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Whispering Sons, the power and the glory

C’est dans une AB pleine à craquer que les Bruxellois de Whispering Sons ont terminé en apothéose une année exceptionnelle. D’autant que dans le cadre de son quarantième anniversaire, le complexe du boulevard Anspach leur avait confié la curatelle de la soirée.

Les festivités ont donc débuté de bonne heure avec l’électro sombre et flashy de Croatian Amor en provenance de… Copenhague. Il s’agit en fait du projet le plus récent de Loke Rahbek, boss du label Posh Isolation, membre de Lust For Youth et de Var (entre autres) mais surtout acteur incontournable de la scène indie danoise. Malheureusement, son (DJ) set programmé aussi tôt devant une salle à moitié vide n’aura jamais l’occasion de se développer comme escompté.

Originaire du même coin mais dans un style radicalement différent, CTM alias Caecilie Trier, violoniste et compositrice de renom, allait ensuite emmener l’auditoire dans son univers singulier. Situé à la croisée des chemins entre musique classique, de chambre et expérimentale, il se développe exclusivement dans la pénombre. Ces longues pièces majoritairement instrumentales s’étoffent toutefois d’une voix retenue qui renvoie vers celle de Madonna période “Bedtime Stories”. Peut-être un rien dépressif sur la longueur…

Si un groupe a rythmé notre année 2019, il s’agit sans aucun doute de Whispering Sons. En salle, le Depot de Leuven en mars et l’Eden de Charleroi en mai font partie de nos meilleurs souvenirs. En festival, leur époustouflant set sur la Main Stage de Rock Werchter à 13h en plein cagnard a levé nos derniers doutes quant à leur potentiel réel. Et lorsqu’ils n’étaient pas sur scène, ils étaient à nos côtés dans le public… Sans parler que Fenne Kuppens a également partagé son micro avec Triggerfinger et El Yunque notamment.

Une année bien remplie en support d’“Image”, un excellent premier album présenté officiellement au public un étage plus haut, à l’AB Club, en octobre 2018. Depuis, ils ont tourné à travers l’Europe, se sont retrouvés en tête du Afrekening de Studio Brussel avec “Alone”, ont publié “On Image”, un vinyle quatre titres live sans public à l’occasion du Record Store Day et rempli absolument toutes les salles du Royaume dans lesquelles ils se produisaient. Un véritable phénomène basé sur le pur talent des musiciens fidèles à une musique sombre et glaciale dont les origines remontent bien avant leur naissance.

Si on devait malgré tout leur reprocher quelque chose, on pointerait leurs set-lists (une pour les concerts en salle, l’autre pour les festivals) auxquelles ils ont à peine dérogé. Ce soir, ils vont toutefois nous prendre à contre-pied en débutant avec “Fear”, un nouveau titre bourré de tension qui permettra à Fenne de prendre le public à la gorge. Vêtue de son traditionnel ensemble blanc en contraste total avec les compositions du groupe, elle est devenue au fil des prestations une véritable bête de scène qui occupe parfaitement l’espace à sa disposition. Sa voix caverneuse et neutre, quant à elle, les soutient à la perfection, comme le démontreront “Stalemate” et “Got A Light” (ce fameux “How are you feeling?” hurlé du fond des tripes, suivi d’un “Good” retenu…).

On les croyait alors repartis sur leur ligne de conduite classique mais ils nous surprendront une nouvelle fois via “Cool”, un autre nouveau titre hypnotique à l’environnement aussi strident que flippant, mis en valeur par un visuel sobre composé de quatre bandes noires verticales sur fond tamisé. Dans la foulée, une impeccable version d’“Alone” accentuera son statut de futur classique.

Bien que Fenne focalise l’attention par des pas de danse saccadés et un regard perturbant, ses camarades de jeu occupent une place primordiale dans le dispositif. On pointera la guitare essentielle de Kobe Lijnen, la rythmique métronomique de Sander Pelsmaekers (qui joue debout) et la basse glaciale de Tuur Vandeborne. Sans oublier les nappes synthétiques de Sander Hermans.

S’ils ont mis le temps pour mettre en boîte leur premier album, ils ont publié au fil du temps quelques 45 tours, dont “White Noise” et “Performance”, deux titres devenus particulièrement vénères sur scène. Ils constitueront à n’en point douter un des sommets de la soirée avant qu’un envoûtant “Skin” ne se développe patiemment et ne démontre l’harmonieuse complicité du groupe. Juste après, les fantastiques intro et outro de “No Time” n’ont toujours pas, à nos yeux, trouvé un corps qui leur rend justice.

La fin du set allait toutefois effacer ce (léger) bémol, d’autant qu’ils présenteront un troisième inédit, “Vision”. Bardé de guitares à la Cure omniprésentes et de spots affolants, il bénéficiera en outre de la théâtralité de la chanteuse dont le trip se prolongera sur un “Dense” irrésistible sur scène. Pointons encore ce “Hollow” très énervé et ce “Waste” bourré d’anticipation emmené par une basse dantesque, qui généreront de sérieux pogos aux avant-postes.

Des pogos qui prendront de l’ampleur lors des rappels, ou en tout cas lors des deux premiers titres puisés dans “Endless Party”, le premier EP du groupe sorti en 2015. “Wall” et “Insight” possédaient déjà l’essence de ce qui fait leur force aujourd’hui et des années de pratique n’ont fait que les bonifier. Ceci dit, le sommet sera atteint avec “No Image”, un dernier titre atypique en crescendo qui voit Fenne dans un état émotionnel soutenu donner tout ce qui lui reste d’énergie avant de s’effacer et de rester immobile, regard levé vers le ciel. Frissons garantis. On attend la suite avec grande impatience…

 

Photos © 2019 Olivier Bourgi

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