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Alan Parsons à l’AB: d’Edgar Allan Poe à l’Apprenti Sorcier

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Les fans de rock symphonique/progressif en rêvaient depuis longtemps… Après 15 ans de silence discographique, leur rêve est devenu réalité puisque le légendaire ingénieur du son-auteur-compositeur-interprète Alan Parsons sort un nouvel album intitulé «The Secret». Mieux encore, pour assurer la promotion de ce nouvel opus, le maître s’est lancé dans une gigantesque tournée mondiale qui est passée par l’AB ce 2 mai 2019 pour un concert à guichet fermé.

Après avoir eu l’occasion de voir The Alan Parsons Project aux Nights of the Proms d’Anvers (le 25 octobre 1990) et par la suite Alan Parsons lors de sa toute première tournée mondiale (à Anvers le 17 mai 1994), j’avais malheureusement raté le passage du maître au Spiroudome en 2008 et j’étais donc particulièrement impatient et excité à l’idée de réentendre tous ces tubes qui ont bercé mon adolescence et tant contribué à forger mes goûts musicaux.

La première chose qui me frappe en entrant dans l’AB, c’est l’absence de merch. Je m’étais dit que j’achèterais le nouvel album sur place pour en avoir une copie physique, mais aucun stage de merch, rien, niets, niente, nada. Autre surprise, plutôt bonne celle-là, aucune première partie n’est prévue. Nous aurons donc droit à un concert 100% parsonsien composé d’une vingtaine de titres sélectionnés dans une abondante discographie à forte teneur en morceaux de légende.

La scène est sobre. Peu de décorum. Juste les instruments, les micros et des lights assez simples. Quand la lumière s’éteint dans la salle, le public venu nombreux est prêt pour un moment de partage musical hors du commun.

Le dernier point d’interrogation était de savoir quels seraient les musiciens et chanteurs présents sur scène, puisqu’Alan Parsons ne chante que très peu lui-même et préfère s’entourer d’artistes triés sur le volet. Nous voyons donc entrer en scène le lead guitariste/chanteur Jeff Kollman (célèbre guitariste américain ayant accompagné notamment Phil Mogg du groupe UFO, Glen Hughes et Joe Lynn Turner), le guitariste rythmique/chanteur Dan Tracey (qui a travaillé notamment avec Brian Howe et Bad Company), le chanteur/saxophoniste Todd Cooper (qui a travaillé notamment avec David Foster et Jack Ingram), l’immense claviériste Tom Brooks (qui compte à son actif 6 disques de platine et 18 disques d’or), le bassiste Guy Erez (également compositeur de musiques de séries comme Grey’s Anatomy ou de films comme The Avengers: Earth’s Mightiest Heroes), le batteur Danny Thompson et le chanteur P.J. Olsson (qui interprète le morceau «Beyond The Years Of Glory» sur le nouvel opus), sans oublier il maestro, celui que l’on ne présente plus, je veux bien sûr parler d’Alan Parsons himself.

Le concert commence par «One Note Symphony» (2019) et son chant à la voix robotique. Pour l’anecdote, il semblerait que la note dominante du morceau corresponde à celle créée par la rotation de la terre. On entame ensuite un voyage dans le passé avec «Damned If I Do» (extrait de «Eve» sorti en 1979) pour continuer avec un des plus grands succès commerciaux du maître : «Don’t Answer Me» (de l’album «Ammonia Avenue» sorti en 1984). Le public adhère totalement. Il est de ces mélodies qui vous font littéralement revivre toute une tranche de vie…

Le morceau suivant est une ballade que je n’imaginais pas revoir sur scène. Vive émotion donc dès les premières notes de «Time» (extrait de l’album «The Turn of a Friendly Card» de 1980). Après un morceau aussi planant, il fallait trouver un moyen de nous ramener sur terre, ce qui sera chose faite avec le medley «Breakdown/The Raven» (extraits respectivement des albums «I Robot» de 1977 et «Tales of Mystery and Imagination» de 1976). On reste ensuite sur l’album «I Robot» avec un autre morceau au rythme bien balancé: «I Wouldn’t Want to Be Like You».

Une des surprises du nouvel album était la collaboration inattendue avec Jason Mraz sur le morceau «Miracle». Ce dernier n’étant pas présent sur la tournée, c’est P.J. Olsson qui assure le chant en faisant largement honneur à ce titre. Dès les premières notes qui suivent ce morceau, tous reconnaissent instantanément un autre tube avec l’excellent et cultissime «Psychobabble» (extrait du gigantesque album «Eye In The Sky» de 1982). Le public est transporté sur un autre plan d’existence, dans un monde où souvenirs personnels et musique ne font plus qu’un.

