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Les Narcotic Daffodils parlent de leur nouvel album

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Le deuxième album des Narcotic Daffodils fait doucement mais sûrement son chemin dans le Dynatop, avec une septième place dont on espère qu’elle ne sera qu’une étape vers des sommets toujours plus mérités, au fur et à mesure que l’on écoute cet excellent Cellex. C’était donc l’occasion pour François Becquart, grand supporter des Daffodils, de coincer quelques membres du groupe dans un bar du quartier Schuman à Bruxelles, histoire d’évoquer les derniers événements importants du parcours des Narcotic Daffodils. Le guitariste Hakim Rahmouni et le batteur Merlin Fourmois ont bien voulu se prêter à l’interview, enrichie par un court passage de Simon Rigot, qui a quand même retiré son casque de motocycliste pour venir nous saluer chaleureusement.

Music in Belgium : Qu’avez-vous fait entre les deux albums?

MERLIN FOURMOIS : Nous avons vraiment pris le temps de faire vivre le premier album, en faisant beaucoup de concerts, même en dehors de la Belgique. Nous sommes allés en Grande-Bretagne, en Italie, aux Pays-Bas, en France. Et parallèlement, on a beaucoup travaillé sur le nouvel album, en mettant au point de nouveaux morceaux que l’on a testés sur scène.

SIMON RIGOT : On a ainsi tourné jusque fin 2012 et on a commencé à cette époque à faire la pré-production.

MERLIN : Il fallait aussi trouver le studio, veiller aux préparatifs, et cela a bien pris six mois avant qu’on commence à enregistrer.

HAKIM RAHMOUNI : A partir de là, on a commencé à travailler sur les compositions et les arrangements.

MiB : Comment abordez-vous le studio? Tout est-il préparé ou y a-t-il une place pour l’improvisation?

MERLIN : C’était notre première expérience dans un grand studio et on a eu pas mal de conseils de notre ingénieur du son, qui a souvent assisté à nos répétitions avant l’enregistrement. Avec ses suggestions, nous avons gardé les mêmes morceaux mais en diminuant tel ou tel instrument à tel moment, ou au contraire en insistant davantage sur tel élément alors que ce n’était pas prévu au départ.

MiB : Et qui était votre ingénieur du son?

MERLIN : Nicolas Debois, qui est aussi professeur à l’institut SAE de Bruxelles. C’est là que je l’ai rencontré car il a été mon professeur.

HAKIM : Nous avons bien préparé tous les morceaux avant d’entrer en studio. Mais inévitablement, une fois en studio, il y a des changements de dernière minute, à la limite radicaux. Les sessions studio ont été assez intenses car on allait vraiment au fond de nous-mêmes.

MERLIN : On a testé pas mal de changements qui sont finalement restés sur l’album. On les a testés en studio en les enregistrant.

MiB : Avez-vous tout fait d’un coup ou par épisodes successifs?

MERLIN : On a commencé les enregistrements avec la batterie, la basse et le sitar au studio Noise Factory en février 2013. Les claviers ont été faits chez Simon en même temps. Puis nous avons fait les guitares à l’Uptown Studio en mars 2013, puis les voix en mai. L’enregistrement était donc au point en mai 2013, puis il y a eu toute la phase de mixage et le mastering, ce qui a été une autre paire de manches.

HAKIM : Et puis il y a eu des petites sessions supplémentaires, pour des chœurs, pour l’accordéon, et des voix supplémentaires à la basilique de Saint-Hubert, pour le morceau ʺJolyneʺ.

MiB : Comment s’est passé l’enregistrement de ce morceau?

MR : C’était une idée de notre ingénieur du son. C’est le morceau qui a eu le plus de modifications. On a vraiment réfléchi là-dessus. On avait une chanson radicalement différente à la base, puis nous sommes partis sur l’idée de faire un morceau vraiment épuré, pour laisser la place à la guitare et à la voix d’Irène Csordas, qu’il fallait mettre en valeur. Et pour cela, quoi de mieux qu’une réverbération naturelle, en l’occurrence celle de la basilique?

MiB : Qui est intervenu dans la composition des morceaux?

MERLIN : Irène s’est occupée des paroles la plupart du temps. Le bassiste Flupke De Clerq a écrit les paroles de deux des chansons, qu’Irène a remaniées à sa sauce. Sinon, les compositions au sein du groupe sont partagées de manière assez commune. On participe tous. Il y a toujours quelqu’un qui vient avec un riff, une idée, et chacun ajoute sa part, un schéma de batterie pour moi, par exemple. Ça se construit petit à petit et à un moment, on a une ébauche. Mais personne ne vient jamais avec un morceau tout à fait conçu.

HAKIM : Irène écrit quasiment toutes les paroles, certains morceaux sont écrits avec Flupke et la musique est travaillée par tous, pas ensemble dès le départ, mais on arrive avec des idées que l’on élabore ensemble.

MiB : Sur le processus d’enregistrement, comment fonctionnez-vous? En démocratie ou y a-t-il un leader?

