TRIFLE – First Meeting
Constitué à l’été 1969 autour du chanteur George Bean, ce groupe anglais managé par le fameux Robert Stigwood (Cream, Bee Gees, …) disparaîtra suite au décès de son leader peu avant la sortie de son premier album en février 1971.
Chanteur Folk-Pop, George Bean fut un des tout premiers à avoir puisé dans le répertoire, pourtant encore léger à l’époque, du tandem Jagger/Richards. Dès 1963, il enregistre un simple, avec en face A, une intéressante version de « Will You Be My Lover Tonight ? », et en face B, « It Should Be You ». Il s’approvisionne aux mêmes sources par la suite. Il faut dire qu’il fut un temps managé par Andrew Loog Oldham. En 1965, il adapte une composition de Bob Dylan, « She Belongs To Me ». Bien qu’il ne rencontre pas un grand succès, notre homme bénéficie d’un crédit certain dans le milieu et publie au moins un simple chaque année. Trifle doit lui permettre de passer un nouveau cap.
Quelques changements de personnel peu de temps avant l’enregistrement ne nuisent ni à la cohésion du groupe, ni à la qualité de l’album « First Meeting ». Il combine Rock et Jazz, avec une pointe de Soul et de Rhythm & Blues. À l’écoute, les parentés les plus évidentes se trouvent chez Colosseum, Manfred Mann’s Chapter III et Chicago Transit Authorithy.
Le niveau général des compositions et des arrangements est élevé. C’est bien construit, fluide avec une volonté constante d’enrichir un thème de base sans le surcharger. Le tout est relevé par une interprétation impeccable dans laquelle chacun trouve sa juste place. L’atmosphère, le ton et le son respirent clairement les années soixante.
Le chant est agréable, naturel, sans recherche d’effets particuliers. Jamais excessif ou envahissant, il peut s’effacer de longues minutes au profit de parties strictement instrumentales. La guitare part peu en solo, opère plutôt par traits courts et secs. Elle nourrit plus qu’elle ne développe. L’impact des claviers est tout autre. L’orgue, par sa densité et ses sonorités vieillottes, est un régal. Le piano intervient dans les parties plus délicates. Avec eux, les cuivres jouent un rôle majeur dans le cachet spécifique de l’ensemble. Tant en solo qu’en soutien, leur présence est imposante et leur intensité énorme. La basse est bien marquée à défaut d’être originale et les percussions se remarquent par leur punch et leur diversité.
Construction saccadée, « Alibi Annie » opère la synthèse entre Colosseum et Chicago. Le premier se retrouve dans le chant, l’orgue, la guitare et la basse, le second dans les cuivres et les percussions. Dans « Home Again », le travail des cuivres est impressionnant tant en couverture qu’en solo. La basse est pointue et répétitive. Léger et psychédélique, le chant évoque par moment Jerry Garcia (Grateful Dead) ou Arthur Lee (Love). L’orgue et la guitare ponctuent.
Plus Pop, construit sur une mélodie banale, avec une basse lourdaude, un solo de guitare quelconque, « One Way Glass » possède aussi quelques atouts : un excellent solo de saxophone, des percussions bien inspirées et le chant.
Introduit au piano, « But I Might Die Tonight » est finement agencé. Le chant rappelle Ian Anderson (Jethro Tull).
Seule composition de l’organiste et seule pièce totalement instrumentale, « Is It Loud ? » constitue le sommet de l’album. Chacun pose son empreinte sur une trame plutôt lente. Parfois lunaires parfois Jazzy, les atmosphères jouent un rôle primordial. La basse est pesante. Les percussions restent légères, même lorsqu’elles s’emballent. La guitare place quelques notes discrètes. Au contraire, l’orgue et les cuivres se font particulièrement remarquer par leur présence, leur profondeur et leurs couleurs. Moins ambitieuse, « Old Fashioned Prayer Meeting » est une agréable pièce de Rhythm & Blues. La version en bonus, celle du 45 T, met plus encore le chant en valeur. Clairement, tous misaient sur George Bean pour obtenir un succès commercial.
Grande réussite également, « New Religion » démarre comme « Child in Time » de Deep Purple. La suite reste merveilleuse. La guitare s’exprime ici pleinement. Les combinaisons instrumentales sont parfaites et les solos aux claviers, à la guitare, au saxophone et à la trompette sont magnifiques. Malgré une participation assez réduite, le chant est magistral. « Devil Comin’ » se signale surtout par l’impressionnant travail du percussionniste. Jolie ballade romantique, « Candle Light » est interprété par George Bean, simplement accompagné par la guitare acoustique.
Les deux titres en bonus proviennent du premier simple publié par le groupe en novembre 1970. « Dirty Old Town » est plus qu’une jolie chanson Pop-Rock. Bien sûr, elle met en valeur la voix limpide de George Bean, mais aussi une riche orchestration dans laquelle chaque instrumentiste peut montrer son talent. Même constat pour « Old Fashioned Prayer Meeting » dans le registre Rhythm & Blues.
Soutenus, le simple comme l’album auraient mérité de faire carrière. Au vu du niveau et de la participation de chacun, il est surprenant que Trifle n’ait pas poursuivi l’aventure. La perte de George Bean était certes malheureuse et malvenue, mais l’homme ne paraissait guère irremplaçable.
Les titres (55’16) :
- « Alibi Annie » (Bean/Cuthell/Greenwood/King)(4’59)
- « Home Again » (Berkowitz)(4’09)
- « One Way Glass » (Mann/Thomas)(4’32)
- « But I Might Die Tonight » (Stevens)(3’52)
- « Is It Loud ? » (Fealdman)(8’11)
- « Old Fashioned Prayer Meeting » (Bean/King)(4’43)
- « New Religion » (Bean/Cuthell)(6’43)
- « Devil Comin’ » (Bean/King)(7’42)
- « Candle Light » (Bean/Hitchen)(1’51)
- « Dirty Old Town » (Bean/Cuthell/Martin)(3’51)(*)
- « Old Fashioned Prayer Meeting » (Bean/King)(4’43)(*)
(*) en bonus
Les interprètes :
- George Bean : Chant & Tambourin
- Dick Cuthell : Trompette, Bugle & Cowbell
- Barrie Martin : Saxophones Tenor & Alto, Chant & Bongos
- Alan Fealdman : Orgue, Piano & Claviers
- John Hitchen : Guitares, Chant & Jawbone
- Patrick King : Basse & Chant
- Chico Greenwood : Batterie, Congas & Maraccas
Pays: GB
Esoteric Recordings ELEC 2212
Sortie: 2010/07/26 (réédition, original 1971/01)