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GURA – Caligura

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Actif depuis 2004 dans la région de Gand, Gura est un groupe qui gagne à être connu. Tout simplement parce que les types qui jouent dedans sont fous. Timbrés, loufs, délirants, surexcités, et bien sûr totalement inclassables. Si, les magasiniers du rock ont quand même réussi à aller classer ce groupe dans la catégorie doom/sludge, mais il faut préciser que ce sera alors du doom/sludge expérimental. Parce que quand on parle de doom et de sludge, on pense tout de suite à une certaine lenteur, une torpeur morbide qui vous empêche de remuer ne serait-ce que le petit doigt. Ici, ça secoue quand même un peu parce que les types de Gura sont loin de faire dans la torpeur.

Dès la première démo sortie en 2005, on sentait déjà ce petit côté excité, bien que la basse de Leetje et la batterie de David eussent d’évidentes tendances à cogner épais et à chatouiller une lourdeur néanmoins cosmique. On donnait alors dans une pesanteur sabbathienne (“Give me the allowance”) ou dans des élucubrations à la Primus (“The fuck it show”), tout ça sur six morceaux ne descendant jamais en-dessous de six minutes. Avec “The un in fun” en 2008, ça se tourmente un peu plus mais on reste dans des territoires sludge encore assez typiques. Mais les nombreux changements de rythmes et cette basse omniprésente révèlent le potentiel hiératique et versatile du duo. L’association basse-batterie se poursuit en 2011 sur “PurGURAtory”, toujours instrumental et toujours intrigant dans ses appels à l’aventure expérimentale, dans une veine doom/sludge progressif. Les titres sont plus courts mais le morceau final qui donne son nom à l’album nous met quand même près d’un quart d’heure de gros sludge épais et étouffant.

En 2015, le saxophoniste Ludo fait son apparition dans le groupe et Gura passe à une nouvelle dimension. On pénètre ici dans un univers plus imprégné par le free jazz, avec un regain de violence et d’énergie dans les morceaux de ce nouvel album “Caligura”, comme une rencontre entre John Zorn et le Dillinger Escape Plan. Comme une sorte de passation de témoin entre le Gura ancien et le Gura nouveau, le groupe démarre son album avec une reprise d’un titre du précédent disque, “Het orenlied”, réarrangé pour accueillir le saxophone et le chant qui n’y figuraient pas auparavant. D’entrée de jeu, c’est l’anarchie musicale la plus totale qui vient tout bousculer. Les choses ne s’arrangent pas sur les morceaux suivants, “Come on François” ou “La pêche aux chats”, qui introduisent des textes délirants en français. L’excitation du chanteur saxophoniste fou empêche souvent de comprendre quoi que ce soit aux paroles mais ça doit sans doute être très intéressant (surtout dans “La pêche aux chats” qui parle de… pêche aux chats).

Après un “Caligura” tout aussi fiévreux et dérangé, Gura en arrive déjà à ses deux derniers morceaux mais on va avoir le temps d’en manger car ceux-ci affichent respectivement 12 et 10 minutes. Les rythmes ralentissent et la basse reprend un peu la maîtrise du jeu sur “Eternal black gurgle”, en association avec un saxophone lancinant. Ce morceau évolue finalement vers une lenteur telle qu’on se demande si le batteur n’a pas le temps d’aller boire un café entre deux coups de baguette sur les fûts. On reste dans cette nonchalance sur “Kanka”, dernier titre qui démarre dans l’aérien et ne tarde pas à redescendre vers la terre glaise pour s’y vautrer goulument, aiguillonné par les hurlements toujours démentiels du chanteur.

Il faut à nouveau tresser des lauriers au label Consouling Sounds qui a eu la bonne idée de signer ce groupe afin de le diffuser dans la mesure de ses moyens au-delà des frontières du rayon d’action de Gura. Les fous furieux de l’avant-garde et les snobs amateurs de musique insensée peuvent sortir de leurs caves pour se précipiter sur cette petite galette à la fois surexcitée et dépressive. En choisissant Gura, ils ne pourront pas se gourer.

Pays: BE
Consouling Sounds
Sortie: 2018/01/26

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