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PRETTY THINGS : des loosers de génie !

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En marge du concert prévu à l’AB le 24 juin comme support act de Byll Wyman, il me semblait intéressant de rappeler l’importance des Pretty Things précurseurs à plus d’un titre des branches rock and roll punk et garage avant la lettre. C’est une constante dans leur histoire d’avoir connu une carrière parallèle aux plus grands qu’ils ont dû mener sans qu’ils pussent jamais décoller vraiment (médiatiquement et commercialement parlant). Sous des airs de loosers, ils sont restés fidèles à certains principes de « no compromise » et de sincérité musicale et ont traversé le temps beaucoup plus purement mais aussi beaucoup plus durement que les autres.

Prenez Dick Taylor par exemple… Voilà un garçon qui a tenu la basse chez les Stones avant Bill Wyman (quelles retrouvailles à l’AB cette année dites donc !). Quand on le voit aujourd’hui on est plutôt étonnés. Look pré-retraite gentillette, quoi !. Et je dis cela avec une tonne de respect parce que ce bonhomme enfoncerait du manche n’importe quel supposé virtuose d’aujourd’hui, Page et Clapton compris. Mais là, férocement, il faut reconnaître que le temps a fait des ravages, encore que le brave homme nous ressemble vu qu’on a tous pris « l’air du temps »…

Donc Dick Taylor, ex-Pierre-Qui-Rrrrrroule jusqu’au 13 janvier 1963, (enfin pour être fidèle à l’histoire de l’époque c’était les bébés stones : Little Boy Blue and the Blue Boys), graphiste de son état, découvre Bo Diddley tout jeune et lui voue un culte tel qu’il tirera le nom -Pretty Things- d’une de ses chansons (les Stones c’était Muddy Waters (Catfish Blues) si j’ai bonne mémoire). Il faut savoir que Dick Taylor quitte les Stones qui se sont enfin constitués dans la formation définitive parce qu’il veut absolument terminer ses études. Cet appui sur les principes lui vaudra forcément quelques errances dans la jungle du show-business naissant. DT considère que la musique est faite pour le fun et pas pour la galerie.

Fin 1963 , les PRETTY THINGS commencent néanmoins à se produire en public avec une sauvagerie restée dans les annales. C’est Fontana qui publiera leur premier single « Rosalyn » (juin 64) puis leurs premiers hits « Don’t bring me down » (64) et Honey I need (65). Le refus du compromis dont je parlais tantôt reste d’actualité puisqu’ils refusent de reprendre des covers de Dylan et de passer au Ed Sullivan show (pas question de traverser l’atlantique. A l’époque, il fallait le faire !!!…).

Une constante animera toutes leur productions discographiques et scéniques : la référence inévitable à Bo Diddley et la scansion des rythmes sur ce modèle. On compte à ce jour pas moins de trente-deux albums (la moitié sont des compil’s ou des bootlegs) le dernier en date (comme on dit) étant « Rage Before Beauty » de 1999. Magnifique album avec quelques reprises (eh… oui les temps changent !) sublimes. Il faut ajouter que l’ensemble du catalogue vient de ressortir en digipack avec quelques inédits grandioses… dont une version stereo de l’originel SF Sorrow remasterisé(e).

Aujourd’hui, on peut dire que seuls Dick Taylor (lead g.) et Phil May (vocals) appartiennent à la formation de départ. Leur premier batteur néo-zélandais (Viv Prince) inspirera, dans sa folie débridée, Keith Moon puis sera remplacé en 1966 par Skip Alan, John Povey (claviers) et Wally Allen (basse) arrivent en 1967 seulement. Exit donc Stax (basse) et Pendleton (guitares).

Ce qu’on oublie souvent, c’est que les PRETTY THINGS sont les premiers à avoir réalisé un opéra-rock (12/68) « SF Sorrow » qui paraît juste avant « Tommy » des Who (04/69) et « Arthur » des Kinks (10/69). Je ne peux résister à l’envie de vous reproduire ce que disent DD et MA dans le « Dictionnaire du Rock ( Colection Bouquins/Laffont 2000) » à ce sujet : « cet opéra-rock à l’étrange beauté, qui se propose de raconter la vie d’un homme de sa naissance à sa mort, est un enchantement constant, une véritable féerie. Tout y est aérien, grâcieux et émouvant, empreint d’une mélancolie grave…/… il est à ranger parmi ces œuvres à part de la période psychédélique 66-68, entre pop, rock et baroque comme « Forever Changes » de LOVE, « Pet Sounds » des BEACH BOYS et « Odessey and Oracle » des ZOMBIES ». « Parachute » l’album de 1970 sera élu disque de l’année par la critique british (Rolling Stone). Il n’est jamais qu’une perle de plus dans la série des albums mythiques « Emotions », « SF Sorrow » et « Silk Torpedo », j’en oublie sans doute…

Sur scène, on note immédiatement le caractère spontané du regard de Phil MAY et son incroyable maîtrise vocale… Cette voix épargnée par le temps, divine, soul and beat n’a pas vieilli d’un iota. C’est un fabuleux chanteur, capable de couvrir le son du groupe sans forcer et cela c’est la marque des tout grands…IL alterne avec la même conviction les « hits » et les lignes beaucoup plus ambitieuses de quelques perles comme « Balloon Burning »ou « SF Sorrow ». C’est bien simple, il pourrait nous chanter le bottin de téléphone sans être emmerdant. Il sait y faire comme on dit.

L’ensemble des concerts calibrés façon « je vous le sers à point » ne faiblit pas même dans les assouplissement de tempo. Les chorus sont d’ailleurs un peu la marque de fabrique du groupe, plus élaborés en tout cas que les éternels rivaux Kinks ou Who (ouh ouh… funny non ?), tout au moins sur l’attaque micro mais May (mè mè drôle à mourir ces assonances…) reste le boss incontesté du vocal. C’est un curieux mélange de Van Morrisson pressé, Daltrey nasillard et Davies posé, même si au décompte final la voix du gaillard reste identifiable entre tou(te)s. Je trouve personnellement l’équilibre entre les basses et les aigües assez fin et subtil…

Le personnage de Dick Taylor vaut le détour à lui seul, passé le choc de l’apparence, ce guitariste qui a toujours l’air d’inventer un truc inconnu sur les cordes, donne l’impression de bosser nickel, comme s’il vous réparait la montre à gousset du grand-père en s’appliquant jusqu’à tirer la langue… On ne peut rien lui reprocher, pas une passe qu’il ne connaisse, pas un accord qu’il ne triture comme un vieux Chivas, l’œil à tout et l’oreille à 360° pour conduire le bal. RESPECT, IMMENSE RESPECT pour ce guitariste anti-héro et anti-star comme ce n’est pas permis. Faut dire qu’il a toujours montré un goût immodéré pour les expériences de tous styles (passion pour l’underground, collaboration avec Hawkwind e.a.)

Albums recommandés : S.F. Sorrow (Edsel, 1968) et la compil “Unrepentant” – The Anthology 1964-1995 (2CD, Fragile/Vital).

DD

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