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Les archives d’Archive à l’AB

Pour fêter son quart de siècle, le collectif Londonien Archive a décidé de mettre les petits plats dans les grands. Via notamment un coffret retraçant ses moments marquants et une tournée commémorative aux sets XXL qui s’est arrêtée deux soirs d’affilée dans une AB pleine à craquer.

Bruxelles était d’ailleurs la seule ville à bénéficier de ce traitement de faveur, dans une salle qui les a déjà vus réaliser pareille performance en 2015. Tout profit pour leur compatriotes d’October Drift qui entameront la soirée pied au plancher malgré une faible assistance due à l’heure inhabituelle, plutôt consacrée à l’apéro. Habités d’une fougue suspecte et presque risible dans le chef du guitariste et du bassiste, ils vont faire honneur à leur réputation de next indie big thing.

La presse musicale spécialisée ne tarit en effet pas d’éloges à leur sujet outre-Manche. Et, au vu de leurs compositions sombres aux guitares new wave exécutées comme si leur vie en dépendait, on comprend pourquoi… Expressif à souhait, le chanteur dont la voix oscille entre celles de Dave Gahan et de Matt Berninger lorsqu’il monte dans les tours, a tout d’un frontman accompli (il descendra même prendre la température dans le public). Mais ils ont surtout des hits potentiels, à l’instar de “Forever Whatever”, la plage titulaire de leur premier album qui arrivera dans les bacs le 24 janvier prochain.

Lorsque Darius Keeler et Danny Griffiths fondent Archive en 1994, ils sont loin de se douter que vingt-cinq ans plus tard, leur projet tiendrait toujours la route. D’autant qu’une fois la vague trip-hop passée fin des années 90, beaucoup les avaient déjà enterrés. C’était sans compter sur leur détermination et leur faculté de rebondir. “You All Look The Same To Me” (2002) sera en effet l’amorce d’un renouveau qui les fera ensuite, au gré des rencontres et des associations, atteindre un statut majeur, bizarrement davantage prononcé en Europe occidentale que dans leur pays d’origine où ils sont injustement ignorés.

“25”, c’est également le titre d’une compilation publiée au printemps dernier qui retrace la carrière du groupe, de “Londinium” à “The False Foundation” en passant par la BO de “Michel Vaillant”. Mais elle comprend aussi quatre inédits (sept sur l’édition Deluxe incluant un passionnant livret de 162 pages). Preuve qu’il s’agit seulement d’une étape, deux de ces inédits seront interprétés lors de leur week-end Bruxellois, dont celui enregistré avec Band Of Skulls (“Remains Of Nothing”) qui apparaîtra comme le plus curieux de la set-list et le seul à incorporer trois voix et autant de flows différents. L’autre étant le planant “Erase”, éclair de génie plein d’anticipation et la preuve que le groupe a encore de l’inspiration.

Mais bien avant cela, le marathon débutera à… 19h45 par une intro sombre, glauque et interminable (en tout cas le premier soir), interrompue soudainement par un coup de batterie et un éclair lumineux. Aux avant-postes se trouve Maria Q, sobre et élégante, dont l’impressionnante voix transcendera “You Make Me Feel”, titre composé dans les nineties, lorsqu’elle ne faisait pas encore partie du collectif. Sans surprise, elle se l’appropriera brillamment avant de déjà quitter la scène et de laisser Dave Pen faire de l’emblématique “Fuck U” la première communion de la soirée.

En effet, la particularité de Maria Q au sein d’Archive est de prendre le micro au gré de la set-list. Des interventions sporadiques, certes, mais qui riment systématiquement avec puissance et émotion (“Pulse”, “Whore”). Ceci dit, les deux autres vocalistes ne sont pas en reste et n’ont sans doute jamais été aussi complémentaires. Pollard Berrier, chevelure soyeuse et chapeau d’un côté, Dave Pen, gueule de star de l’autre. Impérial dans ses interventions, les tournées incessantes au sein de Birdpen semblent avoir forgé à ce dernier une aisance désormais bien ancrée en lui. Craig Walker n’est en effet plus qu’un lointain souvenir…

Outre un batteur à la cogne limpide, un guitariste et un bassiste ont eux aussi leur mot à dire. Ils sont entourés par les deux têtes pensantes du projet, aux personnalités radicalement opposées. À l’extrême gauche, Darius, véritable pile électrique dont on se demande comment il ne souffre pas encore de tendinite aiguë tant ses mouvements du bras semblent violents et saccadés. Son vis-à-vis, Danny, lui, semble habité d’une zénitude à toute épreuve.

Si Archive célèbre ses vingt-cinq ans, “Controlling Crowds” souffle quant à lui ses dix premières bougies. Il s’agit là de l’œuvre la plus aboutie du collectif, ambitieuse pièce en quatre actes qui sera généreusement revisitée ce soir, “Pills” en crescendo et “Bullets” au final nerveux en tête. Toutefois, les projections qui avaient subjugué le public des Halles de Schaerbeek à l’époque manquent à l’appel. Elles seront remplacées par un visuel simple mais efficace, basé d’une part sur des tubes néon disséminés aléatoirement sur scène et d’autre part via des cadres faisant office de boules à facettes futuristes.

Ceux-ci enchanteront notamment l’excellent “Kings Of Speed” avant d’accentuer l’aspect menaçant de “Wiped Out”, d’intensifier le caractère flippant de “Baptism” et d’envelopper littéralement “The Empty Bottle”. Mais le sommet sera atteint lors d’un “Finding It So Hard” tribal à souhait, chanté par un Dave Pen ensorcelé, notamment lors du break presque techno bardé de lasers menant vers un final démentiel adouci par Maria Q herself.

Celle-ci fera ses adieux au public au terme d’un majestueux “Collapse/Collide” avant que le set principal ne se clôture sur une version de “Controlling Crowds” orchestrée de main de maître par Pollard. En tout cas le premier soir car le second, “Dangervisit” sera joué avant les rappels mais avec la même intensité que la veille, les deux chanteurs tout bonnement emportés par la composition.

Vous l’aurez compris, les spectateurs du dimanche auront droit à un titre supplémentaire. Et quel titre puisqu’il s’agira de l’envoûtant “Lights”, celui avec lequel ils avaient débuté leur concert de référence dans cette même salle en octobre 2006, et selon le même rituel. Chaque musicien débarquant sur scène au fur et à mesure de l’intro kilométrique pour grimper à son tour dans la composition, le vocaliste (Pollard) arrivant en dernier lieu. Un moment magique prolongé par l’incontournable “Again”, délivré avec une intensité sans pareil dans sa version intégrale, breaks Floydiens, frissons et fausse fin compris. Ou comment assister à un concert de 2h45 sans voir le temps passer…

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Photos © 2009 Bernard Hulet

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