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On ne s’évade pas de l’Alcatraz Metal Festival 2010

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Pour la seconde année consécutive, j’emmène mon fidèle Bernie faire une ballade spatio-temporelle au cœur des eighties. Destination : le Alcatraz Metal Festival de Deinze. Enfin, quand je dis que ‘je’ l’emmène, c’est plutôt l’inverse puisque c’est son vaisseau spatial que nous utilisons. Avant le départ, les recommandations de mon épouse à mon pilote punk sont claires : ‘Respecter les limites de vitesse’ et ‘Ne pas boire’ ! Sinon, ‘c’est la dernière fois que nous y allons ensemble !’ Je sais, à voir le poil qui se hérisse sur ses bras velus, que cela énerve mon compagnon d’infortune d’écraser la pédale de frein plus souvent que le champignon. Mais il ne vaut mieux pas contredire ma moitié. Bernie le sait. Il fulmine, mais il respecte la première partie du contrat. Pour la seconde, nous verrons sur place.

Passer des 200 km/h habituels de mon pilote/photographe aux 120 réglementaires, c’est sécurisant, mais cela nous allonge fortement le temps de parcours. Avant même de pénétrer dans l’enceinte du Brielpoort, nous reconnaissons le timbre unique de la voix de John Gallagher. Raven est déjà sur scène. Nous avons raté les prestations de Powerstroke et de Lizzy Borden. La déception d’avoir manqué de peu le groupe américain fait vite place à la joie de revoir les frères Gallagher, côtes à côtes, sur une scène belge. Mark (guitare), semble être totalement remis de l’accident qui, il y a quelques années, avait failli lui coûter la vie. Il est à fond dans son trip grimaces/soli de guitares. Bien sûr, il a pris un peu de poids. Il est désormais impossible de qualifier la musique de Raven d’athletic rock, comme on le faisait dans les eighties. Cependant, le combo de Newcastle s’en tire avec les honneurs et les classiques “Rock Until You Drop”, “Mind Over Metal” et “Break The Chain” font toujours aussi plaisir à entendre. En final, un petit medley rend hommage aux légendes du rock/métal britannique que sont Humble Pie, Black Sabbath et Judas Priest. La prestation de Raven se termine, comme il se doit, par un cassage de guitare en règle.


Sur la petite scène, quatre thrashers en bas âge originaires d’Alost s’en donnent à cœur joie. Evil Shepherd joue du thrash, à l’ancienne, inspiré de Dark Angel, Slayer et Exodus. Sa prestation est sympathique, même si elle manque encore un peu d’assurance.

Retour dans la cour des grands où un autre héros de notre jeunesse s’apprête à faire un comeback très attendu. Hank Shermann, l’ex-guitariste virtuose de Mercyful Fate a choisi la scène de l’Alcatraz pour présenter Demonica, le nouveau groupe dans lequel il partage la vedette avec deux ex-Forbidden : Graig Locicero et Mark Hernandez. Dès son entrée en scène, Demonica joue de malchance. Le CD sur lequel est gravée l’intro du concert est griffé. Il saute et l’effet est plutôt ridicule. Shermann, un bonnet vissé sur la tête distille un thrash métal à l’américaine, parfois alourdi de passages plus lents, à la limite du doom. Le tout est aéré de mélodies qui évoquent, par moment, la carrière de ce six-cordiste d’exception dont le jeu influença, entre autres Kirk Hammet et James Hetfield. Au niveau scénique, Shermann est un peu effacé et reste à l’écart de ses collègues. Lui qui, jadis, était le plus jeune membre de Mercyful Fate fait aujourd’hui figure de patriarche de la bande. Malheureusement pour nous, les mauvais esprits se sont emparés de la scène. Le show de Demonica est ponctué d’incidents techniques divers et variés, dont une panne de guitare qui oblige Shermann à se retirer un long moment pour régler ses problèmes. Ses jeunes compagnons en profitent pour démontrer leur art impressionnant de l’improvisation. Tout rentre finalement dans l’ordre et le show se termine en beauté.


