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Tricky (Reincarnated)

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Une fois n’est pas coutume, Tricky le visionnaire s’est retourné sur son passé et le début de sa carrière solo. Mais Tricky étant Tricky, il ne s’est pas contenté de simplement sortir une version remasterisée de “Maxinquaye”, son chef-d’œuvre de 1995. Il en a repensé quelques extraits et a organisé une mini tournée européenne qui démarrait ce dimanche dans une grande salle de l’AB pleine à craquer.

On imagine la tête de Stien Bovijn aka Piffy le jour où on lui a proposé d’ouvrir pour la légende de Bristol. Un immense saut en avant pour la jeune anversoise que l’on avait découvert au Stormkop dans sa ville natale en after d’un des trois shows intimistes de Whispering Sons l’automne dernier. Entre-temps, elle a atteint la finale du concours De Nieuwe Lichting organisé par Studio Brussel et commence à sérieusement faire parler d’elle. Sa pop urbaine lorgnant du côté de Georgia et de l’écurie Deewee nous avait semblé plus radicale à l’époque, osant titiller par moments Brorlab. Mais ce soir, elle semble bien seule sur cette grande scène à se mouvoir sur des beats soutenus lancés depuis un laptop. Un décalage qui ne l’empêchera toutefois pas de présenter son premier EP au Trix le 4 avril prochain.

Intimement associé à l’émergence du mouvement trip-hop aux côtés notamment de Massive Attack et de Portishead, Tricky a contribué à placer Bristol sur la carte de l’échiquier musical dans la première moitié des années 90. C’est toutefois en 1995 qu’il devient une star à part entière en publiant “Maxinquaye”, un premier album unanimement acclamé. Top 3 anglais, il sera couronné Album of the Year du New Musical Express au nez et à la barbe des frères Gallagher, les empêchant de réaliser la passe de deux avec “(What’s The Story) Morning Glory?”. Une performance dont Public Enemy peut se targuer d’avoir accomplie, terminant tout en haut de la liste en 1987 (“Yo! Bum Rush The Show”) et 1988 (“It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back”).

Sur le second nommé, on retrouve “Black Steel In The Hour Of Chaos” qui, radicalement métamorphosé et simplement rebaptisé “Black Steel”, constitue la pierre angulaire de “Maxinquaye”. Un album qui consacrera Martina Topley-Bird dont la voix sensuelle envoûte une plaque comme nulle autre pareille où compositions déstructurées, atmosphères oppressantes et diversions langoureuses cohabitent le plus naturellement du monde. Presque trente ans plus tard, il reste toujours aussi pertinent, voire évolutif comme le démontre le récemment publié “Maxinquaye (Reincarnated)” comprenant une relecture chill et introspective d’une poignée de titres. Les versions de “Pumpkin” et de “Strugglin’” qui seront jouées ce soir s’inspireront de ces nouvelles versions, lorgnant même par moments vers le jazz sans toutefois réellement convaincre.

Entamé par un “Overcome” presque hanté, le début du set respectera le tracklisting de l’album. Ce qui veut dire que le précité “Black Steel” et ses riffs de guitare tranchants initieront rapidement un vent de folie sur l’AB, bien aidés par des flashes stroboscopiques aveuglants. Une exception car le reste du temps, la pénombre est de rigueur et les trois musiciens à l’arrière de la scène (une guitariste, un claviériste et un batteur) s’apparentent souvent à de simples silhouettes. Seuls le singlet blanc de Tricky et la coiffure blonde de Marta Zlakowska, la chanteuse à sa gauche, tranchent l’obscurité. Une mise en scène parfaite pour un “Hell Is Round The Corner” particulièrement sexy sur lequel il prend distinctement les vocaux à son compte.

Car bien souvent, il se contente de vocalises énigmatiques plutôt déclamées mais délibérément voilées, laissant la voix cristalline de sa partenaire scénique prendre l’initiative. Une association lumineuse qu’un “Suffocated Love” retenu suivi d’“Abbaon Fat Tracks” démontreront sans peine. Quant à l’impeccable “Aftermath” qui clôturera le chapitre “Maxinquaye” après une grosse demi-heure de prestation à peine, il permettra au public de s’évader en leur compagnie. Une sorte de moment suspendu avant un premier break.

L’occasion de disserter sur les prestations de Tricky, souvent aussi insaisissables que sa pléthorique discographie. Au fil des ans, il a ainsi multiplié les associations et les projets parallèles, brouillant les pistes sans jamais perdre en crédibilité. Le dernier en date (Lonely Guest) était une collaboration (ou plutôt une rencontre, insiste-t-il) entre notamment Joe Talbot (Idles), Paul Smith (Maxïmo Park) et Lee “Scratch” Perry. Sans oublier la fidèle Marta qui prendra à son compte “Move Me”, premier titre de la deuxième partie du set que des éclairs aussi nerveux qu’inopinés rendront addictifs. Tout comme le sinistre “New Stole” dans la foulée, pendant lequel le gaillard grimpera sur une estrade, feignant d’enlever son singlet tout en se caressant le torse.

Mis à part un “Vent” d’anthologie, lancinante et théâtrale plage d’intro de “Pre-Millenium Tension”, il complètera la soirée par des titres relativement récents, voire improbables. On aura ainsi droit à deux extraits de “When It’s Going Wrong”, l’album solo de Marta (produit par Tricky et publié sur son label False Idols l’an dernier) dont le menaçant mais terriblement prenant “Moving Through Water”. Un peu plus tard, c’est une délicate version de “Lucien”, titre de Young Magic également produit par le maître qui déstabilisera un peu plus les spectateurs par son final abrupt. Avant un “Take Me Shopping” en final qui verra la chanteuse elle aussi s’aventurer sur l’estrade qui lui était réservée.

Le groupe reviendra pour un ultime appendice qui prendra la forme d’une version XXL de “Here My Dear”, extrait de “Skilled Mechanics”, une autre collaboration datant de 2016 autour de DJ Milo et du batteur Luke Harris (The Brand New Heavies). Une version franchement rock sublimée par une guitariste subitement en verve et un batteur remonté. De son côté, Tricky présentera deux faces radicalement opposées. D’un côté expressif et taquin (il ira jusqu’à subtiliser le micro de Marta), de l’autre désarmant lorsque, visiblement touché par une salle en délire l’acclamant comme jamais, il laissera couler quelques larmes. La fête à “Maxinquaye”, certes, mais pas que…

SET-LIST
OVERCOME
PONDEROSA
BLACK STEEL
HELL IS ROUND THE CORNER
SUFFOCATED LOVE
ABBAON FAT TRACKS
PUMPKIN (REINCARNATED)
STRUGGLIN’ (REINCARNATED)
AFTERMATH

MOVE ME
NEW STOLE
WHEN IT’S GOING WRONG
MOVING THROUGH WATER
VENT
LUCIEN
TAKE ME SHOPPING

HERE MY DEAR

Organisation : Live Nation

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