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Hommage à David Bowie

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Il semble qu’une mode morbide commence à s’installer chez les rock stars : le décès deux jours après leur anniversaire et la défaite devant un cancer rapide. C’est ce qui est arrivé à Lemmy voici quelques jours; maintenant, c’est au tour de Ziggy Stardust, plus connu sous le nom de David Bowie, de rejoindre les cieux. Ses collègues Mick Ronson et Trevor Bolder vont pouvoir songer à reformer les Spiders From Mars au paradis. Si Lemmy Kilmister de Motörhead était un monument du hard rock, David Bowie est le monument de tout le reste du rock. Ce n’est pas un duc qui disparait ici, ni un prince ni un roi, mais un empereur. Il faut malheureusement conditionner son esprit au fait suivant : dans les cinq années qui viennent, toute la fine fleur des rockers sexagénaires et aspirants septuagénaires va prendre l’ascenseur cosmique pour aller retrouver Jimi Hendrix, Jim Morrison et tous les autres qui commençaient à trouver le temps long sans leurs camarades n’ayant pas eu l’idée de faire le grand saut à 27 ans.

David Bowie : il serait vain de résumer sa carrière et son œuvre en quelques lignes. L’homme avait eu beau se faire un peu plus discret ces derniers temps, il avait quand même marqué les esprits avec son retour discographique, illustré par les albums The next day (2013) et le tout récent “Blackstar”, sorti le jour du 69e anniversaire du Thin White Duke, le 8 janvier dernier. Cet album au titre prémonitoire est véritablement le testament musical de Bowie. Il sort, porté par le dernier souffle du maître et on sera condamné à écouter ce disque avec le ruban noir flanqué sur le veston ou le perfecto.

Ici, ce n’est pas uniquement un homme qui s’envole vers le monde des souvenirs, c’est tout un groupe de personnages : le frêle blondinet des Sixties ânonnant du R ‘n’ B dans les Lower Third ou les Manish Boys, l’étrange androgyne de “Hunky dory” (1971), Ziggy Stardust et sa flamboyance glam des années 1972-74, le dandy gothique de 1976-79 (“Station to station”, “Low”, “Heroes”, Lodger”), le séducteur à costards amples des Eighties qui chantait de la pop mielleuse en duo avec Mick Jagger ou Tina Turner, Le rocker nerveux de Tin Machine (1987-89), le quinquagénaire électro des années 90 et des intéressants albums “Outside”, “Earthling” ou “Hours” et finalement ce quasi-retraité qui infligeait encore au monde des leçons de beauté musicale sur ses derniers disques. Bowie était un perpétuel caméléon, toujours changeant, toujours renouvelé et surtout capable d’anticiper les grandes évolutions du rock pour se placer en icône parfaite de ses mouvements successifs.

J’ai vu mon père se momifier peu à peu au fur et à mesure qu’il apprenait la mort de ses jazzmen préférés, ceux des années 40 et 50. Il va falloir s’attendre à subir le même sort quand on aime le rock des années 60 et 70. Les héros se retirent, ils laissent leur héritage fragile à un monde en proie à de perpétuels changements. Et leurs fans vont devoir apprendre à vivre sans eux, à vieillir dans une nostalgie faite de vieux magazines et de disques qui craquent. Les plus zélés d’entre nous ont le bon goût de ne pas finir dans le gâtisme passéiste en embrayant sur la nouvelle génération et en suivant les nouveaux groupes qui sortent. Mais cette nouvelle ère est bien peu reluisante comparée à l’âge d’or. Le rock, ce sera comme le jazz et les fans de rock finiront comme mon père, dans les vieux disques et les papiers jaunis.

Il ne faut cependant pas se laisser aller au désespoir. Il reste la musique, le souvenir de nos héros jeunes et vivaces. Après tout, ceux qui aiment Mozart ou Beethoven de nos jours ne les ont pas connus de leur vivant. Et ils s’éclatent, ces vieux bougres! On fera pareil, on se marrera jusqu’au bout avec nos héros de jeunesse.

Adieu David, tu nous as offert de merveilleux moments, tu n’as pas failli à ta mission et tu resteras jeune et vivant pour toujours dans nos cœurs. Dépêchons-nous d’aller voir sur scène les Bob Dylan, les Ozzy Osbourne, les Iggy Pop, les Pretty Things et les Neil Young. Le grand cirque du rock ‘n’ roll ne va pas tarder à fermer ses portes et il faut vite profiter des derniers numéros de clowns avant que les lumières ne s’éteignent.

Un dernier message à la Faucheuse : tu ne pourrais pas prendre un petit peu de repos et arrêter de nous enlever une idole rock par semaine? Ça commence à devenir irritant.

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