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Doomforge – Human Jail – Last Breath Messiah : déluge Métallique au Cornwall

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Vingt-huitième jour du cinquième mois de l’an de grâce 2011. En cette douce soirée de printemps, l’éternelle quête du Saint-Graal Métallique qui occupe mes loisirs depuis plus de trente ans guide mes pas vers l’une des plus anciennes villes de Belgique. Tournai, la Cité des Cinq Clochers, la ville même où, il y a plus de 1500 ans, Clovis succéda à Childéric sur le trône des Francs Saliens. Mais ceci est une autre histoire. Il me faut aujourd’hui renoncer au soutien de mon compagnon d’infortune ; l’abjecte créature qui partage habituellement ces aventures et que j’ai pris l’habitude de vous présenter comme ‘Le Fidèle Bernie’ a brisé, sans remords, le pacte de loyauté qui nous lie depuis quelques années. Ce fourbe de Keupon et son énorme Nikon ont décidé de me faire faux bond. Et c’est donc seul et désarmé que je marche d’un pas décidé vers l’antre de la bête. Car ce soir le Cornwall, la nouvelle Mecque du métal tournaisien, est le théâtre d’une joute sans merci opposant trois champions du métal : Doomforge, le plus plombé des combos mouscronnois, Human Jail, le plus sudiste des métallurgistes du Nord, et Last Breath Messiah, le rouleau compresseur hennuyer.

La rue des Puits l’Eau est en plein chantier et il faut slalomer entre les tuyaux de béton, les toilettes de chantier et tout ce que Tournai compte de chevelus hirsutes pour atteindre l’entrée de ce bar reconverti en salle de concert. Il est à peine huit heures et déjà le Cornwall est bondé. Pourtant, l’architecture de l’endroit n’est pas franchement idéale. Deux énormes piliers masquent une grande partie de la scène et ceux/celles qui ont la malchance de devoir leur faire face sont privés de l’image et doivent se résoudre à se contenter du son. Malgré cet inconvénient majeur, l’ambiance est sympathique. La bière coule à flots et les prix sont raisonnables. Quelques musiciens de la scène tournaisienne sont venus soutenir les héros du jour. On croise notamment les vétérans d’Haircuts That Kill ainsi quelques jeunes loups égarés de la meute No Fatality.

Derrière les horribles piliers qui obscurcissent notre champ de vision, Doomforge, s’affère aux derniers préparatifs de cette fête du métal dont il est l’initiateur. Amplis, instruments, crânes et enclume sont mis en place. La tension est palpable, car ce soir c’est le baptême du feu pour cette confrérie de forgerons mouscronnois constituée aux deux tiers par les survivants du terrible Juggernaüt ; ce trio doom épique dont les prestations passées hantent encore la mémoire de votre humble serviteur. Comme il le faisait dans son groupe précédent, Jaws The ToothMaster occupe le double poste de vocaliste-batteur.

Yvan DeathRites, armé de son imposante basse, fait face à Matt Demon, le nouveau six-cordiste de la bande. Bien que basés à Mouscron, les membres de Doomforge ont un lourd passé tournaisien. Devant le Cornwall, ils jouent donc, pour ainsi dire, à domicile. Si les bases ‘doom métalliques’ sont identiques, la musique de Doomforge est assez différente de celle de Juggernaüt. Fidèle à ses habitudes, ‘Toothmaster’ chevauche le tabouret de sa batterie comme s’il s’agissait d’un pur-sang indien, harangue la foule et l’abreuve de récits épiques tout en s’appliquant à marteler un tempo pachydermique. Bien plus que la guitare, c’est la quatre-cordes de ‘DeathRites’ qui mène désormais le combat. Le bassiste à la barbe tressée assène soli décapants et rythmiques surprenantes tandis qu’à renfort de riffs plombés et d’effets sonores, ‘Demon’ installe une ambiance suffocante. Celle-ci atteint son paroxysme avec l’interprétation envoûtante d’un titre instrumental couplé à d’intrigantes plages sonores extraites de l’affligeant documentaire américain ‘Jesus Camp’. Atypique, pesant et intense, le doom ambiancé de Doomforge semble avoir convaincu une bonne partie de l’auditoire tournaisien. Vivement la suite.

