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QUANTUM JUMP – Barracuda

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Le label Esoteric Recordings réédite la suite des aventures du groupe anglais Quantum Jump, avec “Barracuda” qui fait suite en 1977 au premier album éponyme sorti l’année précédente. On se souvient que Quantum Jump, animé par Rupert Hine (chant et claviers), John G. Perry (basse), Trevor Morais (batterie) et Mark Warner (guitare), avait réalisé son premier album dans une veine associant rock progressif et mélodies annonçant le disco. Evidemment, c’était à l’époque une œuvre assez incongrue mais qui avait son charme, bien qu’à contre-courant de toutes les grandes métamorphoses de la musique en 1976-77 (émergence du punk, déclin du prog, incubation encore discrète du disco).

Trop rétro pour les punks, trop en avance pour les amateurs de danse, Quantum Jump n’avait pas vraiment trouvé son créneau. Et les choses sont encore plus floues avec “Barracuda”, qui voit le groupe récidiver dans son style ambivalent, mais avec moins de certitudes que sur le précédent disque.

Le groupe commence l’écriture de cet album avec déjà un handicap de taille : le départ du guitariste Mark Warner, parti suivre Cat Stevens dans une tournée mondiale plus rémunératrice que les prouesses de Quantum Jump. En effet, bien que la bande à Rupert Hine ait eu entre les mains un hit potentiel (la chanson “Lone ranger” et son introduction vocale particulièrement originale qui consistait à prononcer le nom de lieu le plus long du monde, 84 lettres), tout ceci ne trouve aucune concrétisation puisque “Lone ranger” se trouve plus ou moins banni des ondes en raison de ses propos équivoques sur l’homosexualité. A l’époque, la très sérieuse et conservatrice BBC ne plaisantait pas avec ce genre de sujet.

C’est donc un groupe sans ressort commercial qui se présente aux studios Trident de Londres en février 1977 pour mettre au point “Barracuda”. L’absence de Mark Warner est à peine compensée puisque Rupert Hine décide de mettre très peu de guitare sur les compositions. Les titres sont souvent enrichis d’arrangements de cordes et de cuivres, écrits respectivement pas Simon Jeffes et Henry Lowther. Des musiciens de session comme le guitariste Paul Keogh ou le multi-instrumentiste Geoff Richardson viennent ajouter de discrètes parties de guitares. Enfin, des vocaux féminins sont placées de temps à autre par Elkie Brooks, chanteuse dont l’histoire a retenu le nom en raison de son appartenance au groupe rock Vinegar Joe, un des premiers combos du regretté Robert Palmer.

Les huit chansons qui naissent de cet enregistrement proposent un croisement entre pop, funk et un jazz-rock léger, très pensé, très mesuré mais toujours un peu dépourvu de charisme. Les titres glissent sans laisser un véritable impact et le tout ronronne gentiment, au point qu’on est souvent obligé de regarder la liste des morceaux pour savoir où on en est. Il faut dire que l’acoustique des studios Trident a une influence sur le son très policé et peu spontané des chansons. On navigue ici dans le feutré, dans le gentil et aussi un peu dans une certaine neutralité. Rien ne sort vraiment du lot, sinon une impression vaguement agréable (c’est du beau boulot) mais néanmoins dépourvue de personnalité.

L’album “Barracuda” sort en mai 1977 et face à une rude concurrence (le premier album des Clash, “Rattus norvegicus” des Stranglers, “Cat scratch fever” de Ted Nugent ou “Love gun” de Kiss sortent à la même période), ne connaît aucune chance de se faire entendre. Idem pour le single “(Oh my Lord) Don’t look now/The seance (Too spooky)”, englouti dans les fosses de l’indifférence alors qu’il est censé servir de soutien à l’album. Cette débâcle entraîne bien entendu la séparation de Quantum Jump à la fin de 1977.

L’histoire de Quantum Jump est un peu triste car marquée par une certaine injustice. Ce groupe avait des idées intéressantes qu’il n’a pu personnifier assez clairement mais il se débrouillait bien sur scène, comme le montre le live figurant sur le second CD de la réédition Esoteric Recordings. Capté en juillet 1977 au Paris Theatre de Londres pour l’émission In concert de la BBC, ce concert met en œuvre un authentique guitariste, Roy Albrighton (du groupe Nektar). Et là, tout prend une autre dimension. La bonne humeur et la spontanéité de ce concert nous permet d’augmenter la note du disque, qui serait restée basse si on n’avait eu droit qu’au seul album “Barracuda”.

La réédition de “Barracuda” propose aussi des inédits et des remixes qui figureront sur le troisième album de Quantum Jump en 1979, un “Mixing” posthume qui permet enfin à la chanson “Lone ranger” de se frayer un très honorable chemin dans les charts. On est alors en pleine folie disco et Quantum Jump accède enfin à une petite reconnaissance. Mais il y a bien longtemps que ses musiciens se sont tournés vers d’autres projets.

Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 22477
Sortie: 2015/01/26 (réédition, original 1977)

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