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DOUR FESTIVAL 2011 (jour 1) : entre éclectisme musical et averses isolées

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Manifestation de référence dont la réputation dépasse allègrement les frontières belges, le Dour Festival a une fois encore fait le bonheur de milliers de spectateurs (161.000 cumulés, record de 2007 battu) venus en prendre plein les oreilles quatre jours durant dans un mélange des genres qui n’appartient qu’à lui pour un prix hautement concurrentiel. L’édition 2011 (la 23e) a en effet tenu toutes ses promesses, si ce n’est la météo venue quelque peu jouer les trouble-fêtes. Ceci dit, il en faut plus pour décourager des festivaliers (dont la majorité de campeurs déjà présents la veille) venus assister à leur messe annuelle. Petit check-up des modifications apportées au site depuis l’an dernier. D’abord, la Red Frequency (la seconde scène en plein air) a disparu mais deux nouveaux chapiteaux ont fait leur apparition: la Balzaal pour les amateurs de beats et la Cannibal Stage pour les férus de hardcore. Le confort des spectateurs a parallèlement été amélioré avec l’installation de nombreux espaces de détente. Petit bémol toutefois concernant des espaces vides (je pense notamment à celui situé à gauche du ClubCircuit Marquee) où les clôtures servaient à soulager bon nombre de représentants de la gent masculine. L’an prochain, l’un ou l’autre urinoir judicieusement disposé devrait encourager les plus sensés d’entres-eux à moins s’exhiber…

Rien à redire par contre par rapport à l’accueil des journalistes, toujours aussi convivial et souriant. Mais c’est bien évidemment la musique qui nous amène à Dour et les choses n’allaient pas tarder à débuter sur les chapeaux de roue avec Romano Nervoso qui ouvraient le festival à l’heure du déjeuner au ClubCircuit Marquee. Ces locaux (ils viennent de La Louvière comme le mentionne la plaque de circulation sur scène) nous avaient déjà bien plu en juin 2010 lorsqu’ils avaient assuré la première partie de Band Of Skulls à la Rotonde). Entre-temps, leur premier album (“Italian Stallions”) est sorti et leurs prestations ont encore gagné en intensité, comme l’a démontré leur set aujourd’hui. Le charismatique leader à l’attitude purement rock ‘n’ roll mérite à lui seul le déplacement alors que leurs compositions tranchantes sont d’une redoutable efficacité. Sans compter l’humour qui les habite (“Mangia Spaghetti”, di prima qualita…). Une mise en jambes idéale et le point de départ d’un festival qui s’annonce excellent.

Le temps de passer au stand presse glaner les dernières informations et voilà que le ciel se couvre subitement et libère des trombes d’eau qui, heureusement cette fois, resteront sans conséquence. Tout au plus retarderont-elles notre première visite au Dance Hall pour la prestation de Great Mountain Fire. Ceux qui s’appelaient encore Nestor! il y a quelques mois ont adopté une nouvelle identité et, malheureusement, un style musical plus lisse, plus calibré Pure FM et in fine moins rebelle qu’à l’époque. En effet, plus grand-chose à voir avec le groupe qui avait volé la vedette à Infadels au Botanique à l’automne 2008. Certes, les compositions restent de qualité mais elles se fondent dans la masse, à notre grand dam, plus Malibu Stacy que The Rapture et plus Showstar que Bloc Party. Cela ne les a toutefois pas empêchés de jouir d’un beau petit succès de foule (les mauvaises langues diront qu’ils ont bien été aidés par la pluie…).


Place ensuite au premier des deux sets que Drums Are For Parades réservaient au festival de Dour. Celui-ci promettait d’être surprenant puisque le puissant trio aux compositions brutes et généralement violentes proposait une formule particulière pour l’occasion. Ceci dit, mis à part des cuivres maniés par des musiciens déguisés avec de longues tuniques de moines, on n’a pas remarqué une grande différence par rapport à un set traditionnel du trio gantois. Petit détour rapide par La Petite Maison Dans La Prairie (nom de scène original et bien connu à Dour) pour se rendre compte que Marble Sounds pratique une folk bien trop calme pour nous à ce moment de la journée, à l’instar de la pop mielleuse des Intergalactic Lovers à la Magic Soundsystem (disposée désormais à la place de la défunte Red Frequency, si vous suivez toujours). Mention toutefois à la jolie voix de la chanteuse dont les intonations à la PJ Harvey confèrent un charme particulier aux compositions du groupe.


