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Beirut entre Berlin et Gallipoli

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Davantage mélancolique que ses prédécesseurs, “Gallipoli”, le cinquième album de Beirut, relate avec sobriété la rupture sentimentale de Zach Condon. Mais également les bases de sa nouvelle vie en Europe. Il est venu présenter tout cela à Forest National le plus naturellement du monde.

Sur cette tournée, il laisse le soin à Roberto Carlos Lange alias Helado Negro de mettre les spectateurs en confiance. Entamé gentiment guitare à la main dans sa langue maternelle, le set du Californien d’origine équatorienne prendra de la consistance (et du volume) en switchant vers l’anglais, tout en conservant son caractéristique accent hispanique. Très MOR au demeurant, ses compositions ne sombrent cependant pas dans la monotonie grâce à un saxophoniste et une claviériste qui terminera un violon tzigane entre les bras.

“C’est plus grand qu’à l’AB ici, qu’est-ce qui s’est passé ?” lancera dans un français impeccable Zach Condon au terme de “Family Curse”, un des nombreux extraits du très réussi “Gallipoli”, le nouvel album de Beirut. Il est vrai que lors de son dernier passage dans nos contrées, il a rempli par deux fois la salle du boulevard Anspach, rationnelle raison de cet upstreaming qui en a malheureusement refroidi plus d’un. Les raisons principales avancées étant la froideur de l’endroit et la qualité sonore.

Si on ne peut pas leur donner tort (et encore…) concernant le premier point, mettons directement les choses au point par rapport au second. Dès “When I Die”, le titre d’intro, c’est un son limpide qui est sorti des haut-parleurs, permettant tant à la voix plaintive du leader qu’aux nombreux instruments déployés d’occuper une place de choix. Outre un batteur, un bassiste et un impressionnant claviériste (accordéoniste à ses heures), l’ami Zach est en effet entouré de deux musiciens passionnés de cuivres. Des cuivres qu’il n’hésitera d’ailleurs pas à empoigner à son tour pour donner une impulsion de grandeur supplémentaire à des titres qui n’en manquent pas, entre quelques parties de ukulélé et de Moog vintage.

Un Zach Condon dont la vie a complètement changé depuis la sortie de “No, No, No” en 2015. Déjà empreint d’une certaine tristesse correspondant à son état d’esprit un chouia dépressif d’alors, il marquait la fin d’un cycle, ne fut-ce que par rapport à son état affectif. Désormais installé à Berlin, il renoue avec les orchestrations inspirées des Balkans et les sonorités exotiques qui ont fait de “Gulag Orkestar” un OVNI acclamé lors de sa sortie en 2006.

En partie enregistré dans les Pouilles (d’où son titre), “Gallipoli” apporte ainsi un vent de fraîcheur salvateur à la carrière d’un artiste atypique et sincère. Il en jouera la quasi intégralité ce soir, dont “Varieties Of Exile” à la construction particulièrement riche, la plage titulaire au final prenant et “Landslide” aux chœurs essentiels se démarqueront.

Illuminées par des espèces de mâts longilignes en forme de bougies que l’on imagine consumées à des degrés divers, la scène se veut par moments aussi colorées que certaines compositions (le hit “Santa Fe”, le visuel “Postcards From Italy”). Un peu plus tard, elles complémenteront à merveille l’accordéon saccadé de “The Shrew” et l’instrumental “Corfu” (largement inspiré de “Why Can’t We Live Together”, le hit de Timmy Thomas) aux effets sonores futuristes.

Mis à part un tristounet “Gauze Für Zah” (ses nouvelles influences allemandes…), la fin du set prendra une tournure mariachi que ne renierait pas les gaillards de Calexico par exemple. Tant le passionné “Elephant Gun” qu’“In The Mausoleum” et la cover de A Hawk And A Hacksaw (“Serbian Cocek”) transformeront ainsi l’antre de Forest en quart d’heure Mexicano Balkan Trafik. Avant que l’indémodable tube “Nantes” ne ponctue le tout dans une ambiance tout aussi festive.

Entamé de manière dépouillée par Zach Condon et son claviériste, le bien nommé “Un Dernier Verre (Pour La Route)” verra ensuite le groupe au grand complet le rendre tout à fait vibrant. Dans la foulée, le majestueux “We Never Lived Here”, sans doute le meilleur extrait de “Gallipoli, et le très cuivresque “The Gulag Orkestar” boucleront un rappel pertinent. Zach Condon n’est clairement plus le même homme. Quant à l’artiste, il s’est nourri de l’expérience pour atteindre un nouveau palier.

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