MERLIN : Pour les compositions, il n’y a pas de leader. Le batteur va rarement apporter un riff de batterie qui va servir de base à un morceau. Les autres musiciens ont plus d’idées de départ. Pour le fonctionnement du groupe, on essaie de répartir au mieux les tâches. Simon et Flupke font la promotion du groupe et recherchent des concerts. Hakim nous a fait un super site Internet.

HAKIM : Disons qu’on se répartit les tâches et qu’on essaie d’être le plus équitable possible. Et c’est démocratique pour ce qui est des compositions. L’un ou l’autre apporte une idée de base et on la travaille tous ensemble. On fait des concessions, on change pour s’adapter à la chanteuse et aux autres musiciens. C’est très participatif. Il y a parfois des morceaux quasiment finis que l’on change quand même car on s’aperçoit que quelque chose ne va pas. C’est très interactif. Pour ce qui est organisation du travail, communication, site Internet, recherche de concerts, on se répartit au mieux les tâches. Par exemple, Flupke va rechercher particulièrement les concerts via son collectif Female Rocks, Simon est le secrétaire, il répond aux mails, il s’occupe de la trésorerie et de l’administration, la communication. Ça dépend, il y a eu des périodes où ça a été plus moi, ou Irène. Disons qu’aujourd’hui, tout le monde fait un peu de tout.

MiB : Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de la pochette de l’album?

HAKIM : La pochette a nécessité un long travail. On a travaillé avec une artiste, graphiste et peintre, Valérie Lenders qui a passé un premier temps avec nous pour savoir juste ce que l’on voulait comme concept. Elle nous a proposé des choses, que l’on a vues entre nous à cinq. Puis on a travaillé plus en petit comité, Merlin, Irène et moi, avec Valérie. Et au final, on est arrivé à cette pochette, qui est un dessin de Valérie mis en symétrie. Quant à la photo du groupe qui figure à l’intérieur du CD, elle a été prise à Tours et Taxis.

MERLIN : La pochette de cet album n’est pas forcément représentative de quelque chose. Elle indique une sorte d’univers, mais c’est vraiment laissé à l’interprétation de chacun.

MiB : Et le titre ʺCellexʺ?

HAKIM : C’est un mot berbère qui veut dire la fragmentation. On a choisi ce nom parce qu’il sonnait bien, mais surtout pour sa signification. Il souligne l’éclectisme des dix morceaux de l’album. Ce sont dix fragments, dix facettes d’un même album.

MERLIN : C’est une démarche qu’on a mise en avant. Il y a des morceaux qui ont un style plus progressif, des morceaux un peu plus lents, mélancoliques, d’autres qui sont plus hard. Cela symbolise chacun des morceaux de l’album, mais aussi les origines du groupe. On vit tous à Bruxelles mais la chanteuse est hongroise, Hakim est marocain, Flupke est flamand, je suis bruxellois. Cela symbolise notre groupe.

MiB : C’est votre particularité, effectivement, mais l’autre particularité est que vous êtes un groupe intergénérationnel. Comment gérez-vous cet aspect?

MERLIN : Ce n’est pas toujours contrôlé. Généralement, ça commence par des petits conflits, des divergences de goûts. Mais on parvient à les contrôler, et c’est ce qui fait notre force. Pour le premier album, il y avait nettement une orientation sixties-seventies, une orientation Pink Floyd…

HAKIM : Qu’on a écouté aussi, ce n’est pas comme si on ne connaissait pas.

MERLIN : Oui, sinon on n’aurait pas accepté. Ce n’est pas comme pour le deuxième album, où la balance est mieux faite entre les générations.

MiB : Cela me permet de faire la transition, à vous deux que je n’avais pas encore interviewés, en vous posant la question des influences musicales.

MERLIN : J’ai commencé à faire de la batterie avec les Red Hot Chili Peppers, mais j’ai toujours eu une écoute super-éclectique. J’adore des morceaux de rap tout autant que des morceaux de rock, du métal bien trippant, du trip-hop, de l’électro aussi. J’ai eu une phase électro, il n’y a pas longtemps et maintenant je change petit à petit, vers le jazz. J’écoute de tout et j’ai des coups de cœur pour des artistes un peu dans tous les styles, et je les suis.