Vu que Lucy Lucy! officie dans le même registre que les deux derniers cités, on a plutôt décidé de changer radicalement de style en allant voir un des derniers concerts de Gallows dans sa formule actuelle vu que le leader sauvage et tatoué de la tête au pied (Frank Carter) a décidé de quitter le groupe au terme de la tournée en cours. Habitué à délivrer des prestations de haut vol, ils n’allaient pas nous décevoir et ravir les nombreux fans de hardcore qui s’étaient donné rendez-vous. Malade comme un chien (“I’m sick as fuck”, lancera-t-il), Frank Carter se retrouvera néanmoins torse nu et dans la foule dès le second morceau. Il communiera avec les spectateurs, n’hésitant pas à leur confier le micro et à les chauffer en demandant un immense circle pit (autour de la table de mixage).

Musicalement, cela hurle pas mal, la puissance est de mise et le leader assure le show à lui tout seul (il sera difficile de le remplacer). Au rayon surprise, retenons un duo explosif avec la chanteuse (hurleuse?) de Rolo Tomassi qui avait joué sur la même scène un peu plus tôt dans l’après-midi. On aime ou on n’aime pas le style, mais il faut bien admettre qu’avec un groupe généreux comme celui-là, on deviendrait presque des adeptes.

Première visite du festival sur la Last Arena (la scène principale et la seule en plein air cette année, judicieux hasard) pour une heure avec Channel Zero, entamée au son de “Suck My Energy” et des coups de batterie de l’impressionnant Phil Baheux. Le légendaire groupe de métal belge (“et qui restera belge”, déclarera un Franky De Smet Van Damme très en verve ce soir) n’en finit plus de se faire remarquer. Après s’être reformé et rempli huit fois l’AB en un an (un record), ils ont sorti un nouvel album, “Feed ‘Em With A Brick” dont ils vont jouer plusieurs extraits ce soir. Des titres convaincants (“Freedom”, “Side Lines”), un peu comme si Metallica avait réussi son album “St Anger”. Des titres qui rivalisent sans peine avec les classiques du combo métalleux (“Help”, le final “Black Fuel”). En tout cas, la conviction avec laquelle ils ont joué ce soir renvoie au rang de concert de kermesse leur pauvre prestation à Werchter l’an dernier. Le public a apprécié. Et nous aussi.


Suite au report de quelques heures du concert d’I’m From Barcelona (qui n’étaient pas encore arrivés sur le site), l’heure de libre qui se présentait nous a permis de nous restaurer et de faire le tour du site en profondeur, s’arrêtant sur l’une ou l’autre attraction (le rodéo du stand Joe Piler par exemple), tout en veillant à ne pas trop s’éloigner de la Last Arena puisque les sauvages de Kyuss Lives! allaient prendre le relais et maintenir le son des guitares dans le rouge. Kyuss Lives!, c’est Kyuss (un des inventeurs du stoner rock au début des 90’s) dans sa formule originale sans Josh Homme, trop occupé à tourner avec ses Queens Of The Stone Age. On retrouve donc ce soir sur la scène de Dour les bonnes vieilles connaissances que sont Nick Oliveri (ancien bassiste des QOTSA et tête pensante de Mondo Generator), John Garcia (l’initiateur de la reformation) et Brant Bjork (le batteur chevelu). Anecdote amusante, la guitare en live est actuellement tenue par le Belge Bruno Fevery, ancien membre d’Arsenal. Récemment, ils ont joué deux concerts sold out à l’Ancienne Belgique sur la même journée (un record également).

Pendant une heure, ils vont revisiter leur courte mais soutenue discographie (quatre albums entre 1991 et 1995) en s’attardant principalement sur “Welcome To The Valley”, considéré comme leur classique (“Gardenia”, “100°”,…). Une prestation pleine de sueur qui a rappelé de bons souvenirs aux adeptes des guitares crasseuses. En tout cas, John Garcia a l’air de prendre son pied et se démène comme un beau diable. Tiens, coïncidence ou pas, aujourd’hui, trois groupes (Romano Nervoso, Channel Zero et Kyuss Lives!) dont le leader se concentre sur le chant (lisez qu’il ne s’encombre pas d’un instrument) ont donné d’excellentes prestations.

