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Les envoûtants Sigur Rós éclaboussent Forest de leur classe

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Soirée 100% islandaise en ce dimanche 16 novembre. L’illusion est parfaite. Le temps frisquet qui règne sur Bruxelles tout autant que le prix scandaleusement élevé de la bière dans l’antre (et autour) de Forest National. Cela dit, on était avant tout là pour assister en tant que témoins privilégiés au succès retentissant de Sigur Rós, le produit d’exportation musical islandais le plus intéressant depuis Björk.

Car remplir la plus grande salle bruxelloise avec autant d’aisance sans être abondamment diffusé sur les ondes ne peut-être que de l’apanage des plus talentueux. Au départ prévu dans la version Club, la demande abondante de tickets motivera les organisateurs à corriger le tir. C’est donc finalement dans un Forest National archi complet (8000 spectateurs) que le groupe se produira.

Le spectacle commence pile poil à l’heure (20h) avec une première partie dont le nom est encore inconnu dans nos contrées. For A Minor Reflection est originaire, tout comme Sigur Rós, de Reykjavik, la capitale islandaise. De prime abord, la comparaison s’arrête là. Du moins pour le moment.

Au programme, contre toute attente et sous des allures de boys band, du post rock. C’est-à-dire des guitares cinglantes, des sons assourdissants, une basse sombre, peu de voix (dans ce cas-ci, pas de voix du tout d’ailleurs) et de longues compositions. En effet, trois titres en une demi-heure (en sachant que le morceau d’intro ne durait “que” 5 minutes) en auraient refroidi plus d’un.

On pense sans aucune hésitation à Mogwai (les maîtres du genre), mais aussi à iLiKETRAiNS ou à 65daysofstatic. Cela dit, ils se démarquent en proposant des compositions bien plus joyeuses, bien plus légères par rapport à la noirceur habituelle qui habite généralement les représentants du genre. Comme à chaque fois, je regrette le manque de voix et je vous avoue que je me suis posé la question de savoir quel rapport pouvait bien exister entre les deux groupes à l’affiche ce soir… En tout cas, sur les visages, on décelait une certaine confusion…

21h pétantes et le spectacle commence. Dans le cas de Sigur Rós, on peut vraiment parler de spectacle. D’abord avec le chanteur Jónsi Birgisson qui porte une sorte de longue plume de faisan à hauteur de l’épaule, des paillettes brillantes sur le visage, une sorte de camisole de force (avec des manches) et qui joue de la guitare presque exclusivement avec un archet. Spectacle encore avec les couvre-chefs des autres musiciens (une couronne de roi oriental pour le batteur et un chapeau noir pour le bassiste). Esseulé sur la gauche de la scène, le claviériste apparaît comme le plus classique du quatuor.


C’est avec “Sfevn-G-Englar” qu’ils vont débuter leur set et installer sur-le-champ leur univers tellement caractéristique dont la voix de falsetto de Jónsi Birgisson a un rôle clé, tout autant que la féerie dégagée par l’utilisation de l’islandais. Une dizaine de minutes de pur bonheur qui se sont terminées avec le chanteur dont le visage disparaîtra derrière le corps de sa guitare. Il était tout simplement en train d’utiliser le micro de son instrument pour en sortir des sons plaintifs qui auront pour effet de nous donner une première fois la chair de poule.

Le dernier album du groupe, Med Sud Í Eyrum Vid Spilum Endalaust (je ne vais pas abuser des titres, imprononçables et encore plus compliqués à écrire), sorti en juin dernier, est un réservoir de tubes (surtout la première moitié) qui combinent le sens développé des mélodies, une voix cristalline et des arrangements qui respirent la joie de vivre. Sans aucun doute leur production la plus aboutie après près de 15 ans de carrière (même si leur pièce maîtresse reste sans aucun conteste “()” qui foisonne d’arrangements complexes et majestueux). On remarquera en tout cas ce soir l’évidence presque insolente des compositions les plus radiophoniques de la dernière plaque qui récolteront largement les faveurs des spectateurs.


A côté de ça, le groupe se baladera avec beaucoup de classe dans son large back catalogue, et chaque titre ne fera qu’apporter la preuve supplémentaire que l’on est en présence de virtuoses qui maîtrisent leur sujet à la perfection, qui connaissent la définition du mot “émotion” sur le bout des doigts et qui le conjuguent à tous les temps. Un concert de Sigur Rós est une expérience unique dont on ne peut ressortir que bouleversé. Lors des passages les plus calmes, le silence était tel dans les rangs du public que cela en donnait la chair de poule. Et lorsque cela repartait de plus belle, le son parfait qui inondait la salle nous coupait le souffle.

Jónsi Birgisson est un garçon timide… Tellement timide qu’il s’est adressé au public dans sa langue natale. Il va sans dire que personne n’a rien compris… Même s’il a rectifié le tir en utilisant l’anglais par après, l’essentiel n’était pas là. C’est la communion avec le public, ce lien privilégié qu’il semblait entretenir avec chaque spectateur qui était bouleversante. Musicien complet et surdoué, c’est surtout lorsqu’il se positionne derrière son piano (sur “Fljótavík” par exemple), que la magie monte encore d’un cran. Et que dire du xylophone (deuxième groupe en une semaine, après Los Campesinos! à utiliser cet instrument).

Ils termineront le set principal avec “Gobbledigook”, la plage d’intro de leur dernier album, toutes batteries, grosses caisses et tambours en avant, bien aidés par les membres de For A Minor Reflection qui sont revenus sur scène apporter une puissance supplémentaire et terminer le concert sous une pluie de confettis multicolores. Pour moi, cela pouvait s’arrêter là, mes oreilles étaient sous le charme…

Et à l’écoute du premier titre en rappel, je me suis même dit qu’ils auraient dû arrêter à ce moment-là, car pour la première fois, je ne suis pas rentré dans leur trip. Mais heureusement, ils allaient remettre les pendules à l’heure avec une magistrale version de “Popplagio”, commencée toute en douceur et ponctuée dans un déluge de décibels, qui m’a démontré avec une évidence limpide le lien qu’ils entretiennent avec le post rock. Mon franc venait de tomber. Sigur Rós, c’est un groupe grandement influencé par le post rock et c’est la voix du chanteur qui apporte ce petit quelque chose en plus, cette fraîcheur qui les démarque de leurs pairs.

Par deux fois, ils sont venus saluer le public à l’image d’une troupe de théâtre. Par deux fois, ce même public a espéré un ultime morceau, mais il n’en a rien été. Je ne vois de toute façon pas comment ils auraient sublimé un final aussi parfait que celui auquel on venait d’assister.

Le secteur bancaire islandais a beau s’être cassé complètement la figure récemment, son rock a encore de beaux jours devant lui… A méditer…

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Photos © 2008 Olivier Bourgi

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