post-apocalyptique, c’est selon. Oui, bonnes gens, il va falloir s’habituer à l’ère post-humaine, quand nous aurons tout foutu en l’air avec notre pollution et nos changements climatiques irrémédiables. Et là, plus d’électricité, terminé. Il ne restera plus que nos yeux pour pleurer et quelques instruments acoustiques à manipuler mollement dans le chagrin et la nostalgie des temps perdus où l’abondance régnait. Dans cette optique funeste, un disque comme ʺThe Sisypheansʺ est un moyen idéal pour se préparer mentalement à la rusticité et à la frugalité.

Le chant larmoyant de George Xylouris, ses divagations sublimes sur son instrument, les syncopées erratiques de Jim White nous transportent sous le soleil impitoyable, dans des ports d’orient où grouille toute une faune de marchands louches et roublards, sur des chemins de montagne traversés à dos d’âne ou dans des bouges de Constantinople où des femmes de mauvaise vie viennent vous tenter avec des alcools râpeux et des plaisirs coupables. Après quelques moments d’hypnose (ʺTree songʺ, ʺGoat hair bowʺ, ʺHeart’s eyesʺ), on trouve des airs plus traditionnels avec un ʺBlack seaʺ qui parle pour lui. Ici, c’est la musique grecque, le oud d’Aşık Veysel (l’Hank Williams turc) ou les sinuosités envoûtantes de la grande Oum Kalthoum qui viennent envahir nos âmes, sentiment confirmé par l’entêtant ʺWedding songʺ. Cette chanson, avec sa nonchalance désabusée, est marquée au fer rouge par la douce lassitude balkanique qui s’empare parfois des gens du coin. La batterie de Jim White insuffle une petite brise occidentale et son minimalisme fait parfois penser à une rencontre furtive entre le Velvet Underground et la musique traditionnelle de Muharrem Ertaş ou Picoğlu Osman.

Nous sommes un peu en dehors des sentiers traditionnels de la musique purement rock ou pop mais s’il fallait trouver un point de repère musical proche de nos préoccupations, ce serait le blues. Oui, Xylouris et White poursuivent une certaine idée du blues à travers une tristesse universelle, des regrets qui ne connaissent pas de frontières et qui pourraient tout autant nous séduire au bord du Mississippi qu’au bord de la mer Egée.

Le groupe :

George Xylouris (chant et laouto)
Jim White (percussions)

L’album :

ʺTree Songʺ (07:24)
ʺGoat Hair Bowʺ (03:28)
ʺHeart’s Eyesʺ (06:38)
ʺTelephone Songʺ (03:12)
ʺBlack Seaʺ (04:19)
ʺInlandʺ (05:00)
ʺWedding Songʺ (05:22)
ʺAscensionʺ (04:28)

https://www.facebook.com/XylourisWhiteBand/

Pays: GR
Drag City Records
Sortie: 2019/11/08

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