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Nouvelle Vague: le mariage délicieusement improbable entre new wave et bossa nova

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Une soirée à deux pas de chez soi en compagnie de musiciens talentueux et de chanteuses à la voix langoureuse, c’est une occasion à ne pas manquer pour un chroniqueur curieux et toujours en quête de nouveautés musicales. Quand j’ai repéré que le groupe français Nouvelle Vague était au programme de l’excellente salle «Het Depot» à Louvain, je n’ai pas hésité un seul instant. Et je n’ai pas regretté ce choix une seule seconde.

À mon entrée dans ce nouveau temple de la musique qu’est en train de devenir la salle «Het Depot», il y a beaucoup moins de monde que pour
Airbourne
quelques jours plus tôt, mais la salle se remplit peu à peu et les curieux ne vont pas tarder à nous rejoindre dès que retentissent les premières notes de l’artiste qui ouvre cette première soirée du week-end, je veux parler de Joon Moon. Sur scène, un claviériste (Julien Decoret), un batteur (Raphael Chassin) et un bassiste/chanteur – du moins le croyais-je, abusé par un look quelque peu androgyne, car il s’agit en réalité de la talentueuse Krystle Warren, chanteuse au timbre exceptionnel et véritable révélation de l’année en ce qui me concerne. Rarement il m’aura été donné d’assister à une première partie d’un tel niveau de perfection.


Après un premier EP «Chess» contenant trois titres mémorables (
«Apple Day»
,
«Help Me»
et surtout
«Chess»
, le trio a sorti le 29 septembre dernier son tout premier album complet intitulé «Moonshine Corner» dont il interprète plusieurs morceaux ce soir devant un public littéralement subjugué… Musicalement, on se situe aux confluent de la pop, du jazz, du blues, avec même une touche de baroque. Les morceaux baignent dans une ambiance très particulière, un tantinet mystérieuse par son côté jazz/blues et à cause du timbre de voix si particulier de Krystle, une voix soul chaude qui fait mouche dans des morceaux tout en retenue comme le fantastique «Call Me» ou encore «Crash», mais qui nous a aussi fait vibrer intensément avec cette espèce de complainte presque tribale à la fin d’un titre dont le nom m’a hélas échappé. Que d’émotion. Le public louvaniste ne s’y trompe pas et réserve au trio des applaudissements nourris. Je n’entends que des louanges pendant la pause. Un groupe à revoir de toute urgence !


Alors que la tête d’affiche va bientôt monter sur scène, la salle est remplie à plus des deux tiers, ce qui m’étonne vu le côté éminemment peu commercial de la musique du groupe français créé par Marc Collin et Olivier Libaux. Leur projet est centré sur la notion de «nouvelle vague»: il s’agit de reprendre des classiques de la new wave et de les faire interpréter sur scène par des chanteuses à la fois talentueuses et sexy dans une version inattendue, en style bossa nova (qui veut dire « nouvelle vague » en portugais). Le résultat est surprenant, chaleureux, langoureux et délectable.


Si le groupe Nouvelle Vague affiche une relative stabilité du côté des musiciens, la rotation est nettement plus impressionnante du côté des chanteuses (et chanteurs) puisque le groupe a travaillé notamment avec Mareva Galanter, Vanessa Paradis, Camille, Phoebe Killdeer, Marina Céleste, Helena Noguerra et plus récemment (pour l’album «I Could Be Happy») Liset Alea, Camille, Élodie Frégé, Clara Luciani, Nadeah Miranda et Mélanie Pain. Sur scène ce soir, on retrouve Julien Decoret qui a troqué son clavier contre un violoncelle, Marc Collin au clavier, Olivier Libaux à la guitare acoustique, Julien Boyé à la batterie et aux percussions. Du côté des voix féminines, ce sont Liset Alea et Mélanie Pain qui se chargent de nous chavirer le cœur ce soir avec leurs voix envoûtantes.


Pour dire toute la vérité, je n’ai jamais été un grand fan de la musique new wave qui faisait un tabac à l’époque de mon adolescence. J’avais donc comme une pointe de scepticisme par rapport au concept de ce soir. Dès le premier titre, toutes mes craintes sont dissipées, tant on est à mille lieues des versions originales. La soirée commence par «I could Be Happy» (cover de Altered Images), qui donne aussi son nom à l’album sorti en 2016, dans une version jazzy sur un rythme de bossa nova. C’est doux comme une caresse, dans un style très épuré qui met joliment le morceau en valeur. Rythme un peu plus chaloupé pour la reprise du «Blue Monday» de New Order. Toujours tout en douceur.


Se succédant au micro dans le rôle de chanteuse ou de choriste, Liset et Mélanie enchaînent les grands standards revisités à la mode brésilienne: «Love Comes in Spurts» (Richard Hell), «Metal» (Gary Numan), l’excellent «I Wanna Be Sedated» (des Ramones), «Ever Fallen in Love (With Someone You Shouldn’t’ve) » (des Buzzcocks), «No One Is Receiving» (Fripp & Eno), «Grey Day» (de Madness, «All Cats Are Grey» (The Cure), «Escape Myself» (The Sound), l’inoxydable «Just Can’t Get Enough» (de Depeche Mode) et «Teenage Kicks».


J’interromps ici l’énumération de la setlist car vous pourriez avoir l’impression que le groupe ne fait que des reprises . Et bien non, détrompez-vous, on trouve aussi au détour de l’album l’un ou l’autre titre original, comme le charmant
«La Pluie et le Beau Temps»
et le troublant «Maladroit». Après cet intermède francophone, retour aux covers avec «Human Fly» (The Cramps), puis en rappel «In A Manner» (Tuxedo Moon), «Love Will Tear Us Apart» (Joy Division) et «Melt With You» (Modern English).


Ce qui fait prendre la sauce, c’est la combinaison violoncelle, guitare sèche, clavier et percussions omniprésentes sur des rythmes chaloupés en mode bossa nova qui assure un dépaysement total par rapport aux versions originales. N’oublions pas non plus la performance vocale des dames qui se font tantôt mutines, tantôt langoureuses, tantôt séductrices, tantôt manipulatrices. Les percussions sont aussi très présentes et amènent une couleur et un relief inattendus aux morceaux interprétés. Et puis, il y a cette belle complicité qui fait plaisir à voir entre les différents membres de la formation. Signalons au passage une apparition des musiciens de Joon Moon pour un moment de douce folie en forme de clin d’oeil. Le public est conquis et je suis personnellement séduit par le concept et par sa mise en œuvre scénique. Une expérience à rééditer sans la moindre hésitation!

Photos © 2017 Hugues Timmermans

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