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Lokerse Feesten 2019 : Godverdomme, c’est magnifique !

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L’an dernier, aux Lokerse Feesten, les pauvres Triggerfinger n’avaient réussi à jouer que trois titres avant de devoir déclarer forfait. La cause ? Un orage phénoménal ! Ils sont revenus cette année pour terminer le boulot avec Therapy? et Arno.

Malgré une brise soutenue, le soleil brillait généreusement sur le coup de 19h lorsque les Van Jets sont montés sur scène pour leur dernière prestation à Lokeren. En effet, les Ostendais emmenés par les frangins Verschaeve tireront leur révérence le 1er novembre prochain à l’Ancienne Belgique, quinze ans après avoir remporté le Humo Rock Rally au même endroit. Une retraite prématurée annoncée de longue date qui leur permet de profiter d’un baroud d’honneur sur le circuit des festivals.

Sans surprise, ils proposeront un set best of à un public encore assez clairsemé et majoritairement composé d’afficionados. N’oubliant aucun de leurs cinq albums, ils s’attarderont volontiers sur le plus poppy “Welcome To Strange Paradise”. Ce sont toutefois les hits de leurs début qui décrocheront la timbale (“The Future”, “Down Below”) ainsi que ce qui restera leur tout dernier single, “Who Does?”. On passera sous silence la tentative de crowdsurfing avortée d’un chanteur passablement énervant. Et, en guise de remerciements pour servis rendus, une tarte (rose) offerte par les organisateurs au terme du très réussi “Two Tides Of Ice”.

Le pâtissier attitré des Lokerse Feesten n’a en tout cas pas chômé puisqu’il a également préparé un gâteau pour Neil Cooper, le batteur de Therapy? (vous savez, celui qui a son anniversaire tous les soirs depuis le début de la tournée en support de “Cleave”). Le trio irlandais augmenté d’un guitariste-choriste (qui, pour une fois, jouait à visage découvert vu la disposition épurée de la scène) a fait le boulot ce samedi mais sans prendre de risque. De peur de décevoir un public quarantenaire resté bloqué dans les nineties ?

Toujours est-il qu’à part le minimum syndical (trois extraits de “Cleave” dont l’excellent “Callow”), ils ont sans surprise pioché abondamment dans leur période de gloire s’étalant grosso modo de 1992 à 1995. Bien entendu, “Teethgrinder”, “Screamager” et “Stories” sont de fichues bombes qui envoient le public dans le moshpit (et encore, c’était plutôt calme à ce niveau-là). Mais, à l’exception d’une version nerveuse de “Diane” (largement supérieure à celle, pseudo acoustique, jouée en salle) et à une passionnée d’“Isolation” en rappel, on a l’impression d’avoir déjà assisté au même concert. Surtout qu’Andy Cairns ressasse sans arrêt les mêmes interventions (Evil Priest le bassiste, “Neil drums like a motherf**ker”, “I prefer Belgian beers (than the Irish ones)”, “F**k Trump, Boris Johnson, the British Government and Brexit”…). Rien de bien neuf sous le soleil donc mais on a l’impression que ce manque d’audace finira par leur porter préjudice…

Arno a fêté ses septante printemps le 21 mai dernier dans sa ville natale d’Ostende en donnant un concert au Kursaal. L’occasion de regarder dans le rétroviseur mais également bien devant lui puisqu’il y a présenté en primeur des extraits de son futur album, “Santeboutique”, qui arrivera dans les bacs le 13 septembre. Parmi ceux-ci, le magnifique et délicat “Oostende Bonsoir”, un des sommets de sa prestation ce soir et malheureusement le seul nouveau titre à se mettre derrière l’oreille. Mais quel titre !

Ceci dit, entouré de quatre jeunes loups (un guitariste, un bassiste, un batteur et un claviériste), il survolera habilement d’une énergie décuplée l’ensemble de sa prolifique carrière. De Tjens Couter (“Dance With Me”) à Charles & The White Trash European Blues Connection (“No Job No Rock” et son harmonica) en passant par TC Matic (“Que Pasa” d’entrée de jeu, l’hypnotique “The Parrot Brigade”) et les Subrovniks (“Meet The Freaks”), il ne choisira pas la facilité mais visera toujours juste.

Si sa voix rocailleuse, son humour et sa diction si caractéristiques constituent sa marque de fabrique, sa présence, sa prestance et ses grimaces font de lui un sacré personnage. Attachant aussi, comme sur le toujours aussi bouleversant “Les yeux de ma mère”. Mais Arno, c’est surtout le seul artiste belge qui réussit à faire chanter en français une plaine entière de festivaliers néerlandophones. “Vive ma liberté”, “Putain Putain”, “Les filles du bord de mer”, autant d’hymnes scandés à l’unisson. Bref, après Patti Smith lundi, c’est un autre septuagénaire qui a mis tout le monde d’accord aux Lokerse Feesten.

Le vent qui était en train de se lever n’était pas du genre à rassurer les membres de Triggerfinger. Rappelez-vous, l’an dernier, un orage d’une violence rare a éclaté peu après le début de leur prestation et ils ont été contraints de jeter l’éponge après trois morceaux. Ils sont bien revenus sur scène une grosse demi-heure plus tard mais en costume de DJ pour faire danser ceux que les gouttes n’avaient pas fait fuir. Il se devaient donc de revenir…

Entre-temps, le groupe a fêté ses vingt ans d’existence en donnant une série de concerts à travers le pays pour l’occasion. Et le set de ce soir ira dans la même direction puisqu’ils ne joueront que deux extraits de leur plus récent album, “Colossus”, sorti en 2017 (la plage titulaire et l’hyper efficace “Flesh Tight”). Pour le reste, c’est guitares (Geoffrey Burton, qui les accompagne sur scène, apporte franchement sa pierre à l’édifice) et batterie en avant qu’ils revisiteront leur back catalogue.

Comme à sa bonne habitude, Ruben Block porte avec classe un costume dans un motif que certains n’oseraient pas choisir pour leur rideaux. Mais aujourd’hui, ce sont ses santiags rouges à paillettes qui font sensation. Ses camarades de jeu se produisent en complet noir (et même en cravate pour Mario Goossens dont on se demande parfois comment il parvient à tenir la cadence). Finalement, malgré son imposante stature, c’est Monsieur Paul qui passe le plus inaperçu du lot.

Triggerfinger est un excellent groupe de rock composé de trois musiciens hors pair. Il s’agit d’un avantage mais également d’un inconvénient. En effet, lorsqu’ils vont droit au but, on en prend plein la figure (“I’m Coming For You”, “Let It Ride”). Mais lorsqu’ils partent dans leurs délires de mélomanes, on a l’impression qu’ils s’adressent à des diplômés en musicologie ou qu’ils jouent pour eux en allongeant maladivement leurs compositions (“My Baby’s Got A Gun”, “All This Dancin’ Around” et cet interminable solo de batterie) avec presqu’un sentiment de gâchis à la clé.

Ceci dit, quelques surprises émailleront tout de même le set, comme lorsque l’inimitable Arno débarquera pour deux covers de TC Matic (“Bye Bye Till The Next Time” et “Ha Ha”). Ou, lors du rappel lorsqu’Andy Cairns et Neil Cooper de Therapy? (qui leur avaient comme d’habitude dédicacé “Trigger Inside” plus tôt dans la soirée) sont venus leur prêter main forte en donnant de la voix. Et cette fois, les éléments se sont bien gardés de venir gâcher la fête…

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