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LANCMAN, Sarah – Parisienne

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Transportons-nous par l’imagination dans un club de jazz enfumé (non, pas enfumé, la cigarette est désormais interdite dans tous les lieux publics), une bouteille de Johnny Walker étiquette noire sur la table (non, juste deux verres, il faut consommer l’alcool avec modération) et laissons-nous envoûter par la chanson jazz qui hante le nouvel album de Sarah Lancman. Ici, oui, on a le droit : la modération n’est pas de mise.

Cette chanteuse parisienne aux racines à la fois marocaines, bretonnes et ashkénazes est effectivement une envoûteuse. Une envoûteuse de la voix, de la mélodie, d’un lyrisme feutré et profond. Chanteuse, pianiste, Sarah Lancman rêve de musique dès sa plus tendre enfance, elle s’engage dans un cursus musical exigeant, d’abord à la Bill Evans Piano Academy alors qu’elle a quinze ans, puis à la Haute Ecole de musique de Lausanne. C’est finalement une première place à un concours de chant lors du festival de Montreux en 2012 qui la fait remarquer par de grands parrains musicaux. Le président du jury, le grand Quincy Jones, voit en elle une nouvelle grande voix du jazz et Charles Aznavour, qu’elle rencontre, prédit qu’il faudra compter avec elle.

Sarah démarre sa carrière de chanteuse avec un premier album autoproduit, ʺDarkʺ, en 2014. C’est à cette époque qu’elle rencontre le pianiste Giovanni Mirabassi, qui est aussi passé par la Bill Evans Academy. Ces deux-là s’associent pour enregistrer à New York l’album ʺInspiring loveʺ en 2016, puis partent en Thaïlande donner naissance au successeur ʺA contretempsʺ en 2018. En 2019, Sarah Lancman enregistre un disque de chansons italiennes, ʺIntermezzoʺ, puis part tourner dans le monde, en compagnie du trompettiste japonais Toku. Elle passe aussi par Odessa pour jammer avec un béninois joueur de balafon et participe à la création de Jazz Eleven, un label fondé par Giovanni Mirabassi.

C’est bien sûr sur ce label qu’elle sort ʺParisienneʺ, nouvel album qui annonce la couleur dès son titre. C’est l’esprit des clubs jazz de Saint-Germain-des-Prés qui est ici convoqué, avec des chansons allant puiser des mélodies jazz, associées à du chant en français ou en anglais. Sarah compose la plupart des titres mais elle s’attaque aussi à des reprises de deux monuments, Charles Aznavour (ʺParce queʺ) et Edith Piaf (ʺL’hymne à l’amourʺ). C’est ce titre inscrit sur la liste des chansons qui attire l’attention de l’auditeur, qui se demande bien comment on va pouvoir rivaliser avec la version originale, par définition indépassable, de la grande Edith Piaf.

Mais laissons Sarah Lancman dérouler son cheminement à travers cet album avant d’atteindre ce Nirvana de la chanson française qu’est ʺL’hymne à l’amourʺ. Les choses démarrent dans la brillance soyeuse de ʺEt ainsi va la vieʺ ou ʺTokyo songʺ (dont toutes les strophes commencent par les lettres constituant les mots Tokyo song), où l’on découvre le jeu de piano sidérant de Giovanni Mirabassi, décidément une pointe dans son domaine. Les chansons en français évoquent l’amour, comment il naît, comment il meurt. C’est effectivement la source principale de l’inspiration de Sarah Lancman et même si c’est un peu monomaniaque, c’est tout de même mieux que des chansons qui ne parlent que de la fermeture de mines de charbon ou de la progression du SIDA en Afrique.

Les chansons agréables passent les unes après les autres et on attend fébrilement ce moment énorme que va être la reprise de ʺL’hymne à l’amourʺ. Le compteur tourne : ʺA new startʺ, très bien, ʺDis-le moiʺ, excellent, ʺTon silenceʺ, merveilleux, ʺThe Moon and Iʺ, beau. Et voilà le choc… Oui, évidemment, c’était audacieux de s’attaquer à cette montagne sacrée, l’une des plus magnifiques chansons d’Edith Piaf, mais on comprendra que cette reprise faite par Sarah Lancman, très honorable, ne bouleverse pas la version originale. C’était bien tenté, ça reste très bien mais on est un peu loin de la transcendance totale qu’en avait faite Edith Piaf. Nous n’en voudrons pas à Sarah Lancman et ça n’ôte rien à ses mérites. Il faut simplement savoir qu’il ne faut pas mettre trop d’espoirs sur cette reprise quand on écoute son album pour la première fois. Une fois prévenu, c’est vrai, on peut découvrir dans cet album une très belle collection de chansons jazz suaves et romantiques, interprétées par une chanteuse effectivement dotée d’une très belle voix.

Entre Shirley Horn, Helen Merrill ou Sarah Vaughan, Sarah Lancman s’affirme comme une chanteuse d’exception, à l’univers musical chatoyant et gracieux. C’est effectivement une grande chanteuse jazz qui pointe ici et offre à ce genre vénérable de nouvelles perspectives.

Le groupe :

Sarah Lancman (chant et piano)
Giovanni Mirabassi (piano)
Laurent Vernerey (contrebasse)
Stéphane Muchard (batterie)
Marc Berthoumieux (accordéon)
Pierrick Pédron (saxophone)

L’album :

ʺEt ainsi va la vieʺ (3:25)
ʺTokyo Songʺ (5:07)
ʺC’était pour toiʺ (4:15)
ʺParce queʺ (4:04)
ʺA New Startʺ (5:06)
ʺDis-le moiʺ (3:31)
ʺTon silenceʺ (3:08)
ʺThe Moon and Iʺ (4:32)
ʺL’hymne à l’amourʺ (6:26)
ʺI Love You More Than I Can Singʺ (4:15)
ʺIndex – L’hymne à l’amourʺ (0’51)

https://www.sarahlancman.com/
https://www.facebook.com/sarahlancmanjazz/

Pays: FR
Jazz Eleven
Sortie: 2020/03/27

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