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YOUNG GODS, The – Play Terry Riley In C

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Ce sont deux monstres sacrés de la musique contemporaine qui se rencontrent ici. On ne va pas faire l’offense de présenter The Young Gods, groupe suisse fondé en 1985 ayant une part primordiale dans l’émergence de la musique rock industrielle, au même titre qu’Einstürzende Neubauten ou Nine Inch Nails. Cette formation menée depuis ses débuts par Franz Treichler (chant, samplers, ordinateur, guitare) et Cesare Pizzi (sampler, ordinateurs, qui s’absenta cependant de 1988 à 2012) et rejointe depuis 1997 par le batteur électronicien Bernard Trontin a révolutionné les limites de la musique en intégrant toujours plus d’électronique dans une vision rock. En ce sens, ils peuvent être considérés comme les continuateurs de Tangerine Dream.

De l’autre côté, nous avons Terry Riley. On prend tout de suite une chaise pour s’asseoir et on retire son béret rien qu’en entendant le nom. Celui-là aussi est un fameux créateur. Né en 1935 en Californie, toujours vivant, Terry Riley se met à composer dès les années 50 et amplifie la musique classique contemporaine de ses propres sources minimalistes et microtonales. Dans sa partie, il est l’équivalent de pionniers technologiques comme John Cage (1912-1992) et surtout LaMonte Young, son pote né comme lui en 1935 et toujours vivant aussi, qui a développé les frontières de la musique concrète et minimaliste. Quand on entre dans les œuvres de ces personnages, on a intérêt à avoir un bagage musical bien accroché.

Et ici, des altitudes comme les Young Gods se mettent en tête de jouer l’album ʺIn Cʺ de Terry Riley, sorti en 1968. Cette œuvre a été écrite en 1964 et se compose de 53 phrases musicales que l’on peut considérer comme des riffs et que 53 musiciens peuvent jouer autant de fois qu’ils le veulent. Il n’y a aucune contrainte sur le nombre minimal ou maximal de répétitions. Le nombre minimal d’instruments n’est pas non plus fixé. Du point de vue du nombre des musiciens, on peut aller de onze (l’enregistrement original a été fait avec ce nombre, des overdubs ayant été rajoutés pour arriver au chiffre de 35) jusqu’à 124 musiciens, comme ça a été le cas lors d’une représentation au Walt Disney Concert Hall. ʺIn Cʺ signifie que l’œuvre doit être jouée en do majeur, mais les évolutions finissent par faire intervenir des passages en mi mineur et en sol mineur. Il en résulte une boucle musicale, évoluant lentement d’une tonalité à l’autre, au gré de la sensibilité des musiciens.

On voit donc que ʺIn Cʺ nécessite un nombre conséquent de musiciens. Mais les Young Gods ne sont que trois et vont donner leur propre interprétation électronique de l’œuvre de Terry Riley. Les Young Gods offrent donc une nouvelle vision de l’œuvre, en tant que trio et avec leur propre vocabulaire sonore, à l’aide des instruments électroniques, batterie et guitares. Ils optent pour la partition faite d’après les indications de Terry Riley mais se permettent une certaine liberté en termes de gestion de l’intensité sonore, qui évolue en différents longs cycles, du silence vers l’éruption et inversement. Ils choisissent également de maintenir un tempo constant à travers la performance live en construisant un flux hypnotique et en maintenant une présence musicale continue qui s’étend et oscille en boucles perpétuellement changeantes et des atmosphères qui se transforment de manière parfaitement fluide.

Il en résulte une suite sonore fascinante, puissamment produite, faite de montées et de descentes, d’accélérations et de ralentissements, qui donnent une forme vivante à la musique. Le son prend forme, monte en force, s’empare de l’auditeur. Les musiciens des Young Gods doivent s’écouter mutuellement et s’engouffrer dans les phrases complexes des riffs de Terry Riley, ce qu’ils font parfaitement. À la fois par la force du son et par l’originalité profonde de cette entreprise, l’album ʺPlay Terry Riley in Cʺ est un bijou, un moyen de transport vers des dimensions insoupçonnées qui nous rappellent que la musique est une construction sans limites, véritable cadeau du divin. L’idéal est évidemment d’écouter la conception des Young Gods parallèlement à l’album original de 1968.

Le groupe :

Franz Treichler (chant, samplers, ordinateur, guitare)
Cesare Pizzi (sampler, ordinateurs)
Bernard Trontin (batterie, électronique)

L’album :

ʺIn C: Part 1ʺ
ʺIn C: Part 2ʺ
ʺIn C: Part 3ʺ
ʺIn C: Part 4ʺ
ʺIn C: Part 5ʺ
ʺIn C: Part 6ʺ
ʺIn C: Part 7ʺ
ʺIn C: Part 8ʺ
ʺIn C: Part 9ʺ

https://www.younggods.com/
https://www.facebook.com/theyounggods/

Pays: CH
Two Gentlemen Records
Sortie: 2022/09/09

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