HAKIM : J’ai été biberonné par mon père avec tout ce qui est folk, Bob Dylan, J.J. Cale, Clapton, Steve Miller Band. Il y a aussi eu Bob Marley. Du côté de ma mère, c’était surtout de la musique traditionnelle marocaine, et quand j’ai découvert la collection de vinyles de mon père, ça a été tout de suite Jimi Hendrix. J’ai plongé dedans, je copiais les vinyles sur cassette puis j’écoutais la nuit. Hendrix, Cat Stevens, Bob Marley, ça a été vraiment le départ de mon parcours musical. Après, j’ai commencé à m’intéresser à d’autres guitaristes. J’ai écouté beaucoup de rock classique, Led Zeppelin, Pink Floyd, Deep Purple, etc. Puis j’ai évolué vers d’autres choses. Actuellement, je suis dans une phase purement jazz. J’écoute beaucoup de fusion. Quand je suis rentré dans le groupe, j’étais dans une période assez rock. On a fait beaucoup de soul sixties dans notre ancien groupe, avec Simon et Flupke, d’ailleurs. Puis j’ai bifurqué vers le jazz, l’afro-jazz, et puis maintenant le funk et la fusion, genre McLaughlin, Herbie Hancock, Jaco Pastorius, Miles Davis. J’ai beaucoup écouté Parliament et Funkadelic, également. C’était finalement logique, en partant de Jimi Hendrix, qui a suscité des branches entières dans le rock, le jazz-rock et la fusion. Le dernier concert que je suis allé voir avec Merlin, c’était Robert Glasper Experiment, du rhythm ‘n’ blues, hip-hop, très mélangé avec du jazz. Bref, on écoute de tout, et je sais que Flupke et Simon ont aussi des références plus punk, que nous n‘avons pas. Avec Irène, on a des goûts en commun car on est de la même génération.

MERLIN : On a du mal à rester dans un style, on écoute vraiment de tout. Une fois que je suis dans un style, j’ai besoin d’aller voir ailleurs.

MiB : C’est le mieux finalement. L’idéal est quand même de tout savoir, si c’est possible.

MERLIN : Avoir la capacité de tout comprendre, c’est une grosse qualité.

HAKIM : C’est un peu comme si on pouvait parler tous les langages. Mais on ne veut pas se cantonner à un style. Le premier album nous a collé une étiquette psychédélique seventies, avec l’orgue Hammond, les sitars, le petit côté Deep Purple…

MiB : Quand j’ai entendu cet album, j’ai pensé de mon côté à des petits groupes prog anglais complètement inconnus de l’époque, comme Catapilla ou Fusion Orchestra. Et justement, en parlant d’album, avez-vous déjà des idées pour un troisième opus?

MERLIN : C’est un peu comme pour la sortie du premier album. On n’a pas tellement réfléchi et on va prendre le temps de digérer celui-là. Il est tout neuf, on va d’abord le faire vivre et puis après penser tout doucement à une suite pour l’avenir. Mais ce n’est pas du tout à l’ordre du jour.

MiB : Et au niveau des concerts?

HAKIM : Nous aurons le Sonic Rock Solstice le 21 juin, qui se déroule en Angleterre, avec tous les vieux hippies…

MERLIN : On va bien se marrer et ça va être une bonne ambiance.

MiB : Et ça vous permet de prendre des contacts pour de futures prestations scéniques.

MERLIN : Surtout à l’étranger. Le but est de sortir de la Belgique.

MiB : Dans ce domaine, vous avez plutôt bien réussi avec votre contrat avec un label japonais.

MERLIN : Oui, grâce à un ami musicien qui se déplace beaucoup au Japon, nous avons pu avoir des contacts avec une maison de disques qui nous a signés. Ils ont sorti notre premier album, puis notre deuxième, et ils aiment beaucoup notre musique. Ils ont fait une vidéo de nous sur Dailymotion Japon et on espère qu’elle a été vue. C’est une vidéo qui a été montée à partir de vidéos de tournage de live ou de séances en studio.

MiB : Et vous n’avez pas envie de faire un ʺvidéo clipʺ, comme on dit, avec une mise en scène et une histoire?

MERLIN : On y a pensé mais on ne savait pas comment s’y prendre. Puis, avec la sortie de l’album physique, on est parti sur autre chose. Ceci dit, cela pourrait être intéressant.

HAKIM : Le programme des concerts qui s’est greffé sur notre emploi du temps nous a aussi détournés de cette idée, mais ce n’est que partie remise.

MiB : Dernière question générale, que faites-vous comme bilan de votre groupe après cinq ans d’activités?

MERLIN : Ce qui est magnifique, c’est qu’on est dans une énorme évolution. Entre le premier et le deuxième album, on ne stagne pas du tout. Nous ne sommes pas dans une zone de confort, on ne cherche pas à rester dans le même style et on connaît vraiment une belle évolution.

HAKIM : Ce que je retiens, c’est qu’on a réussi à faire quelque chose d’original, en ce sens qu’aucun de nous n’aurait pu faire cette musique seul. Notre musique est vraiment la combinaison du groupe dans son ensemble. Comme dit Merlin, nous ne sommes pas dans une zone de confort et nous connaissons à chaque fois des remises en question, un travail sur nous-mêmes, sur notre approche de la musique. Ce sont des compromis…

MERLIN : Et un travail difficile qui paie en fin de compte. Globalement, c’est une chouette expérience : beaucoup de concerts, un parcours très enrichissant.

HAKIM : Et pour ce qui est du nouvel album, on est vraiment content du résultat. Ce n’est pas facile d’évoluer en tant que groupe indépendant et de s’autoproduire. La concurrence est rude mais au final, ça paie.

MiB : Eh bien, c’est sur ces paroles pleines de sagesse que nous allons pouvoir nous arrêter. Merci beaucoup!

HAKIM et MERLIN : Merci à toi.

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