Tels de véritables Hercules traversant le Styx pour rejoindre les Enfers, les Lillois d’Human Jail ont franchi l’Escaut, histoire de vérifier si, chez les Belges, les frites et la bière sont aussi dorées que l’affirment les légendes Ch’ti.


Le quatuor énervé prend possession de l’espace limité que lui laissent les détestables piliers soutenant le plafond du Cornwall. Carrés, énergiques et fortement burnés, les Nordistes semblent vouer un culte particulier au ‘Southern Métal’ et au ‘Sludge’ de Down, de Corrosion Of Conformity ou même de Pantera. Autant dire qu’ici, le groove et la hargne sont de mise. Antoine tronçonne riffs musclés et soli jouissifs avec une aisance que lui envient probablement bien des bûcherons. Il faut dire que le guitariste est largement soutenu par les cinq câbles d’aciers de la basse percutante d’Étienne et par la rythmique style ‘marteau-pilon’ infligée à son pauvre kit de batterie par un Chris ultra-concentré. Max, le meneur du gang, affiche quant à lui toutes les qualités des meilleurs frontmen du genre. Colérique lorsqu’il chante, sympathique quand il s’adresse au public, le Lillois chevelu semble avoir la bougeotte communicative et il en faudrait vraiment peu (NDR : un peu plus de place par exemple) pour que le public tournaisien suive le mouvement et se lance dans un énorme pogo au lieu de se contenter de headbanger entre deux bières. Le premier album du groupe est en cours d’enregistrement. Je l’attends personnellement avec impatience.

Les Last Breath Messiah, nous les connaissons depuis qu’ils nous ont botté le cul et ratatiné les oreilles lors de la seconde édition du PPM Fest. Rappelons, pour ceux et celles qui auraient loupé le coche, que le groupe est né à Chièvres (Hainaut) en mai 2007 de l’association de deux guitaristes : Steph (ex-Resistance, ex-Savage Breakfast) et Phil (ex-Coverhate). Le line-up a rapidement été complété par Flo (ex-Lohengrin) à la batterie ainsi que par Fred (ex-Unload) au chant.

LBM semble souffrir d’un problème récurrent de bassiste (NDR : avis aux amateurs). Sly, qui les dépannait jusque-là, semble avoir dû lâcher l’affaire pour se consacrer à No Brain, l’excellente formation hardcore dont il est le vocaliste, et c’est donc, ce soir, dans la configuration du quatuor que le groupe nous explose la face avec son mélange tellurique de death métal, de hardcore et de trash. D’emblée Fred s’empare de la scène. Debout sur le muret qui sépare les deux piliers que nous haïssons tant depuis le début des festivités, le charismatique vocaliste déverse son fiel sur un Cornwall plein comme un œuf. Chemise de bûcheron canadien et attitude scénique combinant l’agressivité d’un Phil Anselmo aux frasques comiques d’un Jim Carey, le hurleur est, sans conteste, l’attraction principale du combo. Sa complicité avec Steph (NDR : qui assure aussi les backing vocaux) ne fait aucun doute. Chez LBM, la violence (musicale) est un credo. Flo, l’autre comique du groupe, cogne comme un damné sur ses fûts tandis que Phil et Steph délivrent une dose impressionnante de riffs si destructeurs qu’ils feraient presque oublier l’absence de bassiste. Emporté par la brutalité du propos, un fan se lance dans une chorégraphie furieuse. Tout le monde a compris que les intentions du gaillard ne sont pas belliqueuses. Cependant, beaucoup sont soulagés lorsque le costaud de service, dans un sursaut protectionniste, se met gentiment à frictionner les oreilles du sympathique énervé qui, sans le vouloir, frôlait un peu trop dangereusement ceux et celles qui ne demandaient qu’à headbanger un peu plus sereinement. La prestation de Last Breath Messiah se termine, comme elle a commencé, dans un déluge de décibels et de bonne humeur.

Si les caves du Cornwall n’abritaient pas le Saint-Graal, j’y ai tout de même (re)découvert quelques perles du métal underground : trois formations puissantes, talentueuses, différentes et pourtant terriblement complémentaires, puisqu’unies par la passion du métal.

Photos © 2011 Michel Serry

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