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ALLIGATOR WINE, The – Demons of the mind

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Les années 70 dans la musique rock ne finiront jamais de fasciner. C’est ainsi que naissent les périodes classiques, quand les jeunes générations ne peuvent s’empêcher de revisiter à l’envi les décennies qui ont précédé leur naissance. On ne va pas citer ici les groupes contemporains qui sont allés chercher chez Black Sabbath, Deel Purple, Led Zeppelin, les Rolling Stones ou Kiss des pans entiers d’inspiration pour reconstituer dans leur propre espace leur vision des années 70, espérant en secret les avoir vécues en vrai. The Alligator Wine est encore un de ces groupes qui vient chasser sur les terres des années 70 pour trouver des idées, mais ce duo allemand fait ici bien plus que de creuser encore une fois le sillon des Seventies pour faire du copier-coller, il crée un son qui lui est propre, revisite l’ancien avec un regard neuf, restaure les vieilles pierres pour y imposer sa marque, bref, il fait preuve d’originalité.

Formé en Forêt Noire en 2016, The Alligator Wine consiste en un duo (Rob Vitacca, chant, orgue et percussions ; Thomas Teufel, batterie et chœurs) qui explore les années 70 et qui a la particularité de ne pas avoir de guitariste. Tout le bruit massif qu’il va produire dans ses chansons ne provient que de l’orgue et de la batterie. Original, me direz-vous, mais pas unique dans l’histoire du rock. Qui se souvient d’Attila? Je ne parle pas ici du Hun qui avait fait main basse sur l’Europe en moins de deux mais du duo américain ayant commis un album en 1970 avec orgue et batterie uniquement et dans lequel on trouvait un certain Billy Joel, barbu et chevelu à ses tout débuts. Qui connaît Aardvark, groupe heavy prog anglais des Midlands, également auteur d’un unique album en 1970 (d’ailleurs chroniqué en ces pages il y a fort longtemps)? Ils étaient quatre, mais il n’y avait pas de guitariste. Tout était assuré par l’orgue.

The Alligator Wine renoue donc avec cette tradition de l’orgue épaulé par la batterie, au service du gros son. Le groupe est chargé de références du passé, comme son nom qui provient d’une chanson de Screamin’ Jay Hawkins datant de 1957 ou comme le nom de son album, ʺDemons of the mindʺ, qui se réfère à un film d’horreur de la Hammer de 1972. Et pourtant, The Alligator Wine parvient à faire un bond vers le présent et même l’avenir avec un disque étonnant. On dirait que les types ont jeté dans une grande lessiveuse des trucs à la Deep Purple, Uriah Heep, du Lucifer’s Friend, ont ajouté une couche de power pop, de la modern dance, ont posé leur empreinte personnelle, notamment avec la voix exceptionnelle de Rob Vitacca, et nous ont sorti de là une chemise à fleurs toute neuve, mi-cuir, mi-satin. Bref, un truc pas courant.

Les débuts puissants marqués par ʺShotgunʺ, ʺVoodooʺ ou ʺTen million slavesʺ captent immédiatement l’attention, avec ce mélange de heavy prog repensé pour les dance-floors, à la sauvagerie primale néanmoins tenue par une sophistication de dandys électriques. Le duo s’oriente ensuite vers des atmosphères plus éthérées, à la festivité trompeuse (ʺThe flying carouselʺ) ou carrément spatiales (la très belle ballade ʺLoraneʺ) qui s’éloignent peu à peu des rivages Seventies pour rejoindre une contemporanéité que The Alligator Wine contribue à définir avec même une vision futuriste (ʺDream eyed little girlʺ). Ici, on est plus chez Daft Punk que chez Deep Purple. Oui, ces gens ont osé. Ils nous ont fait un raccourci saisissant entre passé et futur. Ils nous ont fait partir de Screamin’ Jay Hawkins pour nous propulser dans les sonorités dansantes de Daft Punk ou de Phoenix. On vient de se prendre six décennies dans le pif sans avoir bougé de nos fauteuils. Comme soucieux du bien-être mental de leurs auditeurs en leur évitant trop de survitesse, les gens de The Alligator Wine remettent néanmoins une petite couche de progressif à l’ancienne sur les premières mesures de ʺMamâeʺ, qui secoue tous nos os sous des vibrations surexcitées et toujours dansantes. Et l’autre grande ballade ʺSweetheart on fireʺ en fin d’album achève de nous faire comprendre que nous avons affaire ici à de grands musiciens, malins, visionnaires, cultivés et tout.

Un groupe comme The Alligator Wine n’est pas une capture courante pour Century Media, en général plus marteau-pilon qu’aiguille à tricoter. Mais il faut admettre ici que le label allemand a bien eu raison de mettre la main sur ce petit combo doué. Quand c’est bon et fédérateur, on ne tergiverse pas, on signe.

Le groupe :

Rob Vitacca (chant, orgue et percussions)
Thomas Teufel (batterie et chœurs)

L’album :

ʺShotgunʺ (3’56)
ʺCrocodile Innʺ (4’46)
ʺVoodooʺ (3’54)
ʺTen Million Slavesʺ (6’09)
ʺThe Flying Carouselʺ (4’29)
ʺLoraneʺ (6’15)
ʺDream Eyed Little Girlʺ (4’26)
ʺMamáeʺ (3’49)
ʺSweetheart On Fireʺ (5’13)

https://www.facebook.com/thealligatorwine/

Pays: DE
Century Media
Sortie: 2020/04/24

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