Petit détour par le bar avant d’aller assister au concert des prog métalleux néerlandais de Cirrha Niva. Si la présence d’un combo progressif à la ‘fête du métal’ nous avait un peu inquiétés, la prestation énergique des Bataves a tôt fait de nous rassurer. Le chanteur du groupe, un rouquin filiforme, est surexcité. Ses grimaces d’un autre monde en font l’attraction principale du groupe. Les musiciens, quant à eux, distillent un métal progressif technique et énervé. Le très jeune batteur, casque collé aux oreilles s’applique à délivrer une rythmique implacable. Il est aidé en cela par un bassiste dont l’instrument, fretless, a autant de cordes qu’une guitare. La technique des deux guitaristes est irréprochable. Le moment fort du spectacle survient quand le chanteur invite sur scène son petit frère, cheveux courts, mollets tatoués et manifestement branché hardcore pour un duo, surprenant mais efficace, où la complicité fraternelle fait chaud au cœur. Les Hollandais terminent leur prestation en beauté par une reprise du “Trooper” d’Iron Maiden. L’une des bonnes surprises du festival.

Décidément, les héros de la grande scène sont maudits. Et cette fois, c’est Ronnie Atkins, le chanteur historique des Pretty Maids qui en fait les frais. Son micro n’est pas branché et il rate son entrée. L’incident semble énerver le danois qui en perd le sourire. Malgré les problèmes techniques récurrents qui empoisonnent la grande scène en cette fin d’après-midi, Pretty Maids parvient à véhiculer le métal mélodique de très grande classe dont il a le secret. Si le groupe puise souvent dans sa discographie la plus récente, ce sont les titres classiques extraits des albums “Red, Hot and Heavy” (1984) et “Future World” (1987) qui remportent tous les suffrages. Ken Hammer, l’autre vétéran du groupe prodigue, avec un sourire qui fait plaisir à voir, ses riffs heavy doublés de soli mélodiques intenses et classieux. Le final en apothéose, verra le groupe offrir à l’Alcatraz conquis, les titres éponymes de ses deux meilleurs albums : “Future World” et “Red Hot and Heavy”. Magique. Enfin pour moi, parce qu’à mes côtés, mon ami punk tire sa tête des mauvais jours. Heureusement pour votre serviteur, Gus, ami fidèle depuis quelques décennies, nous a rejoints et nous pouvons profiter ensemble de cette musique qui a égayé notre jeunesse tout en nous amusant de la face blême de notre ami keupon qui, visiblement s’ennuie ferme au son du métal mélodique. Je sais. Vous me trouvez dur avec Bernie qui, après tout, fait partie comme nous de la race des Rockers. Comme vous, je prendrais l’affreux en pitié s’il ne s’évertuait pas à nous manquer de respect, à nous qui l’avons accueilli comme l’un des nôtres. Non content d’en avoir choqué plus d’un en arborant fièrement un t-shirt des Sex Pistols au Power Prog & Metal Fest de Mons, voici que notre gaillard se moque de l’un des piliers de notre bonne vieille culture rock’n’roll en portant un t-shirt de Jimi Hendrix (probablement une contrefaçon asiatique achetée à bas prix dans l’un des bouges qu’il fréquente lorsque nous ne sommes pas là) sur lequel on peut lire l’inscription erronée : ‘Bob Marley’. Une honte ! Pire, un blasphème.


Changement d’ambiance avec Gunslinger. Ce trio abrite en son sein un certain Alan Davey qui, de 1984 à 2007 (avec une interruption entre 1996 et 2000), fut le bassiste du groupe space rock culte anglais Hawkwind. Alan, accompagné de son neveu Louis Davey à la guitare et d’une jeune (vingt ans à peine) et très jolie batteuse, éructe à la manière de Lemmy sur un métal/rock’n’roll très inspiré de Motörhead. Cat, c’est le prénom de la jolie donzelle qui tient les baguettes, arrive à garder le sourire en cognant plus dur que la plupart de ses collègues masculins. On en redemande.

Le côté obscur de la force envahit la scène de l’Alcatraz avec l’arrivée de Moonspell. Les Portugais jouent dans l’ombre, au désespoir de notre ami photographe qui, même aidé de son flash le plus puissant, a beaucoup de mal à prendre un cliché utilisable. Au fond de la scène, l’écran géant diffuse son lot d’images mystiques et ésotériques. Le décor est planté. Fernando Ribeiro et ses ‘men in black’ peuvent déverser leur métal haineux, qui, au fil des années, se fait de moins en moins gothique et de plus en plus extrême. Si le côté affreux et méchant nouvellement retrouvé de la formation nous plaît énormément, nous remarquons tout de même que ce sont les titres extraits des albums “Wolfheart” et “Irreligious” comme “Alma Mater”, “Opium” et “Awaken” qui nous interpellent le plus.


