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Les Nuits 2020 : Jawhar et les jeunes pousses de 62TV

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Après avoir mis à l’honneur le label Capitane, les Nuits du Bota ont dignement célébré le vingt-cinquième anniversaire de 62TV. Pour introduire Jawhar à l’Orangerie, deux des espoirs de la structure fondée en 1995 par Pierre Van Braekel et Philippe Decoster : watchoutforthegiants et Philemon.

Une structure devenue en un quart de siècle un acteur incontournable du monde indie noir jaune rouge. Parmi les pointures passées par la maison, citons Girls In Hawaii, Sharko, Venus, The Tellers, Dez Mona ou encore Austin Lace, Mad Dog Loose et ENDZ. Mais également Bright Eyes, Papas Fritas ou Spinto Band dans un registre international.

Derrière Philemon se cache depuis 2017 Anton De Boes, jeune homme originaire de Sint-Niklaas. Fils d’un papa dingue des Beatles et d’une maman prof de musique, sa destinée était semble-t-il toute tracée. Ce soir, il défend sur la scène de l’Orangerie le premier EP de son projet, “Hourglass”, avec ses camarades de jeu (un guitariste, une bassiste, un claviériste et un batteur). À la croisée des chemins entre Grandaddy, Wilco et Midlake, sa délicate folk ensoleillée saupoudrée de claviers nous emmène vers des contrées rêveuses, magnifiées par sa voix vaporeuse. On pourrait peut-être lui reprocher une certaine répétition sur la longueur mais on mettra toutefois en exergue “Easy Way Out”, dernier titre aux guitares chaloupées particulièrement réussi.

Notre première rencontre avec watchoutgforthegiants remonte au 22 avril 2018 à l’AB, jour de la finale du Humo Rock Rally. Avant-dernier groupe à se présenter, il ne remportera pas la palme (revenue à The Calicos, rappelons-le) mais a profité de cette vitrine pour collectionner des dates dans la foulée. Le premier EP devait sortir juste à temps pour les Nuits initiales mais le confinement, le report de l’événement et un besoin irrésistible de composition ont finalement eu raison de l’objet tout de même disponible en digital depuis.

Place donc à l’avenir et à de nouveaux titres qui, eux, devraient voir physiquement le jour d’ici la fin de l’année et dont plusieurs seront interprétés ce soir. Parmi ceux-ci, “King Of Birds” et “Call Me A Man” témoigneront de l’évolution du groupe vers un son davantage new wave. Efficaces et envoûtants on pense à un mélange improbable entre Soft Cell et Mintzkov, mais toujours avec cette guitare entêtante et ce groove qui sont leurs marques de fabrique. On se réjouit d’entendre la suite.

Lorsque Jawhar s’est produit en première partie de Charlotte Gainsbourg sous le chapiteau des Nuits 2018, il était encore relativement inconnu aux yeux du grand public. Pourtant, le Belgo-Tunisien avait déjà publié deux albums, dont “Qibla Wa Qobla” en 2013, lauréat d’un Octave de la Musique dans la catégorie musique du monde. Avec le recul, ce concert en support de l’excellent “Winrah Marah” alors tout juste sorti, semble être celui avec lequel tout s’est emballé.

Deux ans plus tard, ce disque charnière constitue toujours la trame de la set-list et lui donne une solide assise. D’autant que les compositions ont entre-temps mûri pour devenir tout simplement irrésistibles. Ainsi, les prenants “Soutbouk” et “Menich Hzin” placeront d’emblée les spectateurs dans une bulle rassérénante alors que le break psyché oriental de “Gueloulmout” les sortira de leur zone de confort. Un peu plus tard, le traitement réservé à “Bik Ndour” lui donnera un dimension supplémentaire tout en décuplant son pouvoir émotionnel.

L’ami Jawhar semble davantage à l’aise que la veille lors de la prestation d’Offo Vrae. Dans la peau d’un vrai leader, il est entouré d’un groupe soudé dans lequel on retrouve Yannick Dupont à la basse, Louis Evrard à la batterie et David Picard aux claviers. Des musiciens chevronnés dont certains font notamment les beaux jours de Yôkaï et qui s’amusent de temps à autre à échanger leurs instruments, comme sur le coloré “Allemni”.

Mais l’attrait de la soirée résidera dans la découverte de trois nouveaux morceaux judicieusement placés en milieu de set. “Born Again”, chanté en anglais de ce timbre oriental caractéristique et axé sur des lignes synthétiques entêtantes verra le leader joindre religieusement les mains devant son visage lors du final. Il sera suivi d’une délicate composition en solitaire simplement agrémentée d’une guitare et de sifflements. Avant un convaincant et bluesy “Chsar” interprété en full band et parsemé de solides chœurs.

Le set principal se clôturera sur une version tout simplement parfaite de “Winrah Marah”, ponctuée d’un final grandiose, fruit de la riche alchimie animant les musiciens. Quant au rappel, il se limitera à un titre patiemment construit avant de littéralement exploser. Mentionné sur la set-list en tant que “Gil Scott”, on n’a pas cerné s’il s’agissait d’une cover de Gil Scott-Heron, d’un hommage à ce dernier ou d’une nouvelle composition. Peu importe, finalement, la Nuit consacrée à 62TV s’achevait sur une note intense… et un avenir radieux.

SET-LIST
SOUTBOUK
MENICH HZIN
GUELOULMOUT
BORN AGAIN
SOLO
CHSAR
ALLEMNI
BIK NDOUR
KHOUSSOUF
WINRAH MARAH

GIL SCOTT

Photos © 2020 Christophe Dehousse

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