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OCTANTRION – II

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En découvrant ce duo Octantrion, on conclue aisément que Gaëdic Chambrier et Éléonore Billy vivent dans une autre époque, sur une autre terre et l’on imagine la colère de ces deux musiciens de n’être pas nés en Norvège au XIVe siècle. Car leur truc, c’est non seulement le folk (ce serait trop simple) mais aussi et surtout une approche traditionnelle, acoustique et quasi-médiévale de l’ancienne musique scandinave telle que la pratiquaient les Vikings avant d’embarquer dans leurs drakkars pour aller saccager quelque bourgade angle ou picte, histoire de se marrer un coup.

Gaëdic Chambrier et Éléonore Billy montent Octantrion en 2014 et ils commettent l’exploit de placer leur premier album autoproduit dans le classement des meilleures ventes françaises grâce à un passage télévisé sur France 2. Ce devait être le soir car le laboureur était déjà rentré des champs et il a dû apprécier cette musique surgissant subitement du terroir profond des coutumes et légendes ancestrales qui rappellent que nous sommes, en Europe, issus de la forêt, des champs et des rivières et que notre ADN contient encore assez de chlorophylle pour nous rendre sensibles à l’appel de la nature.

Quand on étudie la discographie d’Octantrion (drôle de nom, d’ailleurs, qui semble suggérer un univers situé encore plus au nord que le Septentrion), on conclue que ʺIIʺ est le deuxième album de leur discographie. Mais entre le premier album éponyme de 2016 et ce ʺIIʺ, il y a un troisième disque qui vient se glisser et qui s’appelle ʺ8ʺ. Entre chiffres romains et chiffres arabes, on pensait avoir perdu le compte mais en fait, ce ʺ8ʺ n’était que le premier album augmenté de quatre titres supplémentaires. Donc, le résultat des comptes nous amène bien à deux albums.

Ce deuxième album est envisagé sous un angle différent du premier. Résolument ancré dans le folklore du nord de l’Europe, il est une véritable plongée dans l’abîme du temps et un billet qui nous débarque directement dans le vieux Trondheim médiéval, entre les chantiers navals où l’on carène les coques de drakkars à l’huile de phoque et les fermes où l’on fume le hareng pour l’hiver. La pochette représente un corbeau, symbole profond du paganisme nordique, compagnon des sorcières (qui n’étaient pas des adoratrices de Satan mais des femmes pratiquant la médecine naturelle). Gaëdic Chambrier et Éléonore Billy s’essaient à toutes sortes d’instruments dont on ne soupçonnait même pas l’existence : le nyckelharpa suédois, le hardingfele norvégien (ancêtre du violon Hardanger), la harpe-guitare, la cistre basse nordique, le mandoloncelle. Des trucs avec plein de cordes, plein de clés, dont l’accordage doit prendre au bas mot une demi-journée.

Et le résultat est un merveilleux voyage en dehors des contingences du temps et de l’espace, en contradiction totale avec notre modernité mortifère, une croisière sur des eaux plates où flottent les ombres blanches des vieilles âmes ayant fréquenté les terres du nord de l’Europe il y a des siècles et des siècles. Les deux musiciens reprennent cinq chansons du répertoire traditionnel islandais et suédois, qu’ils interprètent même dans la langue d’origine. Quelques titres rappellent la mythologie nordique, comme ʺHuginʺ et ʺMuninʺ qui sont les deux corbeaux d’Odin, ou encore ʺStrömkarlen spelarʺ qui parle d’un esprit des rivières dont le violon entraîne les hommes dans les flots, à moins que ceux-ci n’offrent trois gouttes de sang ou un animal noir. Quatre petits intermèdes portant les noms de ʺVilyaʺ, ʺNärʺ, ʺNénʺ et ʺCénʺ sont l’air, le feu, l’eau et la terre en langage elfique. Et surtout, il y a la musique, apaisante et dansante, virevoltante au son des instruments traditionnels (ʺBältares långdansʺ, ʺRagnarökʺ), ruisselante de notes cristallines (ʺHuginʺ), nonchalante et enchanteresse (ʺThe dead kingʺ) et qui finit par être envoutante (ʺMuninʺ, ʺFatherʺ, ʺChamanʺ).

Le concept musical développé par Gaëdic Chambrier et Éléonore Billy est enthousiasmant et original. Ce qui cherchent la moindre trace de rock là-dedans pourront repasser. Mais bon Dieu (car il en faut bien un au milieu de tout ce paganisme sylvestre et neigeux), que ça fait du bien d’entendre des choses qui ont l’audace et la curiosité de transcender les limites et les frontières sonores !

Le groupe :

Éléonore Billy (chant, nyckelharpa, hardingfele)
Gaëdic Chambrier (chant, harpe-guitare, mandoline, mandocello, cistre, basse, batterie, claviers, percussions, programmation)

L’album :

ʺBältares långdansʺ (3:17)
ʺHuginʺ (3:05)
ʺRagnarökʺ (2:39)
ʺThe Dead Kingʺ (5:12)
ʺElement [Vilya]ʺ (1:24)
ʺStrömkarlen spelarʺ (4:03)
ʺEn gång nar jäg ska döʺ (2:34)
ʺDans [När]ʺ (1:45)
ʺElement [Nén]ʺ (1:17)
ʺMuninʺ (5:32)
ʺAgainst the Windʺ (3:22)
ʺFatherʺ (3:12)
ʺElement [Cén]ʺ (1:04)
ʺChamanʺ (4:08)
ʺThe Dead Kingʺ (3:59)

https://octantrion.bandcamp.com/releases
https://www.facebook.com/profile.php?id=100063710617206

Pays: FR
Quart de Lune / UVM Distribution / IDOL
Sortie: 2021/10/22

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