N’en tirons cependant aucune conclusion hâtive car Yannis Philippakis, le leader de Foals (qui débutaient leur set sous un ClubCircuit Marquee bondé) gère très bien le fait de jouer de la guitare tout en s’occupant des vocaux. Auteur d’un excellent second album (“Total Life Forever”), le groupe originaire d’Oxford nous avait également convaincus au Botanique en automne dernier (au contraire de leur première visite à Dour en 2008). Ce soir, dans un environnement sombre et bleuté qui dégoûtera les photographes présents, ils vont laisser leurs compositions s’exprimer et prendre une dimension supplémentaire (“Blue Blood” en intro était bourré d’intensité, “Total Life Forever”, “Balloons”, l’incroyable “Spanish Sahara”,…). Depuis ce fameux deuxième album, leur math rock sophistiqué prend une tournure beaucoup plus conviviale qui rejaillit sur les titres plus anciens en leur conférant une accessibilité presqu’entêtante. Voici un groupe qui arrive tout doucement à maturité.


Cypress Hill, la tête d’affiche du jour sur la Last Arena, vit plutôt dans son passé. Pour preuve, un album sorti l’an dernier dans l’indifférence quasi générale. Cela n’empêche qu’ils restent une légende du rap aux côtés notamment de Public Enemy (qui allaient jouer quelques jours plus tard au même endroit), de De La Soul (présents l’année dernière) et de Wu-Tang Clan (qui étaient aux Ardentes quelques jours avant). En tout cas, ils ont rameuté la toute grande foule au moment de donner le coup d’envoi de leur set même si, reconnaissons-le, l’originalité est loin d’être au rendez-vous. Un flow soutenu, une voix nasillarde caractéristique (celle de B-Real), un DJ, une batterie simplifiée et un va-et-vient incessant sur scène. Les kids ont adoré, nous, nettement moins…

On a donc été se réfugier sous le ClubCircuit Marquee où Arsenal venaient apporter un éclair dans la grisaille grâce à leur pop ensoleillée qui n’arrête pas de faire des adeptes, y compris de ce côté de la frontière linguistique. Eux aussi sont devenus des résidents réguliers à l’AB (cinq dates sold out ces dernières semaines) et passent même à la vitesse supérieure en louant la Lotto Arena le 18 novembre prochain. Ce soir, ils vont communiquer leur bonne humeur au public en livrant un set best of sans temps mort (“Estupendo”, “Lotuk”, “Melvin”,…). Il est vrai que leurs influences, aussi éclectiques soient-elles, ont un point commun, celui de guider les gens sur la piste de danse. Et cela a fonctionné, l’ambiance festive qu’ils ont communiquée au public n’a pas été loin d’être la meilleure de la journée. Il faut dire que la voix et la prestance de la chanteuse n’y sont pas pour rien. Pas étonnant non plus qu’ils aient clôturé la Main Stage le vendredi de Werchter voici une quinzaine de jours…


Dans le même ordre d’idée, mais avec moins de grâce, il restait à jeter un œil sur les retardataires d’I’m From Barcelona, catapultés sur la Last Arena pour ne pas perturber l’organisation du ClubCircuit Marquee. Ceci dit, avec une quinzaine de musiciens présents, on se demande bien comment ils ne se seraient pas entrechoqués sur la scène qu’ils étaient sensés fouler. Ces Suédois (malgré le nom du groupe) sont réputés pour la bonne humeur qu’ils véhiculent, quelque part entre Los Campesinos! pour le côté brouillon et les Flaming Lips pour la partie carnavalesque (confettis, ballons, accoutrements colorés,…). D’ailleurs, le chanteur (Emanuel Lundgren) vaut à lui seul le coup d’œil (on pourrait le définir come l’Astérix du rock). Musicalement, cela est festif, bien entendu, mais cela tourne assez vite en rond et c’est davantage la mise en scène et l’humour du leader plutôt que les compositions qui font en sorte de maintenir le bateau à flot. L’heure pour nous de clôturer notre première journée et de goûter à un repos bien mérité car, finalement, le festival ne fait que commencer…

Les autres photos de

Romano Nervoso
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Drums Are For Parades


Marble Sounds
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Gallows
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Channel Zero
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Kyuss Lives!


Foals
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Arsenal
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I’m From Barcelona

Photos © 2011 Olivier Bourgi

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