Les Anglais d’Evile sont l’un des nombreux groupes qui font revivre le thrash métal au pays du ‘Fish’n’Chips’. Leur prestation furieuse et carrée, en tête d’affiche de la petite scène de l’Alcatraz, ainsi que le succès rencontré auprès des audiences, qu’elles soient jeunes ou quarantenaires, prouvent que ce ‘revival’ a vraiment sa raison d’être. Comme disait très justement mon fidèle ami Gus : ‘Ils ne l’ont pas inventé, mais ils le font vachement bien’.

Pour une grande partie du public, Epica était la véritable tête d’affiche du festival. Comment ne pas succomber au métal symphonique ‘Larger Than Life’ proposé par Mark (guitares et vocaux) et Coen Jansen (claviers) et leur clique ? Comment rester de marbre devant Simone Simmons, l’une des plus belles voix (et l’un des plus beaux physiques) du métal actuel ? Même la bête qui sommeille en notre ami Bernie est sous le charme. Lui, qui jusque-là n’était pas resté plus d’un quart d’heure devant chaque groupe avant de rejoindre ses collègues capteurs d’images au bar de la presse, reste cloué de stupeur devant la belle rouquine. Mais revenons à Epica. Le show présenté ce soir est grandiose. “Design Your Universe”, le dernier album en date, y est mis à l’honneur dès le début des hostilités. L’enchaînement “Samadhi”/“Resign To Surrender” est suivi de près du superbe “Sensorium”, extrait de la première galette “The Phantom Agony” (2003). Simone, cheveux au vent (comme Biff, de Saxon, dans les eighties) et superbe dans sa petite robe courte, est impériale lorsqu’il s’agit de donner la réplique aux grunts de Mark Janssen. Les nouveaux, Isaac Delahaye (guitare) et Ariën Van Weesenbeek (batterie), tous deux ex-God Dethroned, apportent une touche violente et salutaire au métal symphonique d’Epica. Personne ici ne semble s’en plaindre. “Fools Of Damnation”, extrait du “Divine Conspiracy” de 2007 est enchaîné aux magnifiques “Unleashed” et “Martyr Of The Free World” du dernier opus en date. “Obsessive Devotion” marque le retour à l’album “Divine Conspiracy” tandis que “Quietus” remonte de deux années supplémentaires dans la discographie du groupe. Epica garde cependant le meilleur pour la fin et offre, en apothéose finale, le triptyque “Cry For The Moon”, “Sancta Terra”, “Consign To Oblivion” qui laisse le Brielpoort sans voix. Epica est venu, Epica a vaincu !


La fatigue et les souvenirs humides de la jolie Simone nous empêchent un peu de profiter pleinement de la prestation, pourtant énergique, des thrasheurs allemands ancestraux de Kreator. Ses photos terminées, Bernie jette l’éponge et retourne au bar. Pour Gus et votre serviteur, Kreator en concert, c’est une vieille histoire. En 1985, à l’époque de l’album “Endless Pain”, nous avions fait le déplacement en train pour les voir jouer en compagnie de Sodom. 25 ans plus tard, il ne reste plus rien des adolescents boutonneux qui nous avaient secoués. Mille Petrozza est devenu une ‘gueule’. L’une des icônes du thrash allemand. Ses nouveaux compères, contrairement aux anciens, sont des musiciens avertis qui connaissent leur affaire. Le show est bouillonnant et violent. Un peut trop, peut-être, pour une fin de soirée. Il est l’heure pour les quarantenaires que nous sommes d’échanger nos derniers jetons contre des boissons. Le vaisseau de Bernie nous attend pour le douloureux retour à la réalité. Le rendez-vous est pris, pour l’année prochaine. Moi, face à la scène, Bernie au bar de la presse. J’en frémis d’impatience.

Les autres photos de

Raven
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Evil Shepherd
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Demonica


Cirrha Niva
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Pretty Maids
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Gunslinger


Moonspell
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Evile
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Epica
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Kreator

Photos © 2010 Bernard Hulet

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