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Le chapitre final d’une Saga de 40 ans

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À mon arrivée à Verviers sur le coup des 20 heures en ce vendredi 21 avril, il règne une joyeuse effervescence sur la Place du Martyr. Les fêtards sont nombreux à venir s’y détendre dans les différents débits de boisson qui jouxtent la place. Ma destination du jour est un véritable temple de la musique: le Spirit of 66. Au programme de la soirée, le groupe avec lequel toute mon aventure musicale a commencé. En tournée pour fêter leur 40 ans de carrière, les Canadiens du groupe de rock progressif/néoprog Saga ont eu l’excellente idée de commencer leur mini-tournée par la Belgique. Autant vous dire que j’ai le palpitant qui a la danse de Saint-Guy à l’idée de revoir ce groupe si cher à mon cœur que j’avais eu l’occasion de voir pour la première fois en 1984 à Forest National. Voilà qui ne nous rajeunit pas…

Le Spirit est déjà assez rempli mais je parviens à me frayer un chemin jusqu’à l’avant-scène gauche, mon poste habituel pour mitrailler les artistes en tous genres. Une fois ma place réservée, je fais un petit tour vers le merch et je me rends compte qu’il n’y a apparemment pas d’autre artiste au programme, chose plutôt rare. Mais tant mieux, cela nous permettra d’écouter Saga plus longtemps… Quelques battements de cœur après 20h30, les lumières s’éteignent et la fête commence. Car c’est une véritable fête à laquelle les Canadiens convient leurs fans pour fêter leurs 40 années d’existence de la formation ontarienne fondée par Michael Sadler et Jim Crichton en 1977 (initialement sous le nom Pockets). 23 albums studios et 7 albums live plus tard, le groupe est toujours présent.

Autour de ses deux membres fondateurs précités, on retrouve Ian Crichton à la guitare, Jim Gilmour aux claviers (mais aussi à la voix et à la clarinette) ainsi que le nouveau venu Mike Thorne aux fûts et backing vocals.

Même si le temps a passé, c’est un bonheur inouï de les retrouver sur une scène intimiste comme celle du Spirit. Si la proximité physique avec les artistes est grandes, la bande à Michael Sadler est aussi en étroite symbiose avec son public qui le lui rend bien. Le coup d’envoi de la soirée est donné avec «Take a Chance» (de l’album «Behaviour», 1985) suivi du géantissime «Will It Be You? (Chapter 4)» extrait du tout premier album du groupe («Saga», 1978). Michael Sadler n’a rien perdu de sa voix qui est toujours aussi claire et puissante. Les musiciens n’ont rien perdu de leur savoir-faire, comme si le temps n’avait eu que peu d’emprise sur eux, à l’exception peut-être de Jim Crichton qui semble avoir pris un petit coup de vieux physiquement.

Chacun des titres est un véritable hymne entonné avec entrain par les fans présents dans la salle. Les têtes s’agitent dans tous les sens, les bras battent la mesure. Le public est déjà en transes.


Les méga-tubes du groupe vont s’enchaîner au cours de la soirée, à commencer par le fabuleux
«On The Loose»
(extrait de l’album «Worlds Apart» de 1981), suivi de «Give ‘Em the Money» (1978). Au cours de sa carrière, Saga a tenté quelques expériences plus risquées, en sortant quelques albums conceptuels caractérisés par une musique plus expérimentale. À la sortie de l’album «Generation 13» en 1995, j’avais eu plus de mal à adhérer au projet et il m’avait fallu un certain temps avant d’entrer vraiment dans cette musique et d’apprendre à en savourer les accents. Le groupe ne renie rien puisqu’il joue ensuite «Generation 13 (Theme #1)» et «The Learning Tree», tous deux extraits de cet album. Force est de reconnaître que le temps n’a pas du tout altéré le caractère innovant de ces compositions (mais cette remarque vaut en réalité pour l’ensemble de l’œuvre de la formation ontarienne).

Le morceau suivant nous fait remonter le temps jusqu’en 1980 et le cultissime album «Silent Knight» dont chaque morceau est devenu un classique du groupe. Pour ce soir, le choix s’est porté sur le très rythmique «Help Me Out» qui, tel une Madeleine de Proust, me propulse dans le passé retrouver ce monde musical dans lequel j’aimais tant à me réfugier pendant mon adolescence. Ces claviers exceptionnels sous-tendus par des guitares hyper efficaces et des rythmes de batterie venus d’une autre planète…

Saga n’a guère de morceaux vraiment lents mais certains titres ont une puissance d’évocation hors du commun et sont porteurs d’une certaine nostalgie. Quand le public reprend en cœur le refrain, chair de poule garantie.
«Time’s Up»
(1981) est sans doute un des meilleurs exemples de morceaux qui réunissent tous ces ingrédients. Un pur moment d’émotion!