Le morceau suivant, «Luciferama», est un medley instrumental énergique entre «Lucifer» (1979) et «Mammagamma» (1982). Ici encore, les fans sont ravis de réentendre ces mélodies qui ont été tellement utilisées comme fond sonore en radio et TV. Après ce passage revigorant, un autre morceau inattendu mais que je suis si heureux de retrouver, le superbe «Don’t Let It Show» (1977), qui m’a toujours donné la chair de poule tant je le trouve chargé d’émotion. Le morceau suivant est très émouvant lui aussi à plusieurs égards. D’abord, c’est mon morceau préféré de l’album «Stereotomy» et j’avais eu l’occasion de le voir en live à Anvers en 1990. Ensuite, c’est quand même un morceau interprété dans sa version originale par Gary Brooker (Procol Harum), la voix de «A Whiter Shade of Pale». Petit moment amusant aussi lorsqu’Alan Parsons, après avoir demandé en anglais au public d’allumer les portables et briquets pour accompagner le morceau, se lance dans une tirade dans un français hésitant mais très compréhensible, pour encourager le public à illuminer ce morceau. Moment d’émotion enfin car il dédie ce titre à la mémoire de son comparse malheureusement décédé Eric Woolfson. Bref, un paquet de raisons pour savourer pleinement ce petit chef-d’oeuvre mélodique qu’est «Limelight», chanté ici par Todd Cooper.

Retour à du plus rythmé avec «Can’t Take It With You» (extrait de l’album «Pyramid» de 1978). Après ce long périple dans la discographie du maître, il est temps de revenir à un titre du nouvel album avec «As Lights Fall», un morceau chanté par Alan Parsons, ce qui est assez rare pour être souligné. Certains choix sont parfois incompréhensibles pour le public. En entendant les premières notes de «Standing on Higher Ground» (extrait de l’album «Gaudi» de 1987), j’ai aussitôt craint un choix malheureux. De fait, rien d’exceptionnel au premier abord jusqu’à ce que j’entende, dans la 2e partie du morceau, l’incroyable brin de voix du guitariste rythmique Dan Tracey qui a réussi l’exploit de transformer la seconde partie de ce titre en un des moments forts de la soirée.

On se dirige tout doucement vers la fin du set avec le superbe «I Can’t Get There From Here», extrait de la bande originale du film «5-25-77» interprété sur l’album par Jared Mahone et sur scène par Jordan Huffman, invité spécial qui n’est autre que le futur beau-fils du maître. Après cette jolie ballade mid-tempo, retour à un tube monstrueux avec «Prime Time» (1984) dans une version que j’ai trouvée encore plus aboutie que celle de l’album, ce qui n’est pas commun non plus. Comment mieux clôturer cette programmation sinon par les deux morceaux enchaînés de ce qui restera sans doute l’album le plus vendu de l’artiste, je veux parler bien sûr de l’album «Eye In The Sky» et du doublé «Sirius/Eye in the Sky».

Les protagonistes quittent finalement la scène sous les applaudissements du public qui, enivré de souvenirs, en redemande à qui mieux-mieux. Les artistes reviennent pour des rappels d’anthologie avec la quintessence de la ballade parsonsienne, le slow interplanétaire chanté originellement par Colin Blunstone (ex-Zombies), je veux bien sûr parler du sublissime «Old and Wise». Comment ne pas frissonner d’émotion quand le public de l’AB entonne d’une seule voir le refrain de ce morceau culte, magnifiquement interprété ici par P.J. Olsson qui parvient à se rapprocher vraiment très fort de la version originale. Pour continuer, un dernier flashback vers l’album des débuts («Tales of Mystery and Imagination» de 1976) avec le morceau «(The System of) Dr. Tarr and Professor Fether» et le concert finit en beauté avec un autre de ces morceaux devenus classiques, au son très pop-rock américain: «Games People Play».

C’est sous les acclamations du public que la formation regagnera les coulisses. Dans les yeux des personnes qui m’entourent dans la salle, je peux lire la joie d’avoir renoué avec des souvenirs enfouis que cette musique captivante et intemporelle a su faire remonter à la surface. Bien sûr le maître se déplace un peu plus difficilement que dans le passé, mais il tient encore facilement 2 heures sur scène pour nous faire faire le plus beau des voyages grâce à la magie de sa machine musicale à remonter le temps…

Accréditations: Sjuul Kok (PIAS) & Lisa Marie Parsons (www.alanparsons.com)

Les photos d’Alan Parsons à l’AB sont visibles dans notre galerie
Texte: Anne-Françoise Hustin et Hugues Timmermans
Photos © 2019 Hugues Timmermans

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