Nous faisons ensuite un bon dans le temps qui nous amène à l’album «Network» de 2004 avec l’excellent «Keep It Reel». Retour ensuite sur une autre pépite du fabuleux album «Silent Knight» avec un autre grand classique: «What’s It Gonna Be?» Le public vibre sur les accords magiques de ce morceau. Le public autour de moi est à fond dans le concert. Sur scène, les artistes ont l’air d’apprécier l’accueil du public belge. La communion entre le groupe et ses fans est intense.

«Book of Lies» est le morceau le plus récent de la programmation musicale de la soirée puisqu’il est extrait de l’album «10,000 Days» de 2007. Un grand morceau que l’on n’attendait peut-être pas dans la setlist de ce soir, mais qui y mérite certainement une place. L’ennui, c’est qu’avec autant de titres à son actif, le groupe canadien a dû faire des choix cornéliens, sans quoi il aurait franchement pu donner un concert de 4 heures!

L’album «Silent Knight» est décidément à l’honneur puisque le morceau suivant est extrait lui aussi de l’opus de 1980. Dès les premières notes, le public reconnaît instantanément le cultissime
«Careful Where You Step»
, autre incontournable de la soirée. Je ne suis plus très loin du nirvana musical absolu…

Un concert de Saga ne se conçoit pas sans son solo de batterie et force est de reconnaître que Mike Thorne est loin d’être manchot. Il nous donne une démonstration qui nous console quand même un peu de n’avoir pas eu droit de retrouver sur scène Steve Negus derrière les fûts. Après cet intermède instrumental, on reste en 1980 avec un autre classique énormissime:
«Someone Should»
suivi d’un des tout premiers grands standards du groupe extrait de l’album «Saga» de 1978:
«Humble Stance»
. On atteint ici un autre des plus grands moments de la soirée. Cette fois c’est certain: je suis mort, au paradis et les anges me jouent du Saga dans une éternité de félicité…


Mon premier concert de Saga était à Bruxelles sur la tournée «Heads Or Tales». Sur l’album de 1983 qui donnait son nom à la tournée figurait un morceau un peu à part, chanté par Jim Gilmour et intitulé «Scratching the Surface». Après ce grand classique, deux autres classiques géantissimes nous amènent au point culminant de la soirée:
«You’re Not Alone»
(de l’album «Images At Twilight», 1979) et mon morceau préféré du groupe, reconnaissable dès les premières notes jouées par le batteur:
«Don’t Be Late (Chapter 2)»
(de l’album «Silent Knight» de 1980).

Comment décrire l’indescriptible, quand les souvenirs se mêlent à cet état indéfinissable dans lequel vous plongent les compositions qui fleurtent avec le génie, ces moments où vous avez l’impression d’entrer en contact avec un autre plan d’existence. Des moments où l’on côtoie le sublime, où l’on mesure à quel point l’art peut transcender la réalité. Mais je m’arrête de philosopher car on va croire que j’ai touché à des substances comme celles qui inspiraient les artistes psychédéliques…


La salle réclame bien sûr le retour de ses héros qui ne se font pas prier et remettent le couvert avec deux titres censés clôturer en beauté. C’est compter sans l’enthousiasme féroce du public belge qui convaincra le groupe de revenir pour un ultime morceau. Mais n’anticipons pas trop. Michael et les autres reviennent donc sur scène, non sans remercier abondamment les fans belges d’être encore et toujours au rendez-vous après toutes ces années. Et pour sceller ce beau pacte d’amitié entre le groupe et son public, les Canadiens poursuivent avec
«The Flyer»
, le second extrait de la soirée de l’album «Heads Or Tales». Comment finir la soirée sinon en feu d’artifice avec un des plus grands classiques du combo canadien, je veux bien sûr parler du cultissime
«Wind Him Up»
de l’album «Worlds Apart». Quand les dernières notes s’achèvent de résonner sur la scène du Spirit, le groupe sort de scène mais le public n’est pas encore entièrement rassasié et rappelle les artistes sur scène qui viennent une ultime fois se donner à leurs fans avec
«Mouse in a Maze»
. Quand les lumières se rallument au bout d’un concert de 21 titres (excusez-du peu), je commence déjà à ressentir les premiers symptômes de manque et me sens envahi d’effroi quand je réalise finalement que la tournée est sous-titrée «The Final Chapter». Raison de plus pour me précipiter vers le merch où les artistes ne sont pas présents à l’exception du batteur qui accepte très gentiment d’aller faire signer mon T-shirt de la tournée de 1984 par tous les membres du groupe. Voilà un souvenir qui trônera désormais en bonne place au milieu de mes souvenirs liés à la musique.

Avec la prestation de ce soir à Verviers, c’est une page de mon histoire personnelle, mais aussi de l’histoire de la Musique qui se tourne. Pour ne pas finir sur une touche trop triste, je tiens à rappeler que le groupe se produira une toute dernière fois à la Boerderij de Zoetermeer fin octobre 2017. Ne manquez pas cette ultime représentation d’un groupe fondateur de l’histoire de la musique des 40 